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Egypte

Clémence pour un massacre

Quatre personnes ont été condamnées à des peines allant de 10 à un an de prison lundi 5 février par la cour criminelle de Sohag (450 km au Sud du Caire) dans le procès des massacres perpétrés contre des coptes (chrétiens d'Egypte) au village de Koch'h en janvier 2000. Les 92 autres accusés ont été acquittés. Parmi les 96 personnes jugées (7 par contumace) dans ce procès qui avait débuté en juin, 38 personnes étaient accusées de meurtre et risquaient la peine de mort. 58 des accusés étaient musulmans et les 38 autres (dont un prêtre) coptes. Tous les condamnés sont de confession musulmane.
De notre correspondant en Egypte

Vingt et un coptes et un musulman avaient été tués lors d'une attaque de villageois musulmans venus des agglomérations alentours contre les habitants, en majorité coptes, de Koch'h. Du jamais vu dans l'histoire de l'Egypte moderne. Les autorités égyptiennes qui ont toujours nié la dimension confessionnelle du massacre, qualifié d'incident par la presse officieuse, avaient déféré l'affaire devant une juridiction criminelle ordinaire au lieu de la cour de la sécurité de l'Etat. Une cour que l'on charge normalement d'affaires de ce type et même de procès contre des défenseurs des droits de l'homme ! Cela a notamment été le cas pour Hafez Abou Séeda, secrétaire général de l'Organisation égyptienne des droits de l'homme (OEDH) à la veille de la publication d'un rapport sur Koch'h. Plus récemment c'est le Pr. Saadeldin Ibrahim, un chercheur qui avait justement dénoncé les massacres de coptes à Koch'h et l'attitude laxiste du gouvernement, qui avait été déferré devant la cour de la sécurité de l'Etatà

Depuis la libération, sans caution, il y a deux mois des 96 accusés, il était clair que l'on se dirigeait vers un verdict clément. Le juge avait même poussé les doyens des accusés musulmans et chrétiens à se serrer la main, dans l'enceinte du tribunal, pour sceller une réconciliation symbolique. Toutefois, nul ne s'attendait à ce que cette clémence frise l'indulgence. En effet, le total des peines infligées aux quatre condamnés est d'à peine 15 années de prison. Neuf mois de réclusion par personne assassinée, cela est presque un pardon dans un pays où la peine de mort est aussi largement appliquée qu'au Texas. Une clémence qui s'explique par la volonté du gouvernement, qui affirme avoir éradiqué l'extrémisme musulman, d'enterrer au plus vite une affaire embarrassante. Selon la thèse offcielle, « l'incident » de Koch'h aurait des origines économiques avec des pauvres, musulmans par hasard, s'en prenant à riches, coptes par coïncidence !

La colère des coptes de la diaspora

Ce verdict, risque par contre, de soulever la colère des 5,8 millions de coptes que compte l'Egypte (60 millions de musulmans selon le recensement de 1996). Une colère qui va sans doute rester sourde dans la Vallée du Nil où la communauté est habituée à la prudence sinon à courber l'échine. L'affaire risque, par contre, de faire grand bruit à l'étranger et notamment en Amérique.

La diaspora copte est fort active aux Etats-Unis et au Canada où elle dispose de nombreuses associations. Ces dernières avaient pratiqué un «lobbying» qui avait abouti à l'adoption par la commission américaine pour la liberté religieuse dans le monde d'un communiqué en mars qui critiquait l'attitude du gouvernement égyptien dans l'affaire de Koch'h. Un communiqué qui avait poussé des membres du Congrès a exprimer leur préoccupation sur le sort des coptes lors du vote, en juin, de la loi accordant annuellement à l'Egypte une aide économique et militaire de deux milliards de dollars.



par Alexandre  Buccianti

Article publié le 05/02/2001