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Proche-Orient

Retrait de Gaza : des officiers défient Sharon

Le chef d'état-major israélien, Moshé Yaalon, a menacé de limoger les officiers rebelles.(Photo : AFP)
Le chef d'état-major israélien, Moshé Yaalon, a menacé de limoger les officiers rebelles.
(Photo : AFP)
L’appel lancé jeudi par trente-quatre officiers de réserve de l’armée israélienne engageant les soldats à refuser d’obéir à des ordres d’évacuation de la bande de Gaza a suscité un profond malaise en Israël. Se faisant l’écho de l’indignation exprimée par une majorité de la classe politique, le chef d’état-major, le général Moshé Yaalon, a sommé ces gradés de se rétracter faute de quoi il seraient non seulement limogés mais aussi traduits devant une cour martiale. Cette nouvelle crispation autour du plan de désengagement de la bande de Gaza, défendu toujours aussi vigoureusement par le Premier ministre Ariel Sharon, intervient alors que 87% des Israéliens se disent convaincus qu’Israël va bien se retirer de ce de Territoire palestinien.

Tant que les appels à la désobéissance civile émanaient de représentants de colons, de dirigeants ultra-nationalistes ou encore de certains rabbins ultra-orthodoxes, le gouvernement d’Ariel Sharon n’a pas cru bon d'intervenir fermement se contentant de condamner des actions mettant en danger la démocratie israélienne. Mais que ce mouvement de contestation, qui prend de plus en plus des aspects violents –des affrontements d’une rare brutalité ont encore opposé lundi des colons à des soldats venus démanteler une implantation sauvage en Cisjordanie– touche désormais directement les rangs de l’armée a été pris autrement plus au sérieux. L’alerte a été donnée lorsque trente-quatre officiers de réserve, tous résidant dans des colonies, ont signé une pétition publié par le plus grand quotidien national, le Yediot Aharonot, proclamant «illégale» l’évacuation des vingt et une colonie de la bande de Gaza et des quatre petites implantations de Cisjordanie, prévue par le plan Sharon.

«Nous demandons à l’armée de ne pas nous obliger à mener des actions contraires à nos croyance et à notre conscience», écrivent ces militaires qui menacent de désobéir à tout ordre d’évacuation des Territoires occupés. Bravant ouvertement le gouvernement d’Ariel Sharon, ils ont également fait valoir qu’il était «interdit aux soldats d’obéir à ce genre d’ordres contraires à la loi du pays et au code moral de l’armée». L’un des officiers a même expliqué sur les ondes de la radio militaire que le Premier ministre «ne disposait pas de la légitimité populaire» pour mener à bien son plan de désengagement. Selon lui, «Arik –surnom d’Ariel Sharon– a été un héros, il a été élu avec nos voix et il fait exactement le contraire de qu’il avait promis». 

La réplique ne s’est bien sûr pas faite attendre. Le chef d’état-major, a immédiatement annoncé la convocation de ces officiers en vue d’une «clarification» de leur position. «Tout officier qui continuera à exprimer des opinions figurant dans la pétition sera démis de ses fonctions et expulsé de l’armée», a également prévenu le général Moshé Yaalon. «L’armée considère avec la plus extrême gravité l’utilisation par des officiers de réserve de leur rang et leur fonction pour exprimer leurs opinions politiques», ajoute en outre le communiqué, signe d’une très grande préoccupation de l’état-major israélien. Un militaire, qui avait appelé lundi ses camarades à désobéir aux ordres leur enjoignant d’évacuer une colonie sauvage près de Naplouse, a d’ailleurs d’ores et déjà été sanctionné. Il a été condamné mercredi à quatre semaines de prison ferme.

Tuer la contestation dans l’œuf

Même si les officiers incriminés n’appartiennent pas aux unités qui auront en charge la mise en œuvre prévue au printemps prochain du plan de désengagement de la bande de Gaza, l’armée israélienne a voulu frapper un grand coup, sans doute pour éviter tout débordement futur. Car loin de faiblir, la mobilisation des opposants au plan Sharon tend au contraire à se radicaliser. Noam Livnat, le propre frère de la ministre de l’Education nationale Limor Livnat, a ainsi lancé un mouvement baptisé Rempart visant à recueillir la signature de quelque 10 000 soldats refusant d’obtempérer aux ordres de leur hiérarchie. Ce mouvement se vante de pouvoir atteindre cet objectif qui, selon lui, rendra l’armée dans l’incapacité d’évacuer par la force les colons de la bande de Gaza. La campagne lancée par Rempart, qui aurait déjà recueilli près de 5 000 signatures, a obtenu le soutien du Conseil des rabbins de Judée-Samarie –Cisjordanie– et de la bande de Gaza qui a réitéré jeudi soir son appel à la désobéissance civile lancé il y a quelques semaines aux soldats de Tsahal.

Même si le Premier ministre israélien semble aujourd’hui plus que jamais déterminé à appliquer son plan de désengagement, la radicalisation des opposants à son projet devient de plus en plus problématique. Ariel Sharon sait certes qu’il peut compter sur le soutien d’une grande majorité de la population –87% des Israéliens estiment que la mobilisation des colons et de l’extrême droite n’empêchera pas le retrait de Gaza– tout comme il peut se prévaloir d’un appui d’une grande partie de la classe politique. La commission parlementaire et des affaires étrangères a notamment demandé au procureur de l’Etat d’inculper tout responsable de l’extrême droite appelant à la désobéissance civile. «Utiliser l’arme du refus revient à mettre en péril la sécurité et l’existence d’Israël», a même fait valoir cette commission. Mais ce large soutien n’empêchera cependant pas les violences qui ne manqueront pas de se produire au moment de l’application du plan Sharon. Le porte-parole du Premier ministre, Avi Pazner, l’a d’ailleurs reconnu. Selon lui en effet, le retrait de Gaza sera «extrêmement difficile». 


par Mounia  Daoudi

Article publié le 07/01/2005 Dernière mise à jour le 07/01/2005 à 18:05 TU