Proche-Orient
Bruxelles fait pression sur le Hamas
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Les 25 ministres des Affaires étrangères de l’Union européenne ont décidé de maintenir l’aide européenne aux Palestiniens si le Hamas renonce à la violence, s’il reconnaît le droit d’Israël à exister et s’il respecte les engagements pris par l’Autorité palestinienne dans le cadre des accords d’Oslo. Ce sont les conditions sine qua non émises par l’Europe, le plus gros soutien financier à l’Autorité palestinienne. Si ces conditions sont respectées, l’enveloppe accordée par l’UE à l’Autorité palestinienne avoisinera 500 millions d’euros, ce qui, globalement, représentait la somme accordé chaque année depuis 2003.
Le triomphe du parti islamiste (Hamas) aux dépens du parti au pouvoir de l’Autorité palestinienne (Fatah) aux législatives palestiniennes du 25 janvier, a provoqué une onde de choc dans le monde de la diplomatie occidentale. A Bruxelles, tout d’abord. D’un côté, le Hamas est un parti inscrit sur la liste européenne des organisations terroristes depuis 2003, à l’unanimité des Etats membres. De l’autre, l’Autorité palestinienne a été, jusqu’à présent, très dépendante des financements européens. De quoi provoquer un casse-tête pour les 25 ministres européens des Affaires étrangères…
La solution ? Réitérer la position traditionnelle de l’Europe vis-à-vis du Hamas, auteur de plusieurs attaques-suicides contre Israël : qu’il renonce au recours à la violence et accepte de reconnaître l’Etat d’Israël. Les diplomates européens ont subordonné l’octroi de ce soutien financier à l’abandon des objectifs les plus guerriers du Hamas, en premier lieu la destruction d’Israël. Si le Hamas respecte ces conditions, il n’y aura pas gel de l’aide européenne.
Mais il faudra aussi que le futur Parlement palestinien soutienne sans faille la formation d’un gouvernement déterminé à trouver une solution négociée au conflit avec Israël. Si ce nouveau gouvernement palestinien est désireux de mettre fin à la violence et de négocier une sortie au conflit israélo-palestinien, l’UE continuera à soutenir l’instauration d’un Etat démocratique.
Merkel refuse le Hamas
Ce sont en substance les «principes clairs» qu’a fait entendre la chancelière allemande, Angela Merkel, au cours d’une visite en Cisjordanie et en Israël les 29 et 30 janvier prévue avant les élections palestiniennes. «L'existence de l'Etat d'Israël est, et demeure, un pilier inébranlable de la politique allemande. Soyez-en sûr!», a averti la première personnalité occidentale à se rendre dans la région depuis la victoire du Hamas, rappelant la position de l’UE au Premier ministre israélien par interim, Ehud Olmert. Angela Merkel a souligné que l’Allemagne se tenait «fermement au côté d'Israël, spécialement en ces temps difficiles».
Au seul interlocuteur qu’elle reconnaît à l’Autorité palestinienne, son président Mahmoud Abbas, Mme Merkel a rappelé la responsabilité qu’il avait de convaincre le Hamas de certains principes : renoncer à la violence, reconnaître Israël et les accords passés entre les Etats. Il est «impensable» que l’UE continue à verser une aide financière à l’Autorité palestinienne si le parti palestinien élu, inscrit sur la liste des organisations terroristes de l’UE, n’infléchit pas sa radicalité, a-t-elle souligné.
Quant au modéré Abbas, qui a exclu de démissionner avant la fin de son mandat (2009), il a réaffirmé son attachement à un règlement négocié du conflit avec Israël. Le maintien de l’aide internationale servira à ce que «le peuple palestinien reste debout», a-t-il affirmé.
Washington maintient l’humanitaire
La réponse européenne à la question de l’aide internationale, qui se posait à tous les pays donateurs, rejoint la ligne politique des Américains. Les Etats-Unis, qui ont accordé 50 millions de dollars à l’Autorité palestinienne en 2005, refusent de financer le nouveau parti élu, qui prône la destruction d’Israël et le recours au terrorisme. La charte du Hamas fait de cette formation politique un «partenaire impossible pour la paix», a déclaré le 30 janvier Georges W. Bush, qualifiant toutefois de «positive» l’intention de ce parti de combattre la corruption et de restaurer les services publics.
Washington continuera toutefois à pourvoir aux besoins humanitaires des Palestiniens. Les Etats-Unis financent déjà les programmes d'assistance humanitaire de l'agence USAid (225 millions de dollars) et participent au programme de l’ONU dans les Territoires, l'UNRWA (88 millions).
Le Hamas sollicite l’aide
De son côté, le Hamas est divisé : certains considèrent la manne européenne comme indispensable, d’autres que la Palestine pourra se faire financer par des monarchies arabes pétrolières. En accord avec Mahmoud Abbas, Ismaïl Haniyeh, chef du Hamas, a imploré l’Union européenne de ne pas interrompre son aide. «Nous vous appelons à un dialogue sans conditions préalables et dans un esprit de neutralité», a indique le responsable du Hamas.
«Nous vous invitons à comprendre les priorités de notre peuple palestinien à ce stade et à poursuivre le soutien moral et financier afin de pousser la région vers la stabilité plutôt que de susciter pressions et tensions», a-t-il indiqué. Pour cela, le leader du Hamas a appeler l’UE à «poursuivre son aide morale et financière et à verser toutes les aides au Trésor palestinien pour qu’elles soient utilisées en fonction des priorités du peuple palestinien». D’un autre côté, le même homme a exclu le 28 janvier que le mouvement islamiste dépose les armes, conscient que cette position entraînerait une diminution sensible de l’aide internationale à l’Autorité palestinienne.
«Espoir de tous»
Forte de la décision européenne, qui institue le soutien financier en échange d’un renoncement à la violence, des discussions devaient avoir lieu à Londres le 30 janvier dans la soirée, au sein du «Quartet» international. Composé de l’Union européenne, des Etats-Unis de la Russie et du Conseil de sécurité des Nations unies, ce Quartet est à l’origine de la « feuille de route » pour la paix au Proche-Orient. Il étudiera les conséquences de la victoire du Hamas et la difficile questions des liens impossibles entre un régime qui promeut les attaques terroristes et a l’intention de détruire Israël.
Javier Solana, Haut représentant de l’UE pour la politique étrangère, estimait dans un entretien au journal Le Monde qu’il «serait difficile d’avoir des contacts de haut niveau, impossible même d’avoir des contacts politiques» avec le Hamas. Mais avec cet «espoir de tous», ajoutait-il : «l’obligation d’agir, de s’inscrire dans un processus politique aura des effets positifs sur le Hamas».
par Gaëtane de Lansalut
Article publié le 30/01/2006 Dernière mise à jour le 30/01/2006 à 20:15 TU