Proche-Orient
Le camp de la paix se mobilise
(Photo : AFP)
Laminés ces dernières années par le rouleau compresseur Sharon, les pacifistes semblent de nouveau avoir le vent en poupe en Israël. Le camp de la paix a en effet réussi à mobiliser quelque 150 000 personnes samedi soir dans les rues de Tel Aviv. Rassemblés sous le slogan «La majorité a décidé! On sort de Gaza – On commence à dialoguer», les manifestants ont tous réclamé le démantèlement des colonies de ce territoire comme le préconise le plan Sharon de séparation unilatérale d’avec les Palestiniens. Leur rassemblement a débuté par une minute de silence à la mémoire des treize soldats tués cette semaine dans la bande de Gaza. Puis les participants se sont succédé à la tribune pour justifier leur position qui selon les derniers sondages a l’appui de quelque 70% de la population israélienne.
«Ce n’est pas un rassemblement de gauche mais de la majorité du pays», a ainsi lancé l’un des ténors du parti travailliste, le prix Nobel de la paix Shimon Peres. «Il y a quatre fois plus de manifestants que de votants d’extrême droite», s’est-il également félicité en référence aux quelque 50 000 membres du Likoud qui, le 2 mai dernier, ont massivement rejeté le plan de retrait de Gaza pourtant défendu par le chef de leur parti, Ariel Sharon. Egalement organisateur de cette manifestation, le dirigeant du parti de gauche Yahad Meretz, Yossi Beïlin a demandé la fin de l’occupation et l’évacuation des colonies. Ce promoteur de l’initiative de Genève –plan de paix alternatif conçu avec le Palestinien Yasser Abed Rabbo– a saisi l’occasion pour réaffirmer qu’Israël disposait d’«un partenaire palestinien pour négocier la paix».
Plus gênant pour la droite israélienne, l’ancien commandant de la zone sud qui couvre la bande de Gaza, le général de réserve Yom Tov Samia a appelé le gouvernement Sharon à «sortir de la voie stupide» empruntée depuis la conquête de la Cisjordanie et de la bande de Gaza en juin 1967, estimant que «le temps travaille contre Israël». L'ancien chef du Shin Beth –le service israélien de sécurité intérieure– Ami Ayalon a renchéri en encourageant «la majorité silencieuse» des Israéliens à s'exprimer pour un retrait de Gaza. La participation de ces deux hommes à un tel rassemblement est apparue aux yeux de nombreux manifestants comme un nouveau désaveu pour le gouvernement Sharon. «Que des types comme eux, qui ne sont pas de gauche, se joignent à une telle manifestation, cela signifie que les choses changent», a confié l’un d’eux.
Powell tente de rassurer les Palestiniens
C’est dans ce contexte de forte mobilisation pacifiste israélienne et alors que la politique de soutien sans réserve de Washington à Ariel Sharon est largement condamnée dans le monde arabe, que le secrétaire d’Etat Colin Powell a tenté de défendre l’engagement des Etats-Unis pour une paix juste au Proche-Orient. Le chef de la diplomatie américain a ainsi réaffirmé samedi au Premier ministre palestinien Ahmed Qoreï –qu’il rencontrait pour la première fois depuis sa nomination à l’automne 2003– que le président Bush n’avait «pas reculé d’un pouce depuis son discours de 2002» dans lequel il avait affirmé sa volonté de voir un Etat palestinien indépendant vivant en paix aux côtés d’Israël. «Ces dernières semaines ont été difficiles mais le président est engagé à aller de l’avant dans sa vision», a-t-il souligné.
Prenant le contre-pied du chef de la Maison Blanche, Colin Powell s’est voulu rassurant en insistant sur le fait que «les questions du statut final –à propos desquelles George Bush avait soutenu les positions d’Ariel Sharon–ne pouvaient être résolues que par les deux parties lors de négociations bilatérales et non par les Etats-Unis». L’important, a-t-il souligné, est de relancer le processusde paix.
Ce nouvel engagement de Washington dans le dossier israélo-palestinien intervient alors que la violence a repris de plus belle dans les territoires palestiniens et notamment dans la bande de Gaza. En représailles à la mort de treize de ses soldats, l’armée israélienne a procédé à la destruction de plus de quatre-vingt maisons ces derniers jours. Selon l’ l'Agence des Nations unies pour l'aide aux réfugiés palestiniens, plus de mille personnes se sont retrouvées à la rue à Rafah après ces destructions. Et une fois n’est pas coutume, le secrétaire d’Etat américain a condamné l’action israélienne. «Les Etats-Unis sont opposés à la destruction de maisons palestiniennes par l'armée israélienne car nous ne pensons pas que cela soit productif», a-t-il déclaré en Jordanie où il participe au Forum économique mondial.
par Mounia Daoudi
Article publié le 16/05/2004 Dernière mise à jour le 16/05/2004 à 10:33 TU