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Proche-Orient

Le désaveu de Sharon embarrasse Washington

Ariel Sharon et George W. Bush, face aux journalistes, le 14 avril 2004, à la Maison-Blanche. 

		(Photo: AFP)
Ariel Sharon et George W. Bush, face aux journalistes, le 14 avril 2004, à la Maison-Blanche.
(Photo: AFP)
Le refus des militants du Likoud de soutenir le plan de séparation unilatérale d’avec les Palestiniens pour lequel Ariel Sharon avait pourtant réussi in extremis à obtenir l’appui de George Bush a plongé l’administration américaine dans l’embarras. La Maison Blanche a certes réaffirmé que les Etats-Unis continuaient de penser qu’un retrait de Gaza représentait toujours «une chance pour la paix». Mais l’annonce par le Premier ministre israélien de son intention d’amender ce plan pourrait tempérer ce soutien d’autant que l’appui indéfectible de l’administration Bush au gouvernement Sharon est aujourd’hui ouvertement critiqué par une cinquantaine de diplomates américains.

La presse américaine n’a pas ménagé ses critiques sur la politique menée par les Etats-Unis au Proche-Orient qualifiant notamment le désaveu infligé par son parti à Ariel Sharon d’échec pour le président Bush. «En rejetant le plan de retrait unilatéral de la bande de Gaza du Premier ministre israélien, le Likoud a porté un coup à la politique pour le Proche-Orient du président Bush qui pouvait difficilement se le permettre après un mois de déboires» en Irak, affirme ainsi le Los Angeles Times. Plus direct, le Washington Post estime qu’«avoir misé sur Sharon peut causer du tort à Bush». Ce quotidien, qui rappelle que le soutien du président américain au plan israélien de séparation unilatérale d’avec les Palestiniens avait provoqué une «réaction particulièrement vive des pays arabes et européens»,souligne que «la crédibilité américaine» a sérieusement été mise à mal.

Ces critiques interviennent alors qu’une soixantaine d’anciens diplomates américains ont ouvertement dénoncé la politique menée par Washington au Proche-Orient. Emboîtant le pas à leurs collègues britanniques qui n’avaient pas ménagé la semaine dernière leurs critiques envers le ralliement de Tony Blair aux positions américaines sur ce dossier, ces diplomates dénoncent une politique partiale des Etats-Unis dans le conflit israélo-palestinien. «Votre soutien inqualifiable aux assassinats extra-judiciaires de Sharon, au mur de séparation qui est identique à celui qui avait été construit à Berlin, aux dures mesures militaires dans les territoires occupés et maintenant votre appui au plan unilatéral de Sharon coûtent à notre pays sa crédibilité, son prestige et ses amis», écrivent-ils dans une lettre ouverte publiée mardi.

Mais cette levée de boucliers semble pour l’instant n’avoir aucune incidence sur la politique menée par l’administration Bush dans la région. Le porte-parole du département d’Etat a certes reconnu lundi que le rejet du plan Sharon par le Likoud était «certainement un revers» pour le Premier ministre israélien. Mais il a assuré que les Etats-Unis continuaient de soutenir son projet. «Nous pensons toujours qu’il s’agit d’une initiative et d’une étape courageuse et historique. Notre espoir est qu’il puisse toujours être mis en place d’une façon ou d’une autre», a ainsi affirmé Richard Boucher.

La Feuille de route à nouveau d’actualité

Ces positions de principe risquent toutefois d’être difficiles à tenir si, comme l’a affirmé le Premier ministre israélien, le plan de retrait de Gaza est remanié en profondeur dans le but d’obtenir l’appui d’une majorité du gouvernement. La presse israélienne croit ainsi savoir qu’Ariel Sharon n’envisagerait désormais que l’évacuation de cinq colonies –trois dans la bande de Gaza et deux en Cisjordanie– alors que le plan initial prévoyait le démantèlement de vingt-cinq implantations. Si cette option devait être retenue, on voit mal comment le président Bush, qui s’était prononcé en échange d’un retrait total de Gaza pour le maintien des principales colonies de Cisjordanie, le renoncement au droit au retour des réfugiés palestiniens ou encore pour la poursuite de la construction de la barrière de sécurité dont le tracé est contesté, pourrait continuer, sans risque, de soutenir son «grand ami» Ariel Sharon.

C’est dans ce contexte d’incertitudes que se tient ce mardi à New York une réunion du Quartette qui regroupe les parrains de la Feuille de route, ce plan de paix international rédigé par les Etats-Unis, la Russie, l’Union européenne et les Nations unies et qui prévoit la création d’un Etat palestinien d’ici un an. Le principe de cette réunion avait été arraché le 16 avril dernier au président Bush par son fidèle allié Tony Blair ouvertement critiqué en Grande-Bretagne pour l’alignement systématique de Londres sur les positions de Washington après son soutien au plan Sharon alors que l’Union européenne et la Russie avaient, elles, réagi avec une très grande réserve en réaffirmant leur attachement à la Feuille de route.

La réunion du Quartette, à laquelle doivent notamment participer le secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan, le secrétaire d’Etat américain, Colin Powell, le chef de la diplomatie russe Igor Ivanov et le haut représentant pour la politique étrangère de l’UE, Javier Solana, doit officiellement s’attacher à tenter de relancer le processus de paix. Un énième communiqué appelant les Israéliens à la modération et les Palestiniens à lutter contre le terrorisme devrait être publié à l’issue de cette rencontre. Ce texte ne devrait toutefois avoir que très peu d’effets tant la situation sur le terrain semble désormais soumise à l’engrenage des attaques des uns et des représailles des autres.

par Mounia  Daoudi

Article publié le 04/05/2004 Dernière mise à jour le 04/05/2004 à 16:29 TU