Proche-Orient
Sharon annonce l’évacuation de Gaza
Consternation à droite, scepticisme à gauche, réactions prudentes de l’étranger : l’annonce du projet d’évacuation d’ici le mois de juillet des Israéliens de la bande de Gaza laisse à la fois perplexe et provoque un véritable séisme politique en Israël.
C’est l’entretien accordé lundi au quotidien Haaretz par le Premier ministre israélien qui a mis le feu aux poudres. Dans cet entretien Ariel Sharon annonce un plan d’évacuation des colonies israéliennes de la bande de Gaza, crucial selon lui pour l’avenir et la sécurité de son pays. Conscient des difficultés qu’il rencontrera à réunir une majorité de droite pour accomplir une telle décision, il envisage de créer une nouvelle coalition.
Les propos de M. Sharon sont sans ambiguïté. Il déclare avoir «donné ordre de planifier l’évacuation de 17 colonies de la bande de Gaza» et ajoute qu’il part «du principe que, dans le futur, il n’y aura plus de juifs à Gaza». Et mardi, son ministre du Commerce et de l’Industrie précisait les échéances de ce plan. Selon Ehud Olmert, numéro deux du cabinet, «il sera applicable d’ici quatre ou cinq mois, c’est-à-dire en juin ou en juillet».
Outre le caractère étonnant d’une telle volée de déclarations venant de la part du héraut de la colonisation des terres palestiniennes, les propos d’Ariel Sharon comportent toutefois une petite ambiguïté sur le nombre de colonies dont il envisage l’évacuation. La bande de Gaza, peuplée par 1,2 millions de Palestiniens, en compte 21 et le chef du gouvernement israélien en mentionnait 17, tout en indiquant qu’il projetait l’évacuation de la totalité des 7 500 colons de Gaza. L’hypothèse d’un maintien des implantations situées à la lisière de la frontière nord de Gaza avec l’Etat hébreu reste donc ouverte.
En tout état de cause, la classe politique est stupéfaite, notamment la droite israélienne qui accuse pêle-mêle Ariel Sharon d’une trahison au profit de l’adversaire Travailliste ou de détourner l’attention de l’opinion publique des enquêtes en cours sur les deux affaires dans lesquelles il serait compromis. La première concerne un pot-de-vin pour un projet immobilier en Grèce alors qu’il était ministre des Affaires étrangères, en 1998. La seconde a trait à une affaire de financement illégal de campagne électorale, en 1999.
Du coup, sa coalition se révèle désormais extrêmement fragile et sa majorité évidemment compromise. Deux partis menacent de la quitter, l’Union nationale et le Parti national religieux dont le président a d’ores et déjà déclaré : «Nous ne prendrons pas part à cela». Lundi, M. Sharon a du affronter une motion de défiance qu’il n’a réussi à déjouer qu’avec une seule voix de majorité. Quant aux colons, ils affirment qu’ils «ne reculeront devant aucun effort (…) pour écourter le mandat de Premier ministre d’Ariel Sharon par tous les moyens légaux».
Prudence à Washington et Paris
En conséquence toutes les hypothèses sont ouvertes, et notamment celle d’une recomposition du paysage politique israélien que le Premier ministre n’a pas exclu. Si le cabinet israélien éclate sous l’effet de cette véritable petite bombe atomique politique, M. Sharon devra trouver une autre majorité pour composer un autre cabinet. C’est-à-dire soit s’appuyer sur l’opposition, soit provoquer des élections avant l’échéance légale de 2007. L’opposition se montre sceptique et «suggère d’accueillir ces propos avec la plus grande méfiance», déclare l’ancien chef du Meretz, tandis que le chef du Parti travailliste estime que «planifier n’est pas appliquer».
«Je crains qu’une fois de plus nous ayons affaire à un exercice de relations publiques», déclare, côté palestinien, le ministre chargé des négociations avec Israël, Saëb Erekat. De source officielle palestinienne, on annonçait la préparation d’un éventuel sommet entre les chefs de cabinet israélien et palestinien, le premier depuis la nomination d’Ahmad Qoreï en septembre 2003.
Le chef du cabinet israélien ne cache pas qu’il aura besoin de soutiens extérieurs pour mener à bien concrètement son projet et notamment pour rapatrier et indemniser les colons implantés à Gaza. «Cela doit être fait avec le soutien et l’accord américains. Nous avons besoin de leur appui», a souligné Ariel Sharon.
Ce projet de désengagement devrait donc être soumis à l’administration américaine lors de sa visite à Washington à la fin du mois. Cité par le quotidien israélien Maariv, un porte-parole du département d’Etat américain a réagi prudemment, déclarant que son administration n’a pas encore été informée du plan d’évacuation et que toute initiative devait s’inscrire dans le cadre de la Feuille de route. Même prudence à Paris où le porte-parole de la diplomatie française Hervé Ladsous déclarait également s’en tenir à la Feuille de route et attendre de «voir comment les choses vont se passer». Il «faudra naturellement voir dans quelle mesure ce sera suivi d’effets», ajoutait-il.
