Mauritanie
Vent d’espoir après la destitution de Maaouya ould Taya
(Photo : AFP)
De notre correspondante à Nouakchott
«On est joyeux, on veut que la France et le monde moderne sachent que les Mauritaniens sont libres aujourd’hui. Avant on avait peur. On devait soit être du coté du pouvoir, soit dans l’opposition opprimée, on n’avait pas le choix», hurlent les manifestants. L’excitation est à son comble, les voitures s’emballent et dérapent sur les contre-allées de sable. Entassés à l’arrière des pick-up, ou penchés à la fenêtre, des jeunes brandissent le drapeau national jaune et vert, d’autres ont placardé sur toutes les portières la photo d’Ely ould Mohamed Vall, le nouvel homme fort du pouvoir.
Les habitants et en particulier les proches de la nouvelle équipe aux commandes ont manifestement préféré attendre 48h pour se montrer, «la situation n’était pas claire», disent-ils. Manifestation organisée ou défilé spontané ? La question est posée, d’autant que les Mauritaniens n’ont pas l’habitude de descendre dans la rue librement pour s’exprimer. L’agence de presse officielle a largement fait état de ce qu’elle qualifie de manifestation «monstre et spontanée», rapportant que «les manifestants ont formulé le vœu fervent de rompre, à tout jamais, avec l'hypocrisie».
«Papa est parti, c’est déjà ça, après on verra»
Il y a seulement deux jours, personne n’aurait osé critiquer aussi fort le président déchu. Aucune grande marche de soutien à Maaouya ould Taya n’a été organisée, seuls quelques dizaines de manifestants s’agitaient hier soir pour demander le retour du président. «Nous sommes avec la démocratie de Maaouya. On ne veut pas du pouvoir militaire, on est contre les coups d’Etat ce n’est pas le moment, on est au XXIe siècle, on ne veut pas de démocratie sous les armes ni sous les chars». Loin de la rue, il y a aussi tous ceux qui ne cautionnent pas encore les nouveaux dirigeants, qui se doivent de garder une certaine réserve en public, mais qui en privé, expriment leur joie de voir un nouvel homme occuper le fauteuil présidentiel. «Papa est parti, c’est déjà ça, après on verra», raconte un jeune cadre mauritanien, un grand sourire aux lèvres.
Au niveau national, le nouveau maître du pays jouit du bénéfice du doute et récolte l’optimisme semé par le départ de celui qu’on appelait aussi «Le Monsieur» pour ne pas le nommer. Plusieurs leaders de l’opposition réfractaires à toute prise du pouvoir par la force, il y a quelques jours encore, se félicitent du départ de Maaouya ould Taya et veulent croire aux bonnes intentions des militaires. Certains ont fait part de leur disponibilité pour travailler à leur côté, et on sent que de nouveaux intérêts guident les communiqués de presse publiés par les partis politiques.
Manifestement le conseil militaire a su retourner rapidement la situation à son avantage auprès de la communauté internationale. Si l’Union africaine a décidé d’exclure temporairement la Mauritanie, et si les Etats-Unis ont demandé le retour de Maaouya ould Taya, la réaction des pays étrangers est globalement plutôt mesurée, certains étant visiblement rassurés par le calme qui a régné durant le coup de force. La plupart des chancelleries ont demandé le retour à la légalité constitutionnelle sans condamner avec plus d’insistance. Les ambassadeurs ont accepté d’être reçus par Ely ould Mohamed Vall, et on perçoit déjà la volonté de regarder vers l’avenir. «Le putsch semble être consommé, il faut maintenant travailler pour un retour à la démocratie» déclarait hier soir le président sénégalais Abdoulaye Wade.
par Marie-Pierre Olphand
Article publié le 05/08/2005 Dernière mise à jour le 05/08/2005 à 15:41 TU