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Proche-Orient

Israël menacé de boycottage ?

Le ministre israélien de la Justice a relancé ce week-end la polémique autour du tracé contesté de la «clôture» de sécurité érigée par l’Etat hébreu en Cisjordanie. Tommy Lapid, qui dirige également le parti laïc Shinoui –parti influent de la coalition gouvernementale– a en effet mis en garde contre les conséquences qu’aurait sur l’Etat hébreu un avis négatif de la Cour internationale de justice de La Haye qui doit statuer dans les semaines à venir sur la légalité de l’édification de cet ouvrage. Israël s’exposerait, selon lui, à un boycottage international et il invite à ce titre les ministres du gouvernement Sharon à rediscuter le tracé de cette «ligne de sécurité».
«Il y a un danger que nous soyons exposés au boycottage international comme cela a été le cas pour l’Afrique du Sud jusqu’à la chute du régime» d’apartheid dans ce pays. La mise en garde du ministre israélien, en charge qui plus est de la Justice, est on ne peut plus claire. Et pour qu’il n’y ait pas d’ambiguïté quant à la responsabilité, selon lui, du gouvernement d’Ariel Sharon dans cet état des choses, ce haut responsable a ajouté : «tout cela nous arrive du fait que nous ne nous sommes pas contentés de la clôture de sécurité d’origine et avons changé son tracé». Dans ce contexte et alors que la date de l’ouverture des audiences devant la Cour internationale de Justice qui doit donner son avis sur les conséquences légales de l’édification de ce que les Palestiniens ont d’ores et déjà surnommé le «mur de l’apartheid» a été fixée au 23 février, Tommy Lapid a suggéré que soit réexaminé à nouveau par le gouvernement israélien le tracé de cet édifice. Selon lui, la date du 23 février «sera le premier pas qui fera d’Israël une nouvelle Afrique du Sud».

Les déclarations du ministre de la Justice, formulées lors du dernier conseil des ministres, ont provoqué de sérieux remous au sein de la classe politique israélienne. Dan Naveh, qui est en charge du portefeuille de la Santé, a ainsi estimé que la proposition de Tommy Lapid de reconsidérer le tracé de la «clôture» de sécurité était en elle-même «dangereuse» dans la mesure où elle servait les intérêts des ennemis d’Israël à l’origine de la saisine de la Cour internationale de justice. Dans une résolution votée le 8 décembre dernier par 90 pays –74 se sont abstenus–, l’Assemblée générale des Nations unies avait en effet demandé à cette instance de «donner d’urgence un avis consultatif» sur les conséquences légales de «l’édification du mur qu’Israël puissance occupante est en train de construire dans le Territoire palestinien occupé, y compris à l’intérieur et sur le pourtour de Jérusalem-Est». Cette résolution avait été vivement condamnée par les autorités israéliennes qui l’avaient jugée «inacceptable et risquant de créer un dangereux précédent en niant à Israël et aux autres pays occidentaux le droit fondamental à l'autodéfense». Le gouvernement israélien avait d’ailleurs décidé de pas boycotter la Cour internationale et de plaider justement son «droit à l'autodéfense».

Colère de l’extrême droite israélienne

Le ministre de l’Education, Zvi Hendel, a pour sa part violemment pris à partie son collègue de la Justice l’accusant de démagogie. «Tommy Lapid n’a aucun scrupule à brandir des slogans démagogiques même si cela se fait aux dépends de la sécurité du pays et de ces citoyens», a ainsi affirmé ce membre du parti d’extrême droite Union nationale. Plus radical, Eli Yishai, du parti extrémiste Shass, a pour sa part regretté que le ministre de la Justice soit «plus préoccupé de l’image d’Israël dans le monde que de la vie de ses concitoyens». Selon lui, la «clôture» de sécurité a prouvé qu’elle pouvait sauver des vies.

Cette nouvelle polémique intervient alors que le Premier ministre israélien doit faire face à un mécontentement grandissant chez les colons. Il avait notamment ordonné fin décembre le démantèlement de plusieurs implantations sauvages provoquant la colère de ces derniers qui ont lancé un appel à une importante manifestation à Tel Aviv pour le 12 janvier. Ariel Sharon doit également affronter une fronde au sein de son propre parti où les ultras du Likoud se sont déclarés farouchement hostiles à son projet de séparation unilatérale d’avec les Palestiniens. Certes l’extrême droite du parti n’a pas l’intention d’écarter son actuel leader grâce à qui le Likoud a remporté haut la main les dernières législatives de janvier 2003. Mais elle espère influer sur lui en mettant en avant la doctrine même du parti. «Nous n'avons pas le droit de renier ce qui constitue le fondement de notre idéologie: la Terre d'Israël –Israël et les territoires occupés– appartient au seul peuple d'Israël et nous devons continuer à nous y implanter partout», a ainsi déclaré un vétéran du Likoud, l'ancien président de la Knesset, Dov Shilansky.

Ecoutez également:

Patrick Seale, journaliste britannique, spécialiste de la politique syrienne au micro de Caroline Paré
12/01/2004, 5'29''



par Mounia  Daoudi

Article publié le 05/01/2004