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Egypte

Dialogue musclé entre Bush et Moubarak

Hosni Moubarak, premier dirigeant arabe à rencontrer George W. Bush, se prépare à une franche explication avec le nouveau président américain, à qui il reproche son désengagement du Proche-Orient.
«La nouvelle administration n'a peut-être pas une image claire de ce qui se passe. Je vais leur dire mon sentiment». Avant même sa rencontre avec George W. Bush, Hosni Moubarak n'a pas mâché ses mots dans l'entretien que publie l'hebdomadaire américain Newsweek. Dans cet entretien, le président égyptien ne cache pas que le veto américain contre la résolution proposant l'envoi d'observateurs internationaux en Palestine a contribué à un durcissement des dirigeants arabes, réunis au même moment en sommet à Amman. Moubarak, qui a rencontré tous les présidents américains depuis Ronald Reagan, rappelle sobrement : «habituellement, j'ai de bons voyages aux Etats-Unis. Parfois, on se bagarre, mais de bonnes bagarres, sans effusion de sang». Autrement dit, il s'attend à un contact rugueux avec le nouveau locataire de la Maison Blanche.

Le président égyptien a de bonnes raisons pour cela. En dépit de la tonalité qui se veut équilibrée des nouveaux dirigeants de Washington, l'administration Bush semble soutenir sans réserve le nouveau premier ministre israélien Ariel Sharon, réservant ses critiques les plus dures à Yasser Arafat, accusé de soutenir la violence et le terrorisme et ostensiblement snobé par George Bush. Les propos de Colin Powell sur un transfert de l'ambassade américaine de Tel Aviv à Jérusalem n'ont rien arrangé. Quant au durcissement de la politique de Washington à l'encontre de l'Irak, Hosni Moubarak le juge très sévèrement dans son entretien à Newsweek : «Plus vous bombardez Saddam, plus il est fort».

La menace d'une suspension de l'aide américaine à l'Egypte

Au fond, on a du mal à voir sur quoi Moubarak et Bush pourraient tomber d'accord, en dehors de vagues formules sur la nécessité de mettre fin à la violence au Proche-Orient. D'autant que George W. Bush, qui depuis son accession au pouvoir, n'a pas manifesté de considérations excessives pour les sentiments des dirigeants étrangers, alliés ou non, pourrait rappeler sans précaution de langage que l'Egypte est le second bénéficiaire de l'aide américaine après Israël. Nombreux sont d'ailleurs les parlementaires américains à demander une réduction, voire une suspension de l'aide de Washington à l'Egypte, jugée trop critique envers à la fois les Etats-Unis et Israël.

Moubarak ne peut évidemment pas prendre un tel risque. Mais George Bush probablement non plus. D'où les nombreux rappels du Raïs dans son entretien à la presse à l'échauffement actuel des opinions publiques dans les pays arabes. Jusqu'à présent, le seul dirigeant du Moyen-Orient à avoir été reçu à la Maison Blanche est Ariel Sharon. Cette semaine, le Bureau Ovale accueillera deux dirigeants arabes, Hosni Moubarak et le roi Abdallah II de Jordanie, dont Ariel Sharon vient de rejeter le projet présenté conjointement pour mettre fin à la violence.

Le Caire et Amman, officiellement du moins, font mine d'espérer que George W. Bush recentrera son discours après les avoir entendus. Mais moins de cent jours après son entrée à la Maison Blanche, l'état de grâce de «W» est épuisé, du moins au Moyen Orient. Comme l'a noté Dennis Ross, l'ancien coordinateur américain au Proche-Orient, aucun président américain ne peut durablement rester à l'écart du Moyen-Orient sans que la réalité proche-orientale se rappelle à lui. Généralement brutalement.



par Olivier  Da Lage

Article publié le 02/04/2001