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Egypte

Duel entre islamiste et féministe

Le tribunal des affaires de statut personnel du Caire a reporté le lundi 18 juin 2001 le procès intenté par un avocat islamiste contre la féministe égyptienne Nawal al Saadawi (70 ans) au 9 juillet. Selon les experts juridiques, le report du procès n'est qu'une question de procédure, le magistrat ne pouvant pas décréter une affaire irrecevable dès la première séance. Reste maintenant à savoir si le juge va débouter le plaignant où s'il va donner suite à une affaire qui a déjà fortement porté atteinte à l'image de l'Egypte.
De notre correspondant en Egypte

En attendant, la décision du juge n'a fait qu'alimenter la colère des ONG nationales et internationales de défense des droits de l'homme qui ont affirmé avoir été «profondément choqués». Plusieurs représentants de ces organisations, ainsi que du parlement européen, étaient présents au Caire pour soutenir la féministe égyptienne. L'Italienne Emma Bonino ancienne commissaire européen qui a estimé que «la Déclaration des droits de l'Homme n'était pas bien appliquée en Egypte» puisqu'une personne peut être poursuivie pour «avoir exprimé son opinion».

Dans une interview accordée à l'hebdomadaire Al Midan du 6 mars, Nawal el Saadawi ûchassée de son travail de psychiatre en 1972 pour avoir ouvertement dénoncé l'excision, et emprisonnée en 1981 pour son engagement à gauche - expliquait ses vues sur les droits de la femme et la justice sociale. Elle s'en prenait notamment au port du voile, aux discriminations entre hommes et femmes en matière d'héritage et à la dilapidation d'argent que constitue les frais de pèlerinage à La Mecque dans un pays pauvre. Des propos qui ont provoqué l'ire du Grand Mufti Nasr Farid Wassel qui exhortait l'auteur d'une bonne trentaine d'ouvrages traduits dans des dizaines de langues à «renier ces propos». Devant le refus de Nawal al Saadawi, l'homme de religion affirmait qu'elle était «sortie des préceptes de l'islam». L'occasion rêvée pour l'avocat islamiste Nabih al Wahch qui a réclamé la séparation de Nawal el Saadawi de son époux musulman pour «apostasie». L'avocat qui n'était pas à son premier essai à engager une action en hisba, ce précepte juridique islamique qui permet à tout musulman «d'ordonner le convenable et d'interdire le blâmable».

Farag Foda assassiné et Naguib Mahfouz poignardé

Le procureur général, légalement chargé de ce genre d'affaires, depuis l'amendement de la loi sur la hisba avait estimé qu'il n'y avait pas lieu d'engager des poursuites. Toutefois, sa réaction tardive a permis à l'avocat islamiste de saisir le tribunal du statut personnel.

Quelque soit l'issue du procès, Nawal el Saadawi est à présent menacée. L'écrivain anti-islamiste Farag Foda, accusé d'apostasie avait été assassiné en 1992 par un commando extrémiste musulman affirmant appliquer la peine prévue par la charia contre ceux qui renient l'islam. En 1994, le prix Nobel égyptien de littérature Naguib Mahfouz avait été poignardé par un islamiste pour avoir refusé de renier son roman Les enfants de la médina. Une £uvre publiée en 1959, et interdite depuis lors en Egypte qui avait été jugée anti-islamique par le cheikh d'Al Azhar, une des plus hautes autorités morales de l'islam sunnite.

Voir le site Nawal el Saadawi



par Alexandre  Buccianti

Article publié le 18/06/2001