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Mauritanie

17 peines capitales requises

Dix-sept personnes risquent la peine de mort pour la tentative de coup d'Etat contre le régime du président mauritien Maaouiya Ould Taya (Photo).(Photo : AFP)
Dix-sept personnes risquent la peine de mort pour la tentative de coup d'Etat contre le régime du président mauritien Maaouiya Ould Taya (Photo).
(Photo : AFP)
Dix-sept peines capitales ont été demandées hier soir par le procureur de la République du Trarza, à l'encontre des présumés putschistes jugés en Mauritanie depuis un mois et demi pour la tentative de coup d’Etat du 8 juin 2003 et deux complots en août et septembre dernier. Parmi eux Saleh ould Hannena et Abderahmane ould Mini les deux leaders qui avaient plaidé coupables à la barre ainsi qu’un conseiller du président burkinabé Blaise Compaoré accusé de leur avoir prêté main forte lors de leur fuite au Burkina Faso. Quarante-neuf peines de travaux forcés à perpétuité ont également été demandées au terme d’un réquisitoire qui aura duré plus de 7 heures.
De notre correspondante à Nouakchott

Des hurlements, des pleurs, les femmes du public de la salle d’audience n’ont pas su garder leur calme à l’annonce du sévère réquisitoire annoncé par le procureur de la République du Trarza, après deux très longues journées de suspension de séances à répétition. Certaines ont dû être évacuées de la salle par des hommes casqués assurant la sécurité des lieux. Les détenus sont restés tranquilles, incitant leur famille à faire de même puisqu’il ne s’agit que d’un réquisitoire.

Pourtant la peine capitale a été requise à l’encontre de 8 d’entre eux. Dans le lot, deux des leaders présumés arrêtés cet automne après plusieurs mois de fuite, l’ex-commandant Saleh ould Hannena et le capitaine Abderahmane ould Mini. Ils avaient été les seuls à plaider coupable parmi les 176 qui sont passés à la barre assumant toute la responsabilité du coup d’Etat manqué du 8 juin 2003.  Neuf autres militaires