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Proche-Orient

La Knesset abandonne les colons de Gaza

Ariel Sharon affiche sa satisfaction après le vote favorable de la Knesset sur son plan de retrait de la bande de Gaza. 

		(Photo : AFP)
Ariel Sharon affiche sa satisfaction après le vote favorable de la Knesset sur son plan de retrait de la bande de Gaza.
(Photo : AFP)
Le Premier ministre Ariel Sharon a réussi sans surprise à faire adopter par la Knesset son plan de séparation unilatérale d’avec les Palestiniens, source depuis des semaines d’affrontements sur la scène politique israélienne. Ce plan, contre lequel près de la moitié des députés du Likoud -le propre parti du chef du gouvernement- s’est prononcée, prévoit l’évacuation d’ici septembre 2005 des quelque vingt et une colonies de la bande de Gaza et de quatre petites implantations isolées du nord de la Cisjordanie. Son adoption vient couronner dix-sept heures de débats tendus au cours desquelles ses défenseurs aussi bien que ses opposants se sont violemment pris à partie. Qualifié d’historique, le vote de ce plan de désengagement a également mobilisé la rue israélienne. Des militants pacifistes et de gauche lui ont apporté leur soutien lors de plusieurs manifestations organisées lundi tandis que les colons se sont mobilisés en masse mardi pour lui marquer leur hostilité.

La longue poignée de main échangée mardi soir devant les caméras entre Ariel Sharon et le chef de l’opposition travailliste, Shimon Peres, en dit long sur la portée historique du pacte qui a été conclu entre ces deux vieux ennemis politiques de toujours. Le Premier ministre israélien, allié traditionnel des colons dont il a longtemps défendu les intérêts, vient en effet, grâce à l’opposition de gauche, de poser la première pierre pour une évacuation de la bande de Gaza sous occupation israélienne depuis la guerre de 1967, soit trente-sept années. Lâché par près de la moitié des députés de son parti le Likoud, le chef du gouvernement n’a dû son salut qu’au soutien de ses adversaires politiques (parmi lesquels 21 députés travaillistes et six du parti de gauche laïque Yahad de la colombe Yossi Beïlin). Son plan de séparation unilatérale d’avec les Palestiniens a ainsi été adopté par 67 voix contre 45, sept députés s’étant abstenus. Le vote s’est déroulé dans une ambiance électrique, adversaires et partisans du plan Sharon n’hésitant pas à se prendre violemment à partie dans l’hémicycle. Plusieurs députés des formations religieuses ultra-orthodoxes et d’extrême droite –qui ont tous voté contre le texte– ont même dû être évacués à plusieurs reprises.

Mais cette victoire, obtenue uniquement grâce à une majorité de circonstance, fruit d’une alliance contre-nature, n’en garantit pas pour autant l’avenir politique d’Ariel Sharon et de son plan de retrait de la bande de Gaza. Le chef du gouvernement, qui avait averti ses ministres qu’il ne tolérerait aucun écart de conduite au moment du vote à la Knesset, s’est en effet vu contraint d’asseoir son autorité et d’engager un nouveau bras de fer avec les durs de son parti, visiblement bien déterminés à faire tomber son cabinet. Peu après l’adoption de son plan, il a ainsi commencé par limoger deux de ses ministres –le vice-ministre de la Sécurité intérieure Michaël Ratzon et le ministre sans porte-feuille Uzi Landau– tous deux membres du Likoud. Ariel Sharon a dû ensuite répondre aux menaces de démission proférées par son ministre des Finances et rival, Benyamin Netanyahou, qui ambitionne de lui succéder à la tête du parti. Sous prétexte de «sauver l’unité du parti et de la nation», ce faucon du Likoud, soutenu par trois autres ministres, a en effet donné deux semaines au chef du gouvernement pour accepter l’idée d’organiser un référendum national sur son plan de séparation d’avec les Palestiniens.

