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Egypte

Le Caire veut retrouver son rôle au Proche-Orient

«Il s’agit d’un simple incident qui n’aura pas d’impact sur le rôle de médiateur de l’Egypte» dans le conflit israélo-palestinien, a affirmé Ahmed Maher. Le chef de la diplomatie égyptienne, qui a été pris à partie par un groupe de Palestiniens alors qu’il se trouvait sur l’esplanade des mosquées à Jérusalem-Est, a en effet tenu à minimiser cette agression qui a fait la Une de toutes les télévisions de la région, ajoutant qu’elle n’empêchera pas son pays de poursuivre ses efforts en faveur de la paix. Quasi-absente de la diplomatie régionale depuis le début de l’Intifada en septembre 2000 –à l’exception de l’organisation le 3 juin dernier d’un sommet à Charm-el-Cheikh où George Bush, qui se rendait pour la première fois dans la région, a rencontré les principaux dirigeants arabes dits «modérés»–, l’Egypte semble avoir repris l’initiative au Proche-Orient en s’octroyant de nouveau le rôle de médiateur qui a souvent été le sien dans le conflit israélo-palestinien. Un rôle qu’elle semble aujourd’hui déterminée à préserver.
L’Egypte a longtemps été l’escale obligée pour toute initiative visant à trouver une solution au conflit qui oppose Israéliens et Palestiniens. Elle a accueilli nombre de sommets et des négociations diverses s’y sont déroulées. Souvent, il ne se passait pas une semaine sans qu’un responsable américain ou européen ne transite par Le Caire pour faire un point sur l’avancement des pourparlers et encourager les autorités égyptiennes à peser de tout leur poids pour convaincre la partie palestinienne, dont l’Egypte est le grand allié traditionnel, à poursuivre son engagement dans la voie de la paix. L’Intifada al-Aqsa, qui a été déclenché en septembre 2000 après qu’Ariel Sharon se soit rendu sur le Mont du temple –l’esplanade des mosquées pour les Palestiniens et troisième lieu sacré de l’Islam– a mis un terme à cette position privilégiée dont bénéficiait l’Egypte. Face au déferlement de violence qui a suivi la visite controversée du chef du Likoud, Le Caire a en effet été contraint de rappeler son ambassadeur pour dénoncer une situation explosive sur le terrain devenant du même coup au fil des mois de moins en moins incontournable pour les décideurs occidentaux.

Les autorités égyptiennes ont toutefois repris l’initiative il y a quelques semaines en parrainant notamment des pourparlers interpalestiniens destinés à arracher aux groupes radicaux, tels le Hamas ou le Jihad islamique, une trêve dans les attentats anti-israéliens. Les négociations qui se sont déroulées dans la capitale égyptienne durant toute une semaine ont certes échoué, mais le général Omar Souleïman, le chef des renseignements égyptiens, a réussi à convaincre les protagonistes de ne pas fermer la porte au dialogue et des émissaires égyptiens continuent de présenter de nouvelles propositions aux mouvements récalcitrants. Le général Souleïman doit dans ce contexte se rendre la semaine prochaine en Cisjordanie en compagnie du chef de la diplomatie égyptienne pour rencontrer les dirigeants palestiniens. L’Egypte a par ailleurs renoué ces dernières semaines des contacts avec les autorités israéliennes, redevenant du même coup un partenaire précieux. Ahmed Maher a ainsi rencontré son homologue Sylvan Shalom en Suisse et le chef de la diplomatie israélienne s’est également entretenu avec le président Hosni Moubarak.

Réchauffement israélo-égyptien

C’est dans ce contexte de réchauffement des relations israélo-palestiniennes que le ministre égyptien des Affaires étrangères s’est rendu lundi à Jérusalem où il a notamment rencontré le Premier ministre Ariel Sharon, qui avait menacé la semaine dernière de mettre en œuvre un plan de «désengagement unilatéral» en cas d’échec de la Feuille de route. Ahmed Maher, qui est le premier haut responsable égyptien à se rendre en Israël depuis trois ans, devait tenter de convaincre la partie israélienne de reprendre les pourparlers avec les responsables palestiniens et d’accepter une rencontre sans condition avec le Premier ministre Ahmed Qoreï, considérée par beaucoup comme essentielle à la relance du plan de paix international parrainé par le quartet qui, outre les Nations unies et l’Union européenne, comprend les Etats-Unis et la Russie. La rencontre Sharon-Maher, a été salué par le chef de la diplomatie israélienne, pour qui «l’Egypte joue un rôle constructif important dans la possibilité de combler le fossé qui sépare Israéliens et Palestiniens». Et à en croire un autre responsable qui a requis l’anonymat, Ariel Sharon aurait même déclaré au ministre égyptien qu’il répondrait favorablement à toute proposition de cessez-le-feu émanant des groupes radicaux palestiniens.

Mais ce succès diplomatique égyptien a largement été éclipsé par l’agression dont a été victime à l’issue de sa visite Ahmed Maher sur l’esplanade des mosquées à Jérusalem-Est. Le ministre a raconté qu'après son arrivée à la mosquée d'al-Aqsa, il a été pris entre deux groupes de Palestiniens : l'un lui demandant de venir prier comme il avait l'intention de faire, l’autre au contraire voulant qu'il sorte de la mosquée l’accusant notamment d’être «un traître et un collaborateur». Ses gardes du corps l’ont aussitôt encerclé pour l’entraîner vers la sortie tandis que les manifestants les bombardaient de chaussures abandonnées par les personnes qui se trouvaient à l’intérieur de la mosquée pour prier. Le ministre a alors eu un malaise avant d’être transporté dans un hôpital israélien.

Cette agression a immédiatement été condamnée par l’Autorité palestinienne qui a accusé le fait d’un «groupe d’agitateurs qui se moquent des intérêts nationaux». «Nous condamnons ce genre d’actes avec la plus grande fermeté et cela d’autant plus que la visite de M. Maher visait à soutenir notre peuple et à faire cesser l’agression israélienne», a en outre affirmé le ministre palestinien chargé des négociations Saëb Erakat tandis que le Premier ministre Ahmed Qoreï se déclarait «choqué et furieux». Même des groupes radicaux tels le Hamas ou le Jihad islamique ont dénoncé «un acte contraire à l’éthique du peuple palestinien». Visiblement très embarrassé par cet incident, le président Yasser Arafat a par ailleurs décidé de dépêcher une délégation de haut niveau auprès d’Ahmed Maher pour «présenter les excuses de la direction et du peuple palestinien au ministre égyptien». Les principaux journaux palestiniens ont en outre consacré leurs colonnes à l’événement pour dénoncer «une agression lâche» et demander pardon pour «ce qu’ont fait des voyous».

Cet incident, qui n’a certes rien de glorieux pour Ahmed Maher, aura toutefois permis à l’Egypte de se retrouver de nouveau sous les feux des projecteurs. Une occasion en or pour réaffirmer son intention de redevenir un partenaire incontournable dans la région. Et à en croire le chef de la diplomatie égyptienne, son pays est aujourd’hui plus que jamais déterminé à œuvrer en faveur de la paix au Proche-Orient.



par Mounia  Daoudi

Article publié le 23/12/2003