Proche-Orient
Délai de grâce pour le Hamas
(Photo : Manu Pochez/RFI)
De notre correspondant dans les Territoires palestiniens
Les membres du Quartet, réunis hier à Londres, ont manié a la fois la carotte et le bâton. A l’issue de leur dîner de travail consacré à l’attitude à adopter face a l’arrivée annoncée du Hamas au pouvoir dans les Territoires occupés, les représentants des Etats-Unis, de l’Union européenne, de la Russie et des Nations unies ont rappelé une nouvelle fois que la poursuite de l’aide internationale à l’Autorité palestinienne était conditionnée a la normalisation du Hamas tout en accordant à ses membres un délai pour réviser leur idéologie, d’environ deux ou trois mois, le temps que le nouveau cabinet soit formé et que sa ligne de conduite se précise. Durant cette période, les versements, notamment ceux de l’Union européenne qui se chiffraient à 500 millions de dollars l’année dernière, seront maintenus. Une fois le gouvernement établi, il sera demandé à tous ses ministres de renoncer à la violence et de reconnaître Israël, faute de quoi, la manne internationale pourrait être sévèrement revue a la baisse.
Des ressources propres très limitées
Une telle perspective porterait un coup fatal à l’Autorité palestinienne. Depuis le début de l’Intifada, elle ne doit sa survie qu’aux subsides internationaux. L’effondrement du niveau de vie consécutif au morcellement de la Cisjordanie par les check points et à la fermeture du marché du travail israélien aux ouvriers venus des Territoires a réduit les ressources fiscales du régime de Mahmoud Abbas à la portion congrue. Pour honorer ses échéances financières, notamment le paiement des salaires de ses 135 000 fonctionnaires, il comptait jusque-là d’une part sur le reversement par l’Etat d’Israël des droits de douanes qu’il perçoit en son nom et d’autre part sur la générosité de la communauté internationale. Or ces deux apports sont remis en cause par la victoire du Hamas. Bien que les taxes prélevées par Israël soient la propriété des Palestiniens, le Premier ministre par intérim Ehud Olmert a même déjà décidé de suspendre la livraison du mois de janvier, qui devait se monter à environ 40 millions de dollars. Un coup dur pour un régime en état de quasi banqueroute. Son déficit pour le mois de janvier se chiffre à 69 millions de dollars et, à la fin de l’année, il pourrait atteindre un total cumulé de 600 a 700 millions de dollars.
Aussitôt après la fin de la réunion de Londres, le Hamas a rejeté les pré-conditions édictées par le Quartet. « Le Quartet aurait dû demander la fin de l’occupation et de l’agression israéliennes, a déclaré l’un de ses porte-parole, au lieu d’exiger de la victime qu’elle reconnaisse l’occupation et qu’elle reste passive et les mains liées face à l’agression. » En dépit des signes d’ouverture manifestés par le Hamas depuis sa victoire surprise, cette réaction farouche était attendue. Ses dirigeants, qui sont prêts à déclarer une trêve de dix ans en échange d’un retrait intégral d’Israël des territoires occupés, ne sont pas disposés a réécrire le fondement de leur idéologie qui fait de la Palestine historique, Israël compris, une terre d’Islam. Pour un parti qui a construit une partie de sa popularité sur son radicalisme et sur sa résistance aux diktats occidentaux, un tel acte équivaudrait a un suicide politique.
Composer un gouvernement de coalition «présentable»
Pour autant, ses dirigeants sont conscients de l’importance vitale que revêt le soutien financier étranger. Ils devraient donc relancer leurs appels du pied en direction des membres du Fatah et des députés indépendants afin de composer un gouvernement de coalition le plus « présentable » possible, dans lequel les islamistes n’occuperaient que des portefeuilles de second rang, comme l’Education, la Santé ou les Affaires sociales. En dépit du boycottage officiel dont il fait l’objet, il est également probable que le Hamas sera sondé sur ses intentions par des émissaires discrets de l’Union européenne. Ses dirigeants pourraient enfin partir en tournée dans le monde arabe afin d’accroître l’aide que ces Etats offrent au régime palestinien. Du résultat de toutes ces démarches dépend la stabilité de Autorité palestinienne et, par effet de ricochet, celle d’une bonne partie de la région.
par Benjamin Barthe
Article publié le 31/01/2006 Dernière mise à jour le 01/02/2006 à 10:55 TU