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Proche-Orient

A chacun son plan

La feuille de route est dans l’impasse. C’est en tout cas, à en croire les plans de paix qui foisonnent en Israël, l’avis de l’ensemble de l’échiquier politique. L’Initiative de Genève, qui doit être officiellement présentée lundi dans la ville suisse du même nom sous le parrainage de l’ancien président américain Bill Clinton, semble avoir provoqué un électrochoc, relançant enfin le débat au sein de la classe politique. Et à droite comme à gauche, chacun y va de son plan.
Que le gouvernement d’Ariel Sharon le veuille ou non, l’Initiative de Genève connaît un succès grandissant. Et même s’il l’ignore officiellement puisqu’elle n’est à ses yeux qu’«une entreprise de diplomatie parallèle menée par des personnes non qualifiées dans le seul but de le disqualifier», il tente à sa manière de la contrer en multipliant notamment les fuites sur d’éventuels projets du Premier ministre. En chute dans les sondages depuis trois mois bien qu’il n’y ait pas eu d’attentat en Israël depuis six semaines, soumis aux critiques de certains éléments de l’armée et d’anciens chefs des services de renseignement israéliens, Ariel Sharon est dans une position des plus inconfortables. Et cela d’autant plus que Washington, son fidèle allié, ne cache plus son mécontentement face à sa politique de colonisation –la Maison Blanche vient de réduire ses garanties bancaires à Israël– ou encore face au tracé de la «clôture de sécurité», que l’Etat hébreu érige officiellement pour se protéger des infiltrations des terroristes palestiniens.

Réagissant donc à cette situation, le Premier ministre israélien a laissé entendre, il y a quelques jours, qu’il «n’écartait pas des gestes unilatéraux» de son gouvernement en vue de réduire les attaques anti-israéliennes et d’alléger la pression sur la population palestinienne. «Je pense depuis un moment à des mesures unilatérales qui faciliteraient les choses pour Israël et protégeraient ses intérêts», a ainsi déclaré Ariel Sharon au quotidien Yediot Aharonot. Et d’ajouter: «Il est possible que de petites colonies isolées soient évacuées. L’opinion israélienne veut le calme et elle doit savoir que mon objectif est d’instaurer ce calme, sans prendre d’engagements dangereux pour notre existence».

Selon certaines informations, habilement distillées dans la presse, ces mesures «unilatérales», appuyées vraisemblablement par l’état-major israélien, consisteraient à lever les barrages routiers, à alléger le bouclage des territoires et à transférer à l’Autorité palestinienne des secteurs réoccupés depuis le début de la deuxième Intifada en septembre 2000. Rien de bien nouveau si ce n’est que pour la première fois, l’évacuation de certaines colonies, comme celle de Netzarim dans la bande de Gaza, est cette fois-ci sérieusement envisagée ainsi que la réinstallation de certains colons en territoire israélien. Concernant «la clôture de sécurité», le Premier ministre n’aurait en outre pas écarté un «réexamen» de son tracé. Il faut dire qu’il est soumis à une forte pression au sein même de son gouvernement, le parti laïc Shinoui trouvant notamment trop coûteux et trop problématique le projet actuel qui à ses yeux s’enfoncent profondément en Cisjordanie.

Colère chez les colons

Ces fuites ont, il fallait s’y attendre, provoqué la colère de l’extrême droite israélienne. Alors qu’ils n’avaient pas hésité un moment à présenter les promoteurs de l’Initiative de Genève de «traîtres passibles de la Cour martiale pour intelligence avec l’ennemi», les dirigeants des partis nationalistes et des colons ont à leur tour annoncé un plan de paix, destiné semble-t-il avant tout à contrer les concessions que s’apprête à faire Ariel Sharon. Ce projet, baptisé «Plan régional permanent» et soutenu par 14 députés de la Knesset, prévoit notamment «l’abandon du principe de la paix en échange des territoires, une autonomie administrative pour les Arabes et un accord régional excluant la création d’un Etat palestinien ou le démantèlement des colonies». Dans cette configuration, l’Etat d’Israël engloberait les territoires de Cisjordanie et de Gaza occupés de puis juin 1967, le tout étant divisé en dix cantons séparés, dont deux attribués aux Palestiniens de manière à assurer une majorité juive au parlement. Le Premier ministre serait juif, tandis qu’un Arabe pourrait devenir vice-Premier ministre. Tous les ressortissants palestiniens phagocytés par l’Etat hébreu recevraient en outre la nationalité israélienne et ceux qui la refuseraient seraient inviter à quitter le pays. Ce plan prévoit en fin «une intensification de la lutte anti-terroriste».

Si l’Initiative de Genève a semble-t-il poussé le gouvernement Sharon ainsi que l’extrême droite israélienne à réagir, elle a également encouragé la gauche traditionnelle à sortir de son silence. Le Parti travailliste a en effet annoncé mardi les grandes lignes de son propre plan de paix. Ce plan préconise notamment la création d'un Etat palestinien et un retour aux frontières du 4 juin 1967, sauf rectifications pour des motifs de sécurité ou pour inclure des blocs de colonies. Il prévoit en outre que Jérusalem sera la capitale des deux Etats, Israël gardant la souveraineté des quartiers de colonisation établis dans la partie orientale de la ville sainte annexée après la guerre de juin 1967. Il écarte également la reconnaissance du «droit au retour» pour les réfugiés palestiniens et leurs descendants –qui sont près de 4 millions aujourd'hui–, de crainte que leur retour ne remette en cause le caractère juif de l'Etat d'Israël.

Cette multiplication des plans de paix intervient, notent les observateurs, à quelques jours du lancement officiel le 1er décembre de l’Initiative de Genève. A croire que ce projet élaboré par des personnalités de l’opposition israélienne et d’anciens responsables palestiniens menacent réellement l’actuel statu quo.



par Mounia  Daoudi

Article publié le 26/11/2003