Dans un sondage publié mardi par le quotidien israélien Yédiot Aharonot, 59% des personnes interrogées approuvent le projet de leur Premier ministre, tandis que 34% y sont hostiles. 24% estiment qu’il veut faire oublier les affaires dans lesquelles il est impliquée.
A écouter également :
Dominique Roch, envoyée spéciale permanente de RFI à Jérusalem au micro de Philippe Lecaplain (03/02/2004, 5'16")
Les propos de M. Sharon sont sans ambiguïté. Il déclare avoir «donné ordre de planifier l’évacuation de 17 colonies de la bande de Gaza» et ajoute qu’il part «du principe que, dans le futur, il n’y aura plus de juifs à Gaza». Et mardi, son ministre du Commerce et de l’Industrie précisait les échéances de ce plan. Selon Ehud Olmert, numéro deux du cabinet, «il sera applicable d’ici quatre ou cinq mois, c’est-à-dire en juin ou en juillet».
Outre le caractère étonnant d’une telle volée de déclarations venant de la part du héraut de la colonisation des terres palestiniennes, les propos d’Ariel Sharon comportent toutefois une petite ambiguïté sur le nombre de colonies dont il envisage l’évacuation. La bande de Gaza, peuplée par 1,2 millions de Palestiniens, en compte 21 et le chef du gouvernement israélien en mentionnait 17, tout en indiquant qu’il projetait l’évacuation de la totalité des 7 500 colons de Gaza. L’hypothèse d’un maintien des implantations situées à la lisière de la frontière nord de Gaza avec l’Etat hébreu reste donc ouverte.
En tout état de cause, la classe politique est stupéfaite, notamment la droite israélienne qui accuse pêle-mêle Ariel Sharon d’une trahison au profit de l’adversaire Travailliste ou de détourner l’attention de l’opinion publique des enquêtes en cours sur les deux affaires dans lesquelles il serait compromis. La première concerne un pot-de-vin pour un projet immobilier en Grèce alors qu’il était ministre des Affaires étrangères, en 1998. La seconde a trait à une affaire de financement illégal de campagne électorale, en 1999.
Du coup, sa coalition se révèle désormais extrêmement fragile et sa majorité évidemment compromise. Deux partis menacent de la quitter, l’Union nationale et le Parti national religieux dont le président a d’ores et déjà déclaré : «Nous ne prendrons pas part à cela». Lundi, M. Sharon a du affronter une motion de défiance qu’il n’a réussi à déjouer qu’avec une seule voix de majorité. Quant aux colons, ils affirment qu’ils «ne reculeront devant aucun effort (…) pour écourter le mandat de Premier ministre d’Ariel Sharon par tous les moyens légaux».
Prudence à Washington et Paris
En conséquence toutes les hypothèses sont ouvertes, et notamment celle d’une recomposition du paysage politique israélien que le Premier ministre n’a pas exclu. Si le cabinet israélien éclate sous l’effet de cette véritable petite bombe atomique politique, M. Sharon devra trouver une autre majorité pour composer un autre cabinet. C’est-à-dire soit s’appuyer sur l’opposition, soit provoquer des élections avant l’échéance légale de 2007. L’opposition se montre sceptique et «suggère d’accueillir ces propos avec la plus grande méfiance», déclare l’ancien chef du Meretz, tandis que le chef du Parti travailliste estime que «planifier n’est pas appliquer».
«Je crains qu’une fois de plus nous ayons affaire à un exercice de relations publiques», déclare, côté palestinien, le ministre chargé des négociations avec Israël, Saëb Erekat. De source officielle palestinienne, on annonçait la préparation d’un éventuel sommet entre les chefs de cabinet israélien et palestinien, le premier depuis la nomination d’Ahmad Qoreï en septembre 2003.
Le chef du cabinet israélien ne cache pas qu’il aura besoin de soutiens extérieurs pour mener à bien concrètement son projet et notamment pour rapatrier et indemniser les colons implantés à Gaza. «Cela doit être fait avec le soutien et l’accord américains. Nous avons besoin de leur appui», a souligné Ariel Sharon.
Ce projet de désengagement devrait donc être soumis à l’administration américaine lors de sa visite à Washington à la fin du mois. Cité par le quotidien israélien Maariv, un porte-parole du département d’Etat américain a réagi prudemment, déclarant que son administration n’a pas encore été informée du plan d’évacuation et que toute initiative devait s’inscrire dans le cadre de la Feuille de route. Même prudence à Paris où le porte-parole de la diplomatie française Hervé Ladsous déclarait également s’en tenir à la Feuille de route et attendre de «voir comment les choses vont se passer». Il «faudra naturellement voir dans quelle mesure ce sera suivi d’effets», ajoutait-il.
Dans un sondage publié mardi par le quotidien israélien Yédiot Aharonot, 59% des personnes interrogées approuvent le projet de leur Premier ministre, tandis que 34% y sont hostiles. 24% estiment qu’il veut faire oublier les affaires dans lesquelles il est impliquée.
A écouter également :
Dominique Roch, envoyée spéciale permanente de RFI à Jérusalem au micro de Philippe Lecaplain (03/02/2004, 5'16")
par Georges Abou
Article publié le 03/02/2004