Liban
La victoire du Hamas brouille les cartes
(photo : AFP)
De notre correspondant à Beyrouth
Le désarmement des organisations palestiniennes constitue un des dossiers épineux qui empoisonnent la vie politique libanaise depuis des mois. Exigée par la résolution 1559, adoptée en septembre 2004 à l’instigation de la France et des Etats-Unis pour tenter d’empêcher la prorogation du mandat du président Emile Lahoud, cette question divise les Libanais. Même si la majorité d’entre eux souhaitent le démantèlement des bases des organisations pro-syriennes situées à l’extérieur des camps de réfugiés, ils ne sont pas tous d’accord sur les moyens à utiliser pour y procéder. Le leader druze Walid Joumblatt et le chef du parti chrétien des Forces libanaises Samir Geagea, accusent la Syrie de manipuler ces organisations pour déstabiliser le Liban. Ils ont haussé le ton début janvier lorsque des membres du groupe d’Ahmed Jibril -qui vit à Damas-, ont blessé par balles deux agents municipaux qui s’approchaient de leur base située dans la localité de Nahmé, à 15 kilomètres au sud de Beyrouth. Les partisans de la manière forte ont réclamé l’utilisation de la force pour désarmer ces organisations, qui possèdent également quatre bases dans la plaine orientale de la Békaa, non loin de la frontière syrienne. De son côté, le Hezbollah affirme qu’il ne s’agit pas d’une priorité, estimant que le ramassage des armes palestiniennes est une exigence américaine. Le gouvernement, dirigé par Fouad Siniora, a pour sa part opté pour la méthode douce. Il a formé un comité chargé de négocier le désarmement des bases installées en dehors des camps de réfugiés et «l’organisation» des armes palestiniennes à l’intérieur des camps. Il s’agit d’armes légères et moyennes, de lance-roquettes anti-chars, de mortiers de divers calibres et de roquettes multitubes de type katioucha. Le nombre de combattants palestiniens entraînés au maniement des armes est estimé à plus de vingt mille.
Le dialogue attend toujours
Trois mois après la formation de ce comité, le dialogue n’a toujours pas commencé. La raison invoquée pour justifier ce retard est que les groupes pro-syriens et les organisations membres de l’OLP -comme le Fatah et le Front populaire de libération de la Palestine (FPLP)- ne se sont pas encore entendus sur la composition d’une délégation commune.
La victoire du Hamas aux dernières élections législatives l’a propulsé sur le devant de la scène au Liban aussi. Certes, le mouvement islamiste n’a pas de présence armée parmi les réfugiés palestiniens. Son succès électoral l’a cependant transformé en acteur incontournable et en interlocuteur privilégié que le gouvernement ne peut pas ignorer.
Pour ne pas commettre les mêmes erreurs que le Fatah et d’autres organisations qui ont été partie prenante dans des conflits internes dans certains pays arabes (Jordanie, Liban, Yémen), le Hamas a toujours évité de se mêler des affaires intérieures des Etats. Mais il sera obligatoirement contraint de se prononcer sur des questions bien déterminées. Concernant celle du désarmement, le représentant du mouvement à Beyrouth, Oussama Hamdane, a déclaré que ce dossier ne doit pas être traité selon une approche uniquement «sécuritaire». «Il faut régler le problème des réfugiés dans sa globalité en prenant soin de ne pas négliger les dimensions politiques et humaines», a-t-il dit. En d’autres termes, lors d’éventuelles négociations avec le gouvernement libanais, le Hamas parlera du désarmement, mais aussi des droits politiques et de la situation humanitaire des 350 mille réfugiés palestiniens -10% de la population- qui vivent dans douze camps répartis sur l’ensemble du territoire.
Tous ces enjeux sont tellement complexes que le dialogue libano-palestinien, s’il commence un jour, promet d’être animé et long. Le dossier du désarmement palestinien est, au moins, aussi compliqué que celui du Hezbollah.
par Paul Khalifeh
Article publié le 05/02/2006 Dernière mise à jour le 05/02/2006 à 18:31 TU