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Mauritanie

Un nouveau Premier ministre et des islamistes libérés

Des Mauritaniens saluent la libération de prisonniers islamistes devant la prison de Nouakchott.(Photo: AFP)
Des Mauritaniens saluent la libération de prisonniers islamistes devant la prison de Nouakchott.
(Photo: AFP)
Le nouvel homme fort du pouvoir mauritanien, le colonel Ely ould Mohamed Vall, a nommé son Premier ministre : l’ancien ambassadeur de Mauritanie à Paris, Sidi Mohamed ould Bakar. La nomination de ce proche du président déchu devrait rassurer tous les partisans de l’ancien régime. Autre geste très attendu des militaires arrivés au pouvoir mercredi dernier par un coup d’Etat, la libération de 21 islamistes incarcérés depuis mai dernier pour appartenance à une organisation terroriste.

De notre correspondante à Nouakchott

Manifestement les nouveaux dirigeants sont décidés à ne pas bousculer le système déchu. Ils viennent de donner le ton avec la nomination de leur nouveau Premier ministre, un francophone, ambassadeur à Paris, et surtout proche du président écarté Maaouya ould Taya.

Sidi Mohamed ould Bakar n’était pas moins que le Premier ministre de Maaouya ould Taya en 1992 et ensuite le secrétaire général du PRDS –Parti républicain démocratique et social, l’ancien parti présidentiel. Son arrivée à la primature devrait rassurer beaucoup de partisans de l’ancien régime.  Elle montre aussi que le pouvoir actuel n’a pas l’intention de bannir les proches de Ould Taya, ce qui inquiète tout ceux qui aspirent à un vrai changement d’homme et de méthode. « Il n’est là que pour satisfaire la mafia du PRDS mais pas pour le peuple », s’indigne un opposant, déçu par le choix des militaires.

Perçu comme un homme intègre et consensuel, le nouveau Premier ministre mauritanien est un technocrate, administrateur, économiste. « Il connaît les rouages du système et pourra se mettre au travail tout de suite », dit-on dans son entourage.

Conformément aux dispositions annoncées par la junte (le Conseil militaire pour la justice et la démocratie), il ne pourra pas se présenter aux présidentielles qui suivront la période de transition. Des élections qui auront lieu d’ici deux ans maximum, juste après le référendum constitutionnel relatif au mandat présidentiel. Les militaires prévoient déjà qu’il ne soit renouvelable qu’une seule fois. Ils entendent aussi introduire une disposition juridique pour que le futur président ne puisse pas changer la constitution à son avantage. De belles promesses qui semblent rassurer pour l’instant l’ensemble des partenaires nationaux et internationaux.

La libération de 21 militants islamistes

Autre décision de la junte : la libération d’islamistes détenus à la prison de Nouakchott. Depuis trois jours une rumeur persistante faisait état de la libération des détenus politiques et les familles et militants attendaient, massés devant la prison, impatients, inquiets, banderoles et photos à la main. 21 islamistes, sur la cinquantaine emprisonnée, ont finalement été libérés. Ils étaient incarcérés depuis mai dernier, accusés d’appartenir à une organisation non autorisée, d’être des chefs terroristes ou encore de propager la violence dans les mosquées.

« Je suis fatigué mais je suis content, très content, le changement est une bonne chose », déclare avec difficulté Moctar ould Mohamed Moussa, un ancien ambassadeur libéré hier matin de la prison civile de Nouakchott. Personnalité reconnue de la mouvance islamiste, il est assailli par la foule et a du mal à se déplacer.

A quelques mètres de lui, le chef spirituel ould Dedew peine aussi à tenir debout, bousculé de gauche à droite par ses disciples. « Cette libération est une étape très encourageante. Nous allons enfin retrouver nos amis qui ont été humiliés, torturés, dépourvus de leur droit de créer un parti politique », se réjouit un des militants.

Pour leurs avocats, c’est une victoire, un geste logique. « Leur libération est justifiée car leur incarcération n’était justement pas justifiée. Le problème de ce dossier est éminemment politique, toutes les procédures ont été violées. Le dossier judiciaire est inexistant il n’y a aucun fait matériel qui leur ait reproché », assure Maître Yarba ould Ahmed Saleh.

Mais ce geste très populaire ne suffit pas. Des voix s’élèvent depuis le coup d’Etat pour demander aussi la libération des 32 militaires putschistes condamnés en février dernier pour avoir tenté, eux aussi, de renverser Maaouya ould Taya le 8 juin 2003. « C’est grâce à eux, grâce aux putschistes que les islamistes ont été libérés. Ce sont les putschistes qui ont ouvert la route, balisé la voie du changement et accéléré le coup d’Etat de mercredi dernier », assure la présidente du collectif des familles Fatou mint El Kory.

Les familles sont déterminées à camper devant la prison tant que leurs hommes ne seront pas sortis. D’autres réclament au Conseil militaire au pouvoir, beaucoup plus que les libérations. « On demande un changement profond, nous ne voulons pas que les têtes changent mais que le système reste le même », assure un militant.


par Marie-Pierre  Olphand

Article publié le 08/08/2005 Dernière mise à jour le 08/08/2005 à 15:20 TU