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Haïti

De nouveaux enlèvements ravivent la confusion

Le travail commun de la police civile de l'ONU, de la police haïtienne et d'un groupe anti-criminalité a permis de baisser l'insécurité, qui reste malgré tout à un niveau alarmant.(photo : AFP)
Le travail commun de la police civile de l'ONU, de la police haïtienne et d'un groupe anti-criminalité a permis de baisser l'insécurité, qui reste malgré tout à un niveau alarmant.
(photo : AFP)
Deux Haïtiens et trois Français, dont deux octogénaires, ont été enlevés en Haïti le 25 janvier. Même si les trois otages français et leur chauffeur ont été libérés deux jours plus tard, ce rapt pourrait freiner les efforts des autorités locales et de la communauté internationale en vue d’activer la tenue des élections parlementaires et présidentielle, prévues le 7 février et reportées quatre fois. Ces élections doivent permettre au pays de reprendre un long et difficile chemin vers le développement.

La situation sécuritaire en Haïti semble se détériorer chaque jour un peu plus, pour sombrer dans la peur et dans la confusion… Ce pays, marqué par un redoublement des séquestrations depuis décembre 2005 (avec un pic de 162), pourrait s’enfoncer dans le chaos. Preuve de cette recrudescence, révélatrice du règne de la violence dans cette partie de l’île, deux Haïtiens et trois Français ont été enlevés mercredi 25 janvier par des individus armés, près de l’aéroport de Port-au-Prince.

Selon la radio locale, l’enlèvement aurait eu lieu sur la route nationale N°1, reliant l’aéroport à l’immense bidonville de 300 000 personnes, Cité Soleil, un des endroits les plus dangereux du pays, contrôlé par des gangs armés. Il s’agit de trois Français, dont un prêtre octogénaire et une religieuse dominicaine de 85 ans, Sœur Agnès, arrivés mardi. Ils étaient venus en Haïti apporter un lot de marchandises à distribuer à la population. L’enlèvement a été confirmé par la police haïtienne, l’ONU et le ministère français des Affaires étrangères.

Ce kidnapping s’est déroulé selon un scénario identique à ceux qui se produisent régulièrement dans cette partie de l’île : dans 95% des cas, les bandits libèrent leurs otages, en échange d’une rançon qu’ils obtiennent le plus souvent à la baisse de leurs prétentions, généralement élevées. Dans le cadre du rapt des Français, une rançon de 150 000 dollars a été demandée. Mais les otages ont été finalement libérés, vendredi soir, après une opération de la police haïtienne dans le bidonville de Cité soleil, où ils étaient détenus. Et les autorités affirment qu'aucune rançon n'a été versée.

Les bandits d’Haïti n’épargnent personne : sont concernés les femmes ou les hommes, les enfants, les étrangers ou les Haïtiens, quels que soient les milieux sociaux. Ces enlèvements relèvent autant de motivations politiques que de la criminalité, a indiqué le chef de la police nationale haïtienne (PNH), Mario Andrésol. Des trafiquants colombiens ou des policiers haïtiens ont déjà été impliqués dans ces séquestrations, a-t-il ajouté. Au dossier, la torture et l’assassinat du journaliste Jacques Roche, celui de Paul-Henri Mourral, consul honoraire de France au Cap-Haïtien (le 31 mai 2005), ou la libération de deux fonctionnaires de l’Organisation des Etats américains (OEA) après paiement de rançon.

Elections sans cesse reportées

Le rapt des Français, qui pourrait annoncer une nouvelle recrudescence, fragilise encore le climat national, tandis que se prépare tant bien que mal le premier tour des élections législatives et présidentielle. Celles-ci, déjà reportées quatre fois pour des questions techniques et d’organisation, auraient dû avoir lieu le 15 novembre. Elles auront normalement lieu le 7 février. Mais il se peut que cette date ultimatum, fixée par le Conseil de sécurité de l’ONU et l’OEA à la République d’Haïti, ne soit pas respectée.

Elles seront néanmoins une première depuis le 29 février 2004, date de la démission et du départ en exil du président Jean-Bertrand Aristide en Afrique du sud, alors qu’il était menacé d’une insurrection armée et abandonné par Washington, Paris et Ottawa.

Elles appelleront aux urnes quelque 3,5 millions de votants parmi les 8 millions d’Haïtiens, qui choisiront parmi 34 candidats à la présidentielle et 130 aux législatives. Mais il ne devrait pas y avoir de bureaux de vote à Cité Soleil, compte tenu de l’insécurité qui y règne, estime un responsable de la Mission de stabilisation des Nations unies en Haïti (la Minustah). Pourtant, des centaines de personnes manifestaient mardi 24 janvier pour l’ouverture de bureaux de vote dans ce bidonville, où 70 000 personnes se sont déjà inscrites pour voter.

Insécurité croissante

Sur place, la Minustah tente de réduire l’instabilité du pays. Elle a déjà annoncé avoir arrêté «vingt-trois présumés kidnappeurs en cinq jours», la veille du rapt des Français. Déployant 9 000 casques bleus, militaires et policiers, elle encadrera la tenue des élections du 7 février. Elle ne tolèrera «aucun acte de sabotage, aucune activité visant à perturber le scrutin», a souligné son directeur de communication, David Wimhurst. Celui-ci est «persuadé» que les élections se dérouleront «normalement». Parant à un éventuel dérapage, elle lancera même une grande répétition dimanche prochain, «un exercice technique», selon David Wimhurst, «un test du système électoral». La simulation s’effectuera dans tous les centres de votes du pays, «permettant de tester le matériel et de mesurer le temps des opérations».


par Gaëtane  de Lansalut

Article publié le 27/01/2006 Dernière mise à jour le 28/01/2006 à 09:29 TU