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Proche-Orient

L'avenir de Gaza devant la Knesset

Le Premier ministre Ariel Sharon (D) a obtenu le soutien du chef de l'opposition travailliste Shimon Peres (G) pour son plan de retrait de la bande de Gaza débattu à la Knesset. 

		(Photo : AFP)
Le Premier ministre Ariel Sharon (D) a obtenu le soutien du chef de l'opposition travailliste Shimon Peres (G) pour son plan de retrait de la bande de Gaza débattu à la Knesset.
(Photo : AFP)
Le Premier ministre israélien a engagé lundi une bataille cruciale devant la Knesset pour l’avenir de son plan de séparation unilatérale d’avec les Palestiniens violemment contesté par les milieux d’extrême droite et par les représentants des colons. Les débats au parlement sont prévus pour durer dix-sept heures et doivent se terminer par un vote qui devrait entériner le principe d’un retrait partiel des Territoires palestiniens conquis lors de la guerre des six jours en 1967, une première dans l’histoire de l’Etat hébreu. Mais si Ariel Sharon est quasiment assuré d’obtenir l’aval d’une majorité de députés à la Knesset, son avenir politique est plus que jamais menacé dans la mesure où de nombreux élus, parmi lesquels des membres de son propre parti le Likoud, semblent déterminés à faire tomber son gouvernement lors du vote du budget prévu en novembre, ce qui ouvrirait la voie à des élections anticipées.

Sourds aux vives protestations qu’a engendré son plan de retrait de la bande de Gaza qui divise profondément depuis des mois la classe politique israélienne, Ariel Sharon, fidèle à sa réputation de fonceur, a fait voter dimanche par son cabinet un texte relatif aux modalités pratiques de désengagement de ce Territoire palestinien. Ce document, voté par treize voix contre six –dont celles de cinq ministres du Likoud–, fixe à 500 000 dollars par famille le montant des indemnisations versées aux colons qui acceptent de quitter les implantations concernées. Il prévoit a contrario des peines allant jusqu’à cinq années de prison pour tout acte de résistance au moment de l’évacuation de ces colonies. L’adoption en conseil des ministres de ce projet de loi –qui doit être présenté dans la foulée cette semaine aux députés– est intervenu quelques heures avant un débat marathon de dix-sept heures à la Knesset au cours duquel défenseurs et opposants au plan de retrait de Gaza doivent s’affronter. Un vote doit sanctionner dans la soirée de mardi ces deux journées parlementaires qualifiées d’ores et déjà d’historiques dans la mesure où l’adoption plus que probable du plan d’Ariel Sharon va constituer un tournant capital dans l’histoire d’Israël qui, après 35 années de colonisation dans les Territoires palestiniens, s’apprête à se désengager de la bande de Gaza et de quatre petites implantations de Cisjordanie.

Retransmis en direct par plusieurs chaînes israéliennes mais aussi par des télévisions étrangères, les débats de la Knesset vont se dérouler dans un parlement transformé en camp retranché tant la crainte d’un attentat contre le Premier ministre, ou contre des élus favorables à son plan, est grande. Par mesure de sécurité, le public mais aussi la plupart des fonctionnaires de l’institution ainsi que les journalistes n’ont pas été admis dans l’hémicycle. Les députés, qui ont traditionnellement le droit d’inviter jusqu’à 20 personnes à assister aux débats, n’ont été autorisés à convier que deux proches, triés sur le volet et dont les antécédents ont été au préalable passés au crible par le Shabak, le service de renseignement intérieur. A l’extérieur de l’édifice, des centaines de policiers ont pris position pour empêcher tout débordement lors des manifestations prévues au cours de ces deux jours. Défenseurs et opposants au plan Sharon sont en effet déterminés à faire entendre leur voix et la bataille qui s’est engagée à la Knesset promet de gagner la rue. Des militants pacifistes et de gauche, favorables au retrait, doivent converger dans l’après-midi de lundi vers les abords du parlement dans un défilé aux flambeaux destiné à montrer aux députés que la majorité du pays soutient un désengagement de la bande de Gaza. Les détracteurs du plan du Premier ministre ont prévu eux d’occuper le terrain mardi. Un mot d’ordre de grève générale a d’ailleurs été lancé dans les colonies pour permettre à des milliers de personnes de venir «assiéger» la Knesset autour du slogan «Sharon déchire la nation».

Alliance de circonstance

Insensible à ces menaces, le Premier ministre a réaffirmé lundi devant les députés réunis pour débattre de son plan à la Knesset sa détermination à mettre en œuvre coûte que coûte le retrait de la bande de Gaza. «Je suis bien décidé à aller jusqu'au bout de cette séparation. Je suis convaincu qu’elle renforcera Israël», a-t-il déclaré d’entrée de jeu, sous les huées de plusieurs députés de la droite nationaliste et des formations ultra-orthodoxes. Soulignant que son pays se trouvait placé devant «un choix décisif», Ariel Sharon a également fait valoir que ce n’était «pas uniquement par le glaive» que la paix avec les Palestiniens pouvait être instaurer. «Comme combattant, politicien, député et ministre, je n'ai jamais connu une décision aussi difficile de toute ma vie», a également assuré cet ancien défenseur de la colonisation qui a été interrompu à plusieurs reprises par des députés en colère qui ont dû être évacués de l’hémicycle.

Selon les pointages effectués ces derniers jours, Ariel Sharon est certes assuré de voir adopter son plan de séparation unilatérale d’avec les Palestiniens. Malgré les dissensions au sein de son parti, vingt-deux députés du Likoud sur les quarante élus à la Knesset devraient en effet lui apporter leur soutien. Sur les quinze représentants du parti laïc Shinoui, quatorze vont également voter en faveur du désengagement. Et les vingt-et-un députés de l’opposition travailliste ainsi que les six élus du parti Yahad –petite formation de gauche laïque dirigée par la colombe Yossi Beilin– et quelques indépendants vont également apporter leur pierre à l’édifice. Cette alliance de circonstance devrait ainsi assurer au plan d’Ariel Sharon une majorité d’au moins soixante-sept voix sur cent-vingt.

Mais cette majorité «contre nature» est cependant loin de garantir l'avenir politique du Premier ministre. Car après avoir examiné les textes portant sur le démantèlement des implantations et sur l'indemnisation des colons, les députés de la Knesset vont entamer dès la semaine prochaine –le 3 novembre–  la discussion annuelle sur le budget. Ariel Sharon pourrait à cette occasion ne plus bénéficier du «filet de sécurité» que lui tendent cette semaine les partis de l'opposition. Il sait en outre qu’il ne pourra pas non plus compter sur les «faucons» du Likoud – qui se sont prononcés contre l'évacuation de Gaza et qui semblent déterminés à faire tomber son gouvernement– et encore moins sur celui des petits partis ultra-orthodoxes ou ultra-nationalistes pour lesquels ce vote constitue l’occasion rêvée d’empêcher l'entrée en vigueur du plan de séparation. Des proches du Premier ministre ont confié qu’une fois acquise l’adoption mardi de son plan par la Knesset, ce dernier entamerait immédiatement des discussions pour la mise en place d’un gouvernement d’union nationale où siègerait le Shinoui et le parti travailliste. En cas d’échec, Ariel Sharon n’hésitera pas, selon eux, à convoquer des élections anticipées.

par Mounia  Daoudi

Article publié le 25/10/2004 Dernière mise à jour le 25/10/2004 à 15:17 TU