Inquiétudes palestiniennes

Acculé par les poids-lourds de son gouvernement, le Premier ministre s’est refusé à céder le moindre pouce de terrain, rejetant en bloc les conditions avancées par ses ministres à leur maintien en poste. «Je ne cèderai jamais aux pressions et aux menaces et je n'accepterai jamais un quelconque ultimatum», a fermement déclaré mercredi Ariel Sharon au quotidien Haaretz. «Ma position sur le référendum n'a pas changé: j'y suis hostile parce qu'il provoquerait de fortes tensions et déstabiliserait l'opinion publique», a-t-il ajouté. Un des proches du Premier ministre avait dès mardi soir défendu cette même position, soulignant que l’organisation d’une telle consultation ne pouvait que «favoriser les disputes, la violence et rapprocher le pays d’une guerre fratricide». Selon ce conseiller, un tel référendum repousserait en outre d’au moins six mois la mise en œuvre du plan de séparation unilatérale d’avec les Palestiniens, ce qu’écarte catégoriquement, officiellement pour des raisons de sécurité, le Premier ministre israélien. Mais en refusant le moindre compromis aux faucons du Likoud, Ariel Sharon court le risque de provoquer la chute de son gouvernement et donc d’affronter, en cas d’échec à former un cabinet d’union nationale, des élections législatives anticipées qui de fait repousseraient l’application du plan de retrait de la bande de Gaza.

Dès l’adoption par la Knesset de ce plan de désengagement, les Palestiniens –qui n’ont à aucun moment été consultés par la partie israélienne– ont appelé à une reprise des pourparlers de paix dans le cadre de la Feuille de route, ce plan de paix international qui prévoit la création, aujourd’hui plus qu’hypothétique, d’un Etat palestinien à l’horizon 2005. «Si le gouvernement israélien est sérieux à propos du processus de paix, il devrait revenir à la table des négociations avec l’Autorité palestinienne afin d’appliquer la Feuille de route et discuter d’un retrait de la bande de Gaza dans le cadre de cette Feuille de route», a notamment affirmé le ministre en charge des Négociations, Saëb Erakat. Cette insistance des Palestiniens à replacer le projet de désengagement d’Ariel Sharon dans le cadre du plan de paix international n’est pas anodine. Ils craignent en effet que le «Gaza d’abord» défendu par l’ancien chantre de la cause des colons ne se transforme en un «Gaza tout court», plus fidèle aux convictions qu’il a affichées dans le passé.

L’un des principaux conseillers du Premier ministre, Dov Weissglass, l'avait d’ailleurs crûment suggéré il y a quelques semaines au quotidien Haaretz. «Le sens du désengagement de Gaza est le gel du processus de paix. Quand vous le gelez, vous empêchez la création d'un Etat palestinien et une discussion sur les réfugiés, sur les frontières et sur Jérusalem. Le désengagement, c'est la dose de formol nécessaire pour qu'il n'y ait pas de processus politique avec les Palestiniens», avait-il notamment asséné. Depuis, Ariel Sharon a certes fait plusieurs mises au point, réaffirmant notamment son soutien à la feuille de route. Mais les Palestiniens restent plus que sceptiques au sujet d’un homme qui les a habitués à ne jamais rien céder pour rien. Et leur inquiétude a parfaitement été résumée par l’ancien Premier ministre, Mahmoud Abbas, qui a récemment expliqué que tout ce que les Israéliens offraient aux Palestiniens à Gaza était «une prison entourée par une zone tampon, dont la clé reste entre leurs mains et sans accès à la Cisjordanie».



par Mounia  Daoudi

Article publié le 27/10/2004 Dernière mise à jour le 27/10/2004 à 10:12 TU

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Envoyée spéciale permanente à Jérusalem

«Quatre ministres du Likoud dont son principal rival pour le pouvoir, le ministre des Finances, Benjamin Netanyahu, menace à présent de démissionner dans les deux semaines si Ariel Sharon n'accepte pas un référendum national sur le retrait de Gaza.»

[27/10/2004]

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