Israël
Sharon désavoué par les siens
«Ceux qui voteront contre mon plan voteront contre moi», avait prévenu Ariel Sharon à quelques heures de la consultation.
(Photo : AFP)
Ariel Sharon avait fait du référendum de dimanche un vote de confiance des militants du Likoud à sa politique. «Ceux qui voteront contre mon plan voteront contre moi», avait-il lancé à quelques heures de la consultation et alors que les sondages donnaient les partisans du «non» à son projet largement vainqueurs. Le pari était risqué et malgré l’aura dont il bénéficie au sein de la droite israélienne, le Premier ministre n’a donc pas réussi à convaincre les membres du Likoud de renoncer aux fondements même de l’idéologie de leur parti qui est la défense d’Eretz Israël, la Terre d’Israël dans ses frontières bibliques et incluant donc la Cisjordanie. Quelque 59,5% des militants du Likoud ont ainsi rejeté son plan de séparation unilatérale d’avec les Palestiniens et même si le taux de participation à ce référendum était faible avec moins de 50% de votants le désaveu dont fait l’objet Ariel Sharon est sans précédent.
Le Premier ministre n’a d’ailleurs pas caché sa déception à l’annonce des résultats. «J’ai pris connaissance avec regret des résultats du vote et je les respecterai», a-t-il indiqué dans un communiqué. «Des jours difficiles nous attendent et nous devons prendre des décisions ardues», a-t-il également souligné en s’engageant à mener dans les prochains jours «des consultations avec les ministres du gouvernement, avec le Likoud et les membres de la coalition pour discuter en profondeur des conséquences de ce vote». Malgré le désaveu des militants de son parti, Ariel Sharon n’a toutefois pas l’intention de démissionner de son poste de Premier ministre. Il l’avait d’ailleurs laissé entendre bien avant le vote du Likoud et l’a rappelé dimanche. «Le peuple d’Israël ne m’a pas élu pour que je reste les bras croisés pendant quatre ans mais pour assurer le calme et la sécurité de ce peuple», a-t-il lancé.
En phase avec l’opinion publique
Mais s’il n’a rien perdu de sa combativité, Ariel Sharon sort tout de même très affaibli de l’épreuve de force qu’il a engagée avec la droite dure de son parti. Et s’il n’a pas l’intention de s’avouer vaincu, il ne peut ignorer que son gouvernement est entré dans une zone de turbulences qui pourrait très vite se muer en grave crise politique. Les options qui se présentent au Premier ministre sont en effet toutes problématiques. Si, comme il l’a affirmé, Ariel Sharon prend en considération le désaveu des militants du Likoud, il n’a plus qu’à renoncer à son plan de séparation unilatérale d’avec les Palestiniens. Cette option ne semble toutefois pas à l’ordre du jour dans la mesure où le vice-Premier ministre Ehoud Olmert, ardent défenseur de ce projet, a fait savoir que cette initiative ne pouvait être abandonnée. «J’ai parlé avec le Premier ministre et il ne fait aucun doute que nous devons continuer dans la voie tracée par ce plan pour changer la réalité de la bande de Gaza», a notamment déclaré ce fidèle d’Ariel Sharon, ajoutant qu’il fallait tout faire pour préserver l’unité du Likoud.
Abandonner le plan de retrait de Gaza placerait en outre le Premier ministre dans une situation délicate vis-à-vis de son grand allié américain, George Bush, qui s’est personnellement engagé en sa faveur en tentant de convaincre les chefs d’Etat de la région –l’Egyptien Hosni Moubarak et le roi Abdallah de Jordanie– d’y adhérer. Il signifierait surtout que la politique israélienne est entre les mains d’une petite minorité de la droite dure du Likoud, ce qui ne peut être acceptable pour la classe politique et la société israélienne. Ariel Sharon pourrait donc passer outre le soutien de son parti et présenter son plan à la Knesset où il sait qu’il peut compter sur le vote favorable des travaillistes, voire le soumettre à référendum auprès de la population israélienne qui y semble largement acquise. Mais ces deux options ne sont pas sans risque pour le Premier ministre qui pourrait voir son parti perdre de son soutien populaire faute d’unité et de leader fort à sa tête.
La gauche israélienne semble par ailleurs plus que jamais déterminée à profiter de l’affront subi dimanche par le Premier ministre. Le chef de l'opposition travailliste, Shimon Peres, a d’ores et déjà suggéré l’organisation d’élections générales anticipées. «Qu'il le veuille ou non, M. Sharon n'a pas reçu mandat de son parti pour le plan de retrait de Gaza et la nation doit avoir une occasion de se prononcer à ce sujet. Nous proposons dans ce contexte la dissolution de la Knesset et la tenue d'élections», a-t-il affirmé devant le groupe parlementaire de sa formation. «M. Sharon n'a apporté ni la paix ni la sécurité promises, et les travaillistes veulent promouvoir un programme répondant au consensus national minimum, à savoir le retrait de la bande de Gaza et le développement du Néguev», désert situé dans le sud d'Israël, a-t-il ajouté. Cette déclaration de principe, qui devrait se concrétiser par le dépôt à la Knesset ce lundi d’un «projet de loi pour la dissolution de la Chambre à la lumière de la situation politique créée par l'échec du référendum au sein du Likoud», affaiblit un peu plus le Premier ministre qui avait pensé un moment mettre sur pied un gouvernement d’union nationale auquel participeraient les travaillistes.
par Mounia Daoudi
Article publié le 03/05/2004 Dernière mise à jour le 03/05/2004 à 13:54 TU