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Mauritanie

Crise ouverte avec la compagnie pétrolière Woodside

Malgré le différend avec Woodside, la Mauritanie va sortir son premier baril de pétrole le 17 février.(Photo : AFP)
Malgré le différend avec Woodside, la Mauritanie va sortir son premier baril de pétrole le 17 février.
(Photo : AFP)
Le torchon brûle entre le gouvernement et la compagnie pétrolière australienne Woodside, après plusieurs semaines de vaines discussions. Dimanche, Nouakchott s’est livré à une grande opération de communication pour dénoncer publiquement des avenants au contrat de partage de production signé par le précédent gouvernement avec Woodside, qui est à la tête du consortium chargé de produire les premiers barils d’or noir mi-février. Dans un discours radiotélévisé, le chef de l’Etat, le colonel Ely ould Mohamed Vall, a expliqué que ces contrats portaient préjudice à l’intérêt national et qu’il n’accepterait pas que la Mauritanie soit spoliée. Devant le blocage de la situation, les parties envisagent d’entamer une procédure d’arbitrage international qui pourrait se dérouler à Paris, selon le quotidien officiel Horizons, publié ce lundi.


De notre correspondante à Nouakchott

« Force est de constater qu’un obstacle majeur prévaut aujourd’hui dans les relations entre notre pays et la société Woodside ! ». C’est de manière très solennelle et sans donner de détails que le colonel Ely ould Mohamed Vall a dénoncé l’opacité totale dans laquelle ont été signés les avenants au contrats de partage de production avec la compagnie australienne. Selon le chef de l’Etat, ces documents, « entachés de plusieurs vices, portent un grave préjudice à l’intérêt national et transgressent de manière flagrante la substance même des contrats initiaux ».

Avec des mots simples, visiblement par souci pédagogique, le chef de l’Etat a mis l’accent sur l’importance de ne pas brader les ressources du pays, affirmant que les quatre documents en cause ont été conçus « dans le seul intérêt de Woodside au détriment de l’Etat mauritanien ». Le préjudice financier se chiffrerait à des centaines de millions de dollars, selon le ministère mauritanien de l’Energie et du Pétrole. Le manque à gagner serait d’autant plus grave pour les finances publiques que, fin décembre, les autorités ont estimé qu’en 2006, les recettes liées au pétrole s'élèveraient à 47 milliards d’ouguiyas (environ 180 millions de dollars) et représenteraient un quart du budget de l'Etat.

Le discours, posé mais très dur, du chef de l’Etat avait été précédé dans la journée d’une mise au point faite par le Premier ministre. S’exprimant en « avant-première » devant les partis politiques et la société civile, Sidi Mohamed ould Boubacar avait évoqué la mauvaise volonté de Woodside, affirmant que la société « avait refusé de répondre de façon constructive à tous les efforts du gouvernement tendant à trouver une solution pour éviter que la concertation soit rendue publique ». De son côté, le ministère de l’Energie et du Pétrole a pris la relève lundi matin avec un communiqué qui détaille les principales irrégularités constatées.

Une longue liste de doléances

Le premier point relevé par le ministre du Pétrole est lié à la procédure de ratification des avenants. La loi mauritanienne autorisant l’approbation des quatre avenants date en effet du 1er février 2005, mais Woodside aurait signé les documents deux semaines plus tard et deux d’entre eux, au moins, auraient également été signés avec retard par le ministre du Pétrole (le 2 mars 2005 seulement). Outre ces signatures à retardement, ces avenants auraient été présentés au Conseil des ministres et au Parlement comme de simples extensions de durée de validité alors que « leur contenu est tout autre », commente le ministère.

Parmi les clauses susceptibles de porter un préjudice grave au pays, les autorités citent la baisse de la quote-part de l’Etat dans le profit-oil et la réduction de l’impôt de 15 points dans certaines zones, mais aussi l’allègement des contraintes en matière de protection de l’environnement ou bien encore l’attribution d’un monopole d’exploitation et d’exploration de plusieurs années supplémentaires sur une grande superficie. La liste des doléances mauritaniennes concerne aussi la perspective d’une déduction illimitée dans le temps des déficits reportés ainsi que l’imputation à l’Etat mauritanien d’une partie des coûts d’abandon. Nouakchott s’inquiète en outre de la modification de la méthode de tenue des comptes liée à la centralisation des originaux en Australie qui prévoit seulement une copie non électronique pour la Mauritanie. Autres soucis : la déduction des charges qui ne sont pas directement affectées à la conduite des opérations pétrolières, mais aussi la suppression de la garantie de bonne exécution et celle de l’interdiction de vendre du pétrole à des pays déclarés hostiles à la Mauritanie.

Réaffirmant que ces avenants n’ont aucune validité, le gouvernement s’est déclaré hier prêt à utiliser toutes les voies légales pour défendre ses intérêts, sans préciser quelle serait la procédure. Ce lundi, le quotidien officiel évoque lui la possibilité d’un arbitrage international en publiant un long encadré sur le sujet. Dans un communiqué publié vendredi, cette hypothèse était également retenue par Woodside, qui opère pour le compte des sociétés Hardman, BG, Premier, ROC Oil, Fusion, Petronas, Dana Petroleum, Energy Africa ainsi que pour la Société mauritanienne des hydrocarbures. Mais, informée du différend la semaine dernière, officiellement, la société australienne maintient que « ces avenants sont appropriés, valides et exécutoires pour chaque partie ». Elle assure qu’ils ont été négociés avec le ministère de l’Energie et du Pétrole et approuvés par le gouvernement mauritanien ainsi que par le Parlement, avant d’avoir force de loi en 2005.

Cette affaire constitue la première crise à laquelle doivent faire face les nouvelles autorités militaires. Elle a déjà vu des poursuites pénales être engagées, mi-janvier, à l’encontre de l’ancien ministre du Pétrole, Zeidane ould Hmeida. Selon le parquet mauritanien, ce dernier est inculpé pour crimes graves, portant atteinte aux intérêts économiques de la Mauritanie, faux, usage de faux et corruption, alors qu’il était en charge « d’un secteur vital pour le pays ». Reste qu’en dépit de ce contentieux, la production des premiers barils de pétrole offshore est toujours prévue le 17 février.


par Marie-Pierre  Olphand

Article publié le 06/02/2006 Dernière mise à jour le 06/02/2006 à 15:53 TU

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