Mauritanie
Changement dans la continuité
(photo : AFP)
Après un moment de liesse populaire, saluant hier l’éviction de Maaouiya, les Mauritaniens ont renoué avec leur routine quotidienne. Le Conseil militaire n’a même pas jugé utile de décréter un couvre-feu ou de prendre des mesures de contrôle spéciales. Visiblement, ce putsch en forme de révolution de palais n’a guère plus exigé qu’un ménage rapidement expédié. Il n’a fait ni morts ni blessés. Mais le chef d'état-major des armées, le colonel El Arbi Ould Sidi Ali, le commandant de la garde nationale, le colonel Ainina Ould Eyih et le commandant des parachutistes, le colonel Mohammed Ould Fayda, auraient été mis aux arrêts. Le putsh a été rondement mené. Pour sa part, le colonel Ely Ould Mohammed Vall n’était pas sans expérience en la matière. En décembre 1984, il avait aidé Ould Taya à déposer l’ancien président Mohammed Khouna Ould Haidallah. Depuis 1987, il servait le régime Ould Taya, comme chef de la police et du renseignement.
Au moins deux ans de transition militaire
Sur la liste des membres du Conseil militaire publiée par la junte, figurent notamment le chef d'Etat-major adjoint de l'armée, le colonel Abderrahmane Ould Boubacar, ou encore l’ancien aide de camp d’Ould Taya, le colonel Mohamed Ould Abdi, mais surtout le chef de la sécurité présidentielle, le colonel Mohamed Abdel Aziz, cousin du chef de la junte et patron de l'unité d'élite qui semble avoir été la cheville ouvrière du coup d'Etat. Bien renseignée et fortement motivée, l’équipe de colonels a joué sa partition sur un plan strictement militaire. Diffusé le 3 août, son premier communiqué ne s’étend d’ailleurs pas sur les «pratiques totalitaires du régime déchu dont notre peuple a tant souffert ces dernières années». Il est également très laconique sur «les conditions favorables d'un jeu démocratique ouvert et transparent» que la junte s’engage à instaurer au cours «d'une période de deux ans, jugée indispensable pour la préparation et la mise en place de véritables institutions démocratiques». En attendant, un régime militaire succède à un autre, voire à lui-même, moyennant un léger nettoyage, stigmatisant au passage, manu militari, l’impossible alternance par les urnes.
«La situation avait atteint un point tel qu'un changement était nécessaire», estime l’ancien président Mohamed Khouna Ould Haidalla, lui aussi déchu après avoir connu les charmes d’une précédente junte militaire. «Je suis sûr que tout changement sera bien accueilli par la population», ajoute-t-il. «Dans cette situation de crise, un changement de régime était inévitable. Mais nous aurions souhaité que cela se fasse de manière démocratique et contrôlée, avec tous les partis concernés», glisse le président de l'Alliance populaire progressive Messaoud Ould Boulkheir. Apparemment, le putsch n’a pas fait de dégâts collatéraux dans la société civile ou l’opposition. Celles-ci n’avaient effectivement aucune raison de s’opposer à la déposition d’Ould Taya et ne constituaient pas du tout le cœur de cible de la junte. Reste à voir si les lendemains chanteront.
Maintien du cap diplomatique
Le nouveau pilote du pétrolier mauritanien s’est empressé de promettre qu’il ne changerait pas de cap diplomatique. Et cela dès son premier communiqué, hier. Le même jour, le Royaume-Uni, qui assure actuellement la présidence tournante de l’Union européenne (UE), a relevé le coup d’Etat d’un prudent wait and see. «Londres suit attentivement les récents événements survenus dans la République islamique de Mauritanie et condamne toute tentative de prise de pouvoir par la force», indiquait un communiqué du Foreign Office. La France aussi «rappelle sa position de principe, qui condamne toute prise de pouvoir par la force et appelle au respect de la démocratie et du cadre institutionnel légal». Israël de son côté attend de savoir si le communiqué rassurant de la junte concerne aussi bien ses relations avec Nouakchott. Celles-ci échauffent en effet régulièrement les esprits mauritaniens. Mais tout porte à croire que la junte à d’autres chats à fouetter.
De l’Union africaine au Canada, en passant par la Belgique, les communiqués se suivent et les condamnations de principe se ressemblent. Seuls les Etats-Unis appellent «au rétablissement pacifique de l'ordre dans le respect de la constitution et du gouvernement établi du président Taya», leur indéfectible allié dans la lutte contre le terrorisme islamiste. Pour sa part, au Caire, la Ligue arabe a renvoyé à plus tard ses commentaires sur un coup d’Etat qui reste à «consolider». La junte va en effet devoir donner des gages, en particulier, pour éviter de ralentir la course à l’or noir qui devrait porter ses premiers fruits l’année prochaine, avec ou sans Ould Taya, toujours réfugié à Nyamey, jeudi après-midi.
par Monique Mas
Article publié le 04/08/2005 Dernière mise à jour le 04/08/2005 à 15:58 TU