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Economie

Contrer Mittal Steel

Guy Dollé, le patron d'Arcelor tente par tous les moyens de contrer les assauts de Mittal Steel.(Photo: AFP)
Guy Dollé, le patron d'Arcelor tente par tous les moyens de contrer les assauts de Mittal Steel.
(Photo: AFP)
L’offre de rachat d’Arcelor par le numéro un mondial de l’acier, Mittal Steel, a provoqué une levée de boucliers menée par les gouvernements français et luxembourgeois. Alléchante au premier abord, puisqu’elle propose une prime de 27% par rapport au cours de l’action du 26 janvier, cette OPA hostile n’en a pas moins été très fermement dénoncée par Dominique de Villepin et Jean-Claude Juncker qui estiment que derrière l’appât financier pourrait se cacher une restructuration et des licenciements. Reste que cette mobilisation politique n’est pas suffisante pour empêcher l’OPA d’aboutir. Guy Dollé, le patron d’Arcelor, en est conscient. Sa stratégie à lui, c’est de trouver les arguments pour convaincre ses actionnaires de ne pas vendre à Mittal Steel. Il a reçu le soutien des syndicats de l’acier.

Lakshmi Mittal ne s'est pas ménagé ces derniers jours pour essayer de convaincre ses interlocuteurs qu’il ne veut que du bien à Arcelor. Peine perdue, le Premier ministre luxembourgeois, Jean-Claude Juncker, ou le ministre français de l’Economie, Thierry Breton, n’y ont pas cru une minute. A les entendre, il y a incompatibilité totale entre les deux sociétés. En quelques jours, réunions et concertations se sont succédé pour «accorder les violons», comme l’a déclaré Jean-Claude Juncker. Le Luxembourg, la France, suivis par l’Espagne, les trois pays dans lesquels Arcelor emploie le plus de salariés en Europe, ont décrété la mobilisation  générale. Pour eux, l’OPA de Mittal Steel sur Arcelor doit être évitée par tous les moyens.  

Cette détermination politique clamée haut et fort constitue certainement un obstacle aux ambitions de Mittal Steel. Mais elle n’est néanmoins pas suffisante pour contrecarrer les projets de Lakshmi Mittal qui dirige le numéro un mondial de l’acier. Si le Luxembourg est le plus gros actionnaire d’Arcelor, il ne dispose que de 5,6% du capital. Quant à la France, elle n’en fait pas partie et ne se trouve pas en position de jouer un rôle direct. L’issue de l’OPA est donc entre les mains des détenteurs des 85% d’actions actuellement sur le marché boursier.

«Nous devons convaincre nos actionnaires»

Guy Dollé, le patron d’Arcelor, sait donc que s’il veut éviter le rachat par Mittal Steel, il doit prendre le taureau par les cornes. Il a déclaré : «Nous sommes satisfaits du fait que les politiques s’expriment, mais nous sommes conscients que c’est nous qui devons convaincre nos actionnaires». Guy Dollé est un patron qui croit aux vertus de la rentabilité plutôt qu’à la dynamique du patriotisme économique. Après avoir reçu dimanche le soutien de son conseil d’administration pour repousser l’offre de Mittal Steel, il a donc contre-attaqué en essayant de démontrer aux actionnaires qu’Arcelor n’a rien à attendre d’une fusion avec cette société dont l’offre n’est pas si intéressante qu’il y paraît.

Il a notamment mis en garde contre les intentions cachées de Mitall en déclarant : «La proposition de Monsieur Mittal vise à utiliser le cash flow d’Arcelor pour moderniser des installations obsolètes en Europe de l’Est et aussi en partie aux Etats-Unis». Il a aussi affirmé que la transaction proposée aux actionnaires qui consiste à leur offrir d’être rémunérés soit en numéraire, soit en actions, soit par un mélange des deux, reviendrait à les payer en «monnaie de singe». Son objectif est de réussir à leur démontrer que «le modèle d’Arcelor est meilleur que celui de Mittal tant sur le plan industriel que sur le plan social» et donc que «le futur d’Arcelor est bien meilleur pour ses actionnaires et ses employés en restant seul».

«Créer le doute»

Au-delà des mots, il y a des stratégies pour empêcher Mittal d’arriver à ses fins. L’une d’entre elles consiste à s’allier avec un partenaire, un «cheval blanc». Un rapprochement avec Nippon Steel est ainsi évoqué. Une autre possibilité pourrait être d’essayer d’acquérir d’autres sociétés pour grossir et devenir hors de portée de Mittal. Le rachat du canadien Dofasco, qu’Arcelor est en train de mener, irait dans ce sens. L’hypothèse d’une contre-OPA contre Mittal Steel est, en revanche, presque inenvisageable car le capital de cette société est détenu à 88% par la famille Mittal, ce qui en fait une forteresse imprenable.

Outre l’appui des politiques, Guy Dollé bénéficie du soutien des syndicats européens de l’acier pour résister aux assauts de Mittal Steel. Les membres de leur Fédération (FME) se sont réunis à Bruxelles pour discuter de cette OPA et sont arrivés à la conclusion qu’elle mettrait en péril «la forte culture de dialogue social présente dans le groupe Arcelor». Ils ont donc décidé d’apporter leur soutien à la direction et de mener des actions de lobbying pour contrecarrer Mittal. La Commission de Bruxelles, où Lakshmi Mittal doit être reçu par la commissaire à la Concurrence, Nelly Kroes, et le commissaire à l’Industrie, Günter Verheugen, fait partie des cibles de ces pressions. Mais d’ores et déjà, la Commission a fait valoir que sa capacité d’intervention était limitée, surtout concernant la dimension sociale de l’OPA. C’est donc en priorité auprès des actionnaires que les syndicats entendent faire passer leur message pour «créer le doute» sur l’intérêt de la proposition de Mittal Steel.


par Valérie  Gas

Article publié le 01/02/2006 Dernière mise à jour le 02/02/2006 à 09:27 TU

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Jean Arthuis

Ancien ministre du Développement économique. Il donne son opinion sur la situation engendrée par l'OPA de Mittal Steel sur Arcelor.

«Ayons le courage de remettre en cause nos régulations et nos législations pour rester compétitifs et rester dans la course.»

[02/02/2006]

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