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Proche-Orient

Les opposants au plan Sharon se mobilisent

Ariel Sharon ne se déplace plus sans une armada de gardes du corps. 

		(Photo : AFP)
Ariel Sharon ne se déplace plus sans une armada de gardes du corps.
(Photo : AFP)
A mesure qu’approche le 25 octobre, date à laquelle le plan de séparation unilatérale d’avec les Palestiniens, âprement défendu par le Premier ministre Ariel Sharon, doit être soumis au vote à la Knesset, la tension monte en Israël. Les opposants à ce plan qui prévoit l’évacuation de la bande de Gaza et le démantèlement de quatre petites colonies de Cisjordanie, multiplient les actions pour empêcher son adoption. Dernière initiative en date qui inquiète sérieusement les autorités israéliennes, l’appel à la désobéissance militaire lancé aux soldats de Tsahal par plusieurs rabbins influents.

Soucieux de montrer que rien n’entamera la volonté d’Ariel Sharon de poursuivre la mise en œuvre de son plan de retrait de la bande de Gaza, le principal conseiller en matière de sécurité du Premier ministre a annoncé mardi que les colons devront avoir quitter ce territoire d’ici la fin du mois de juillet. Giora Eiland a également précisé que passée cette date, toute personne n’ayant pas quitter les implantations sera évacuée par la force avant la fin du mois de septembre. Ces déclarations de celui qui est considéré comme l’architecte du démantèlement des colonies interviennent alors que les sensibilités sont plus que jamais exacerbées en Israël à la veille du débat qui doit se tenir à partir du 25 octobre à la Knesset autour du plan controversé de séparation d’avec les Palestiniens.

Violemment hostiles à son adoption, les quelque 250 000 colons des Territoires palestiniens, tout comme l’extrême droite israélienne mais aussi les durs du Likoud –le parti du Premier ministre–, ont juré de faire échec au projet d’Ariel Sharon. Ils viennent d’obtenir le soutien d’une soixantaine de responsables religieux influents, indifférents aux mises en garde pourtant répétées du chef du gouvernement sur les risques d’une guerre civile. L’ancien grand rabbin d’Israël, Avraham Shapira, considéré comme une très haute autorité religieuse et morale, a ainsi interdit aux militaires de faire évacuer par la force les colonies juives en estimant que cela équivaudrait «à commettre un pécher» comme manger de la viande de porc. «C'est une offense. Cela n'est pas permis. Les soldats doivent refuser d'obéir aux ordres fussent-ils sanctionnés par des peines de prison», a-t-il notamment affirmé. Deux autres figures éminentes du sionisme religieux, les rabbins Zvi Tau et Shlomo Aviner, très écoutés des milliers de jeunes religieux nationalistes qui font carrière dans l’armée, usent également de leur influence pour dissuader leurs disciples de participer à l’évacuation des colonies de la bande de Gaza.

L’affaire est à ce point jugée sérieuse que le ministre de la Défense, Shaoul Mofaz, et le chef d’état-major, Moshé Yaalon, ont tous deux violemment condamné les propos tenus par les responsables religieux les abjurant à ne pas mêler l’armée au débat politique en cours. «Ces appels à la désobéissance civile vont provoquer la haine et l’effritement de la cohésion nationale et c’est exactement ce que veulent nos ennemis», a lancé Shaoul Mofaz. Ses mises en garde en largement été relayées par Moshé Yaalon pour qui les appels des rabbins «mettent en danger le sionisme». «Ne nous mettez pas dans des situations impossibles car le refus d’obéir est dangereux pour l’armée et c’est un phénomène illégitime qui menace le sionisme», a-t-il plaidé. Le général Elazar Stern, en charge de la gestion des effectifs, a été dépêché auprès des établissements talmudiques qui accueillent des soldats religieux pour convaincre ces derniers de rester dans les rangs.

Risque d’attentat contre Sharon

Principaux concernés par le démantèlement des implantations, les colons multiplient les menaces à l’encontre du gouvernement. «Nous allons assiéger la Knesset le jour du vote», a affirmé un porte-parole du Conseil des implantations juives de Judée-Samarie (Cisjordanie) et Gaza. La principale organisation de colons a en outre décrété férié dans les écoles le jour où sera soumis au vote le plan Sharon pour permettre aux opposants à ce projet de venir par milliers protester devant le Parlement. Le Conseil veut également installer près de la Knesset des haut-parleurs très puissants pour étouffer les voix des députés favorables au retrait. Le quotidien Maariv affirme que selon un des ses militants, le Kach, le mouvement raciste anti-arabe interdit par les autorités, aurait distribué un millier de couteaux aux colons officiellement «pour qu’ils puissent couper les cordons en plastique dont se servent les soldats pour menotter les suspects» lors des manifestations.

C’est dans ce climat tendu que se déroulent la semaine prochaine le débat puis le vote sur le plan Sharon. Des mesures de sécurité exceptionnelles ont été mises en place à la Knesset où la garde sera renforcée et les entrées strictement limitées. Certains secteurs, comme la cafétéria, seront strictement interdits aux personnes extérieures et les députés n’auront le droit de convier que deux invités. Des caméras en circuit fermé permettront en outre de surveiller les couloirs pendant que des policiers accompagnés de chiens patrouilleront à la recherche d’éventuels charges explosives. Parallèlement les prisons israéliennes ont reçu l’ordre de se tenir prêtes à accueillir des centaines de colons opposés au plan de retrait.

Cette effervescence est révélatrice de l’inquiétude qui hante la société israélienne de voir se reproduire le scénario de l’assassinat d’un responsable politique. Le meurtre de l’ancien Premier ministre et prix Nobel de la paix Yitzhak Rabin abattu par un extrémiste juif le 4 novembre 1995 est dans l’esprit de tous les Israéliens. Le chef de l’opposition travailliste a d’ailleurs affirmé craindre franchement pour la vie de son vieil ennemi politique Ariel Sharon. «L’incitation à la violence est terrible comme aux jours qui ont précédé l’assassinat de Rabin», a mis en garde Shimon Peres. Celui qui fut le chef de cabinet du ministre assassiné, Eytan Haber, s’est lui aussi exprimé sur la question. «En ce moment même des gens malintentionnés complotent et nous nous approchons du point d’ébullition», a-t-il estimé.

Un spécialiste de la culture politique israélienne, Yaron Ezrachi, a estimé que les menaces dont ont eu récemment vent les services de sécurité sont «à prendre très au sérieux». «Je pense même que la situation est encore plus grave qu'au temps de Rabin», a même souligné cet universitaire faisant valoir que «toute l'opposition au plan de retrait de Gaza se concentrait sur un seul homme: Ariel Sharon». «Sharon éliminé, le plan n'existe plus», a-t-il insisté.

Ce climat de grandes tensions ne semble pas émouvoir particulièrement le Premier ministre qui n’a visiblement aucune intention de céder aux menaces de ses détracteurs. Mais signe que les menaces qui le visent ne sont pas prises à la légère, Ariel Sharon ne se déplace plus sans une armada de gardes du corps.



par Mounia  Daoudi

Article publié le 20/10/2004 Dernière mise à jour le 20/10/2004 à 15:16 TU