Législatives palestiniennes
Les Israéliens sous le choc
(Photo: AFP)
De notre correspondant en Israël
Une station service un peu perdue, à une poignée de kilomètres au nord de la bande de Gaza. Derrière le restaurant, des grandes tentes abritent quelques dizaines d'ex-colons de Gaza. Depuis leur évacuation en août dernier d'Eleï Sinaï, une colonie laïque, ils habitent dans ce qu'ils appellent leur «camp de réfugiés», en attendant une solution du gouvernement qui leur permette de continuer à vivre en communauté.
Carrure de bûcheron, imposante barbe grise, Eran est médecin. Il descend du nord d'Israël pour passer chaque shabbat dans la petite communauté. Pour lui, l'arrivée du Hamas au pouvoir n'est pas une surprise, il se réjouit même «d'avoir enfin affaire à des gens qui disent la vérité : avec le Fatah et Arafat on avait des gens qui parlaient de paix et qui pratiquaient e terrorisme. Là, on a des gens qui préconisent le terrorisme, et qui le pratiquent!».
Craint-il un regain de violence ? «Pourquoi serais-je plus effrayé que je ne le suis maintenant ? De quoi suis-je censé avoir peur ? Des bombes dans les bus ? Non avons ça... Des tirs de roquettes ? Nous avons ça aussi. Est-ce que je m'attends à ce qu'ils changent, en mieux, non ! Très vraisemblablement, il faut s'attendre à ce que le Hamas marche dans les pas de Yasser Arafat, qui mentait au monde, en parlant de paix et en continuant le terrorisme.»
Négocier avec le Hamas ou pas ?
Autour de lui, quelques personnes acquiescent. «Hitler est arrivé au pouvoir démocratiquement, continue Eran. Est-ce que ça veut dire qu’Hitler était bon ? Qu’il a continué à être démocratique ensuite ?»
Face à l’arrivée au pouvoir des islamistes, Israël fait le dos rond. D’après Ehoud Olmert, le Premier ministre par intérim, il est hors de question de négocier avec un pouvoir palestinien qui a en son sein «une organisation terroriste armée qui prône sa destruction». Eran approuve : «Bien sûr, la première chose est d’arrêter de parler avec eux, jusqu’à ce qu’ils montrent vraiment qu’ils ont arrêté de nous haïr.»
Brigitte Bérébi, une évacuée de Gaza, se définit comme une «éternelle optimiste», et elle trouve dans l’ascension du Hamas, des raisons de croire encore à la paix. Comme Shimon Pérès, elle envisage des pourparlers avec un Hamas qui aurait «renoncé au terrorisme». «J’ai des sentiments mélangés, dit-elle. Je sais que quand on est en dehors du gouvernement, on peut être extrémiste. Mais quand on accède au pouvoir, c’est différent, on est obligé de voir les choses autrement. Alors peut-être que le Hamas changera ses idées en étant au gouvernement. On voit déjà des évolutions, je crois, ils disent qu’ils ne sont pas contre les Juifs. Et j’espère que le processus va continuer : que les extrémistes vont devenir des pragmatiques.» Une transformation qui serait bénéfique pour tout monde, explique Brigitte : «Si eux, ils changent, alors ce sera plus facile de faire la paix avec eux ! Cela a toujours été comme ça, c’est plus facile d’y arriver avec des anciens extrémistes, qu’avec les modérés.»
Beaucoup de questions agitent ainsi les Israéliens. La presse israélienne s'interroge sur l'avenir des rapports avec l'Autorité palestinienne. Un commentateur de Maariv estime possible que «le Hamas suive la même voie que le Fatah et, d'organisation terroriste, se transforme en parti politique considéré comme légitime». Côté politique, Benjamin Nétanyahou a accusé «la politique sans contrepartie de retrait d'avoir donné la main gagnante au Hamas». Eternel opportuniste, le candidat du Likoud au poste de Premier ministre lors du scrutin du 28 mars prochain agite l’épouvantail Hamas : «Les talibans sont à nos portes», écrit-il dans une tribune au ton catastrophé dans le Yédiot Aharonot. Les Israéliens peuvent constater une nouvelle fois à quel point les élections chez eux sont liées à la situation de leurs voisins.
par Xavier Yvon
Article publié le 28/01/2006 Dernière mise à jour le 28/01/2006 à 11:36 TU