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Proche-Orient

Le nouveau plan Sharon adopté

Ariel Sharon, lors de sa conférence de presse, le 6 juin 2004. 

		( Photo : AFP )
Ariel Sharon, lors de sa conférence de presse, le 6 juin 2004.
( Photo : AFP )
Trente-sept ans jour pour jour après la conquête israélienne de la bande de Gaza lors de la guerre des Six-Jours, le cabinet israélien a approuvé le principe d’un retrait échelonné de ce territoire palestinien. L’adoption du plan révisé d’Ariel Sharon, qui a l’origine prévoyait un retrait immédiat, repousse cette échéance jusqu’au mois de mars prochain, date à laquelle le Premier ministre annoncera officiellement le départ d’Israël de la bande de Gaza où vivent quelque 7 500 colons. Mais le compromis arraché par Ariel Sharon à son cabinet ne garantit toutefois en rien que son plan sera appliqué car, comme aiment à le rappeler ses détracteurs, le patron du Likoud -très contesté au sein de son parti- ne sera peut-être plus à la tête du gouvernement à cette date-là pour défendre son projet.

Décision «historique» pour les uns, «journée noire» dans l’histoire d’Israël pour les autres, l’adoption dimanche par 14 voix contre 7 du plan révisé d’Ariel Sharon pour une séparation unilatérale d’avec les Palestiniens n’en a pas fini de déchaîner les passions. Déterminé à faire passer coûte que coûte son projet, le Premier ministre aura usé de tous les moyens, n’hésitant pas vendredi à limoger deux de ses ministres d’extrême droite, hostiles à l’évacuation des vingt et une colonies de la bande de Gaza, pour obtenir une majorité au sein de son cabinet. Mais le plus dur aura été pour le Premier ministre de convaincre les poids-lourds de son gouvernement, membres de son parti, le Likoud, d’adhérer à son projet. Les tractations se sont ainsi poursuivies toute la semaine avec les ministres des Finances, Benyamin Netanyahou, des Affaires étrangères, Sylvan Shalom et de l’Education nationale, Limor Livnat, pour parvenir à un plan révisé qui, mis à part le principe d’un retrait de la bande de Gaza et de quatre colonies isolées de Cisjordanie, n’a gardé que peu de chose de sa version initiale.

Le compromis élaboré entérine certes le principe d’un retrait de ces territoires en quatre étapes mais il précise que ce retrait n’aura lieu qu’après une annonce faite en ce sens par Ariel Sharon et prévue en mars 2005. Or rien ne garantit que le Premier ministre sera toujours en poste à cette date-là. Une commission ministérielle ad hoc devra par ailleurs siéger entre-temps pour établir les critères fixant la liste des colonies à évacuer en priorité, les indemnités à verser aux colons et les textes législatifs à élaborer à cette fin. La première mouture du plan Sharon évoquait un retrait immédiat de toutes les colonies de la bande de Gaza et de quatre colonies isolées de Cisjordanie pour le courant 2005. Le texte révisé précise toutefois que pendant cette période, seules des subventions de fonctionnement seront versées aux colonies appelées à être évacuées, ce qui renforce l’intention affichée d’un départ.

Plus problématique pour le Premier ministre est l’obligation faite par ce compromis à un feu vert du cabinet pour chaque phase du plan de retrait. «A chacune des quatre étapes de ce projet, le gouvernement se réunira pour décider de son application en fonction des travaux de la commission ministérielle ad hoc et de la situation sur le terrain», a ainsi précisé un conseiller d’Ariel Sharon. Au regard des difficultés qu’il a rencontré pour faire adhérer sur le principe son équipe au plan de séparation unilatérale d’avec les Palestiniens, on peut d’ores et déjà s’attendre à ce que les difficultés qui attendent le chef du gouvernement pour son application soient nombreuses.

Majorité incertaine à la Knesset

Mais si le Premier sait qu’il peut compter sur le soutien d’une majorité d’Israéliens qui approuvent à plus de 60% son projet de retrait de la bande de Gaza –ils étaient encore samedi plusieurs milliers à manifester à Jérusalem en faveur de son plan– il a aussi conscience d’avoir sérieusement fragilisé sa coalition. Après le limogeage vendredi de deux de leurs ministres, les sept députés de l’Union nationale –un parti d’extrême droite– ont en effet rejoint l’opposition. Ce départ pourrait encourager celui des élus du Parti national religieux pour l’instant divisés sur la question. Or si ces derniers venaient à grossir les rangs de l’opposition, la coalition gouvernementale qui pour le moment compte 61 députés sur 120, serait privée de majorité parlementaire.

C’est dans ce contexte d’incertitudes politiques qu’Ariel Sharon doit présenter ce mardi son plan à la Knesset. Un plan qui risque de susciter non seulement la colère des formations d’extrême droite mais surtout celle d’une partie des 40 députés du Likoud dont une majorité des membres avait désapprouvé par référendum le 2 mai dernier le projet du Premier ministre. Ce dernier peut toutefois compter sur le soutien des travaillistes qui au contraire ont salué cette initiative. «Malgré les écrans de fumée, le gouvernement a pris une décision historique qu’il faut appuyer», a ainsi affirmé le député Haïm Ramon. Et signe que l’opposition travailliste ne représente pas de danger immédiat, le parti de Shimon Peres a retiré une motion de censure qu’il avait déposée à la Knesset. Un retrait «ponctuel», a-t-il toutefois tenu à préciser.

Cette fragilité de la coalition gouvernementale ouvre la voie à toutes les spéculations. Ainsi, à en croire un sondage publié lundi par le quotidien Yédiot Aharonot, 44% des Israéliens souhaitent qu’un nouveau gouvernement rassemblant le Likoud, le parti laïc Shinoui, et le parti travailliste, prenne en main les affaires du pays. Ce cas de figure n’est pour l’instant pas à l’ordre du jour dans la mesure où l’opposition travailliste réserve sa décision à celle du conseiller juridique du gouvernement qui n’a toujours pas décidé s’il allait ou non inculper Ariel Sharon pour corruption. En attendant les scénarios d’autres coalitions s’élaborent et l’éventualité d’élections anticipées commence à être évoquée.

par Mounia  Daoudi

Article publié le 07/06/2004 Dernière mise à jour le 07/06/2004 à 14:31 TU