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Proche-Orient

Le pari risqué de Sharon

Ariel Sharon a demandé aux membres de son parti, le Likoud, de soutenir son plan de séparation d'avec les Palestiniens. 

		(Photo : AFP)
Ariel Sharon a demandé aux membres de son parti, le Likoud, de soutenir son plan de séparation d'avec les Palestiniens.
(Photo : AFP)
Ariel Sharon désavoué par son propre parti, le Likoud ! C’est ce que prédisent tous les sondages à quarante-huit heures du référendum organisé par le Premier ministre israélien au sein de la grande formation de droite au sujet de son plan d’évacuation de la bande de Gaza. Un plan qu’il compte d’ailleurs, avec ou sans le soutien des siens, présenter pour approbation à la Knesset. Une victoire du «non» constituerait toutefois un sérieux revers politique pour le chef du gouvernement qui, rattrapé par des affaires de corruption, a vu sa cote de popularité chuter ces dernières semaines.

Le référendum sur le plan de séparation unilatérale d’avec les Palestiniens pour lequel les quelque 200 000 membres du Likoud sont invités à se prononcer dimanche n’a aucune valeur contraignante. Il revêt pourtant une importance capitale pour le Premier ministre israélien qui a pesé de tout son poids ces derniers jours pour convaincre son parti de le soutenir. En cas de victoire du «non», a prévenu Ariel Sharon, «des dégâts politiques, sécuritaires et économiques importants» seraient à envisager. «Un tel rejet serait la plus grande victoire pour Yasser Arafat et le Hamas», a-t-il également plaidé. Le Premier ministre a en outre insisté sur le fait qu’un échec à ce référendum affaiblirait gravement la position israélienne sur le plan international dans la mesure où, à la surprise générale, son plan avait reçu le 14 avril dernier un soutien sans réserve de la part de son ami le président américain George Bush.

Ce plan de séparation unilatérale d’avec les Palestiniens, auquel une majorité d’Israéliens serait prête à adhérer, prévoit un retrait d’ici 2005 de la bande de Gaza ainsi que l’évacuation de quatre implantations isolées de Cisjordanie. Il prévoit également, au grand dam de la partie palestinienne, le maintien des six principaux blocs de colonies de Cisjordanie dans lesquels vivent quelque 200 000 personnes. Il confirme également la poursuite de la construction de la «barrière de sécurité» qui annexera de facto des territoires qui rendront extrêmement problématique la création du futur Etat palestinien.

Selon les derniers sondages, une majorité des membres du Likoud s’opposerait donc au plan d’Ariel Sharon. Une étude publiée par le quotidien Yedioth Ahronoth révèle ainsi que 47% des militants du parti voteraient dimanche contre le plan alors que seulement 39% y seraient favorables. Un sondage de Maariv donne trois points d’avance au non et une enquête publiée par Haaretz lui accorde un écart de sept points sur le oui.

Une campagne offensive contre le plan

Fort du soutien de Washington, Ariel Sharon ne semble pas avoir pris la mesure de la forte mobilisation des opposants à son plan. Extrêmement bien organisé, le puissant lobby des colons, qui dispose d’importants moyens financiers, a ainsi orchestré une vaste campagne pour le «non», organisant manifestations et marches de protestation. Des dizaines de milliers de personnes se sont notamment rassemblées mardi dernier dans la colonie de Goush Katif dans la bande de Gaza pour protester contre le projet d’évacuation de cette implantation. La mobilisation de plus 50 000 manifestants dépassait largement en nombre la population de quelque 7 500 personnes habitant les 21 colonies devant être démantelées d’ici à 2005.

Le Premier ministre israélien n’a en outre pas reçu le soutien escompté de certains ténors du Likoud, membres de son gouvernement. Son grand rival au sein du parti, le ministre des Finances Benyamin Netanyahou a certes approuvé du bout des lèvres le projet d’Ariel Sharon mais il s’est refusé à faire campagne en sa faveur. Plus directe encore, la ministre de l’Education nationale, Limor Livnat, a refusé de donner des consignes de vote estimant que cela relevait d’une «question de conscience». Menacé de perdre son poste, le chef de la diplomatie, Sylvan Shalom, s’est pour sa part engagé mais sans grande conviction en faveur du plan. Seul le fidèle Ehoud Olmert, vice-Premier ministre en charge du Commerce et de l’Industrie, a ouvertement soutenu Ariel Sharon.

Une victoire du «non» dimanche constituerait donc une défaite humiliante pour le Premier ministre israélien mais ne signifierait pas pour autant la mort du plan d’évacuation de la bande de Gaza. Ariel Sharon, qui a d’ores et déjà prévenu qu’il ne démissionnerait pas de son poste en cas de désaveu des membres de son parti, a bien l’intention de présenter son plan à son gouvernement et à la Knesset où ses chances de succès sont plus grandes. En cas de défection de l’aile droite de sa coalition, Ariel Sharon sait en effet qu’il peut compter sur l’opposition travailliste qui a annoncé à maintes reprises qu’elle soutiendrait tout retrait des territoires palestiniens.



par Mounia  Daoudi

Article publié le 30/04/2004 Dernière mise à jour le 30/04/2004 à 15:08 TU