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Proche-Orient

Quel rôle pour l’Egypte dans le retrait de Gaza

Le général Omar Souleiman, chef des services de renseignement égyptien, est en charge du dossier sur le retrait de la bande de Gaza. 

		(Photo : AFP)
Le général Omar Souleiman, chef des services de renseignement égyptien, est en charge du dossier sur le retrait de la bande de Gaza.
(Photo : AFP)
Retrouvant son rôle de médiateur dans le conflit israélo-palestinien, Le Caire est redevenu ces dernières semaines une plaque-tournante pour la diplomatie régionale, accueillant plusieurs responsables occidentaux et notamment une réunion du Quartette -qui regroupe l’Union européenne, les Etats-Unis, la Russie et les Nations unies- autour de l’initiative approuvée par le gouvernement Sharon pour un retrait de la bande de Gaza. Soucieuse d’éviter que l’anarchie ne s’installe dans ce territoire avec lequel elle partage une frontière, l’Egypte a proposé de jouer un rôle sécuritaire à Gaza en aidant, sous certaines conditions, l’Autorité palestinienne à mettre en place une force de police de 30 000 hommes. Elle a également multiplié les contacts avec les autorités israéliennes qui pourraient renoncer au contrôle de la zone frontalière entre la bande de Gaza et l’Egypte.

L’annonce d’un retrait de la bande de Gaza et surtout l’engagement d’Ariel Sharon à l’appliquer malgré l’opposition d’une majorité des membres de son parti, le Likoud, ont sans conteste largement contribué au dégel des relations entre Israéliens et Egyptiens sérieusement malmenées par près de quatre années d’Intifada. Dès l’approbation non sans mal de ce plan par le gouvernement Sharon –le Premier ministre gouverne désormais sans majorité à la Knesset– l’Egypte a annoncé son intention de jouer un rôle pour faciliter son application. Les contacts se sont depuis multipliés avec la partie israélienne mais aussi avec la partie palestinienne, principale concernée par ce projet qui a d’ores et déjà obtenu le soutien de la communauté internationale qui y voit un espoir de relancer la Feuille de route, ce plan de paix mis en place par le Quartette et qui prévoit la création, aujourd’hui plus qu’hypothétique, d’un Etat palestinien dès l’année prochaine.

L’homme chargé de ce dossier côté égyptien est le général Omar Souleiman, le responsable des services de renseignement. Après s’être rendu il y a une quinzaine de jours à Ramallah où il a rencontré le président de l’Autorité palestinienne et en Israël où il s’est notamment entretenu avec le ministre de la Défense Shaoul Mofaz, ce proche conseiller de Hosni Moubarak a reçu dimanche soir au Caire le général de réserve Amos Gilad. Les deux hommes auraient évoqué, affirme le quotidien israélien Maariv, la possibilité pour Israël de renoncer au contrôle de la zone frontalière entre la bande de Gaza et l’Egypte dans le cadre du retrait des soldats de Tsahal de ce territoire. Un accord avait déjà été conclu début juin pour un renforcement de la présence militaire égyptienne dans ce secteur contrôlé par l’Etat hébreu, plus connu sous le nom de «couloir de Philadelphie», et où le traité de paix israélo-égyptien signé en 1979 impose le déploiement d’un nombre limité de garde-frontières égyptiens avec des restrictions sur le nombre et la nature des armes qu’ils utilisent. Sans remettre en cause le traité de paix, cet accord autorise désormais le déploiement de plus d’une centaine de soldats dont la principale mission sera officiellement de lutter contre la contre-bande d’armes vers la bande de Gaza.

Conditions égyptiennes

Mais c’est la première fois que l’éventualité de l’abandon par Israël du contrôle du «couloir de Philadelphie» est ouvertement évoquée. La semaine dernière, le ministre de la Défense, Shaoul Mofaz, qui a renforcé la présence israélienne dans la bande de Gaza, affirmait encore que l’armée ne quitterait pas ce secteur sans garantie égyptienne qu’il n’y aurait aucune contrebande par des tunnels entre l’Egypte et ce territoire. Il avait toutefois jugé que «les intentions du Caire» concernant ce dossier étaient «sincères». Même si elles sont plus que jamais empruntes de soupçons –Le Caire a une nouvelle fois condamné la semaine dernière la liquidation de plusieurs activistes palestiniens– les relations entre l’Egypte et Israël ont le mérite d’exister de nouveau, les deux pays s’étant visiblement engagés à tout faire pour garantir le succès d’un retrait de la bande de Gaza.

La situation semble en revanche beaucoup moins claire côté palestinien. L’Egypte, qui craint une prise de pouvoir des groupes radicaux dans un territoire avec lequel elle partage une frontière, a proposé de jouer un rôle sécuritaire dans la bande de Gaza. Elle a notamment offert d’envoyer quelque 200 officiers de police pour entraîner une force de 30 000 hommes chargés de maintenir l’ordre une fois partis les colons et l’armée israélienne. Une quarantaine d’officiers palestiniens devraient également suivre très prochainement une formation de six mois en Egypte. Le Caire a toutefois conditionné cette aide à l’engagement des autorités palestiniennes de réformer leurs services de sécurité. Le général Omar Souleiman a notamment fermement insisté auprès de Yasser Arafat pour qu’il réduise à trois le nombre de services contre au moins une dizaine actuellement. Il lui a même accordé un délai de deux mois pour mettre en place ces réformes qui impliquent de fait que le président palestinien cède certaines de ses prérogatives dans ce domaine.

Mais si l’Autorité palestinienne a officiellement accueilli favorablement la proposition égyptienne –Yasser Arafat sait que les forces dont il a le contrôle n’ont pas les moyens d’éviter que la bande de Gaza ne tombe dans l’anarchie en cas de retrait– les principaux mouvements radicaux palestiniens ont marqué leur opposition au projet du général Souleiman. Ces groupes craignent en effet que le rôle sécuritaire de l’Egypte ne leur ôte toute liberté d’actions. Ils sont d’ailleurs soutenus sur ce sujet par la population de la bande de Gaza où leur popularité dépasse celle du Fatah de Yasser Arafat. Un sondage a récemment révélé que quelque 35% de la population de ce territoire soutient le Hamas et le Jihad islamique contre 27% seulement pour le mouvement du président de l’Autorité palestinienne. Toujours selon cette enquête, si plus de 80% des personnes interrogées soutiennent la proposition du Caire de fusionner les différents organes palestiniens de sécurité sous l'autorité d'un ministre de l'Intérieur doté de larges pouvoirs, seulement 51% d’entre eux sont favorables à une présence égyptienne contre 46% qui y sont fermement opposés. Un manque de soutien qui peut s’expliquer par la crainte qu'une occupation ne s'achève pour qu'une autre commence.

par Mounia  Daoudi

Article publié le 05/07/2004 Dernière mise à jour le 05/07/2004 à 15:40 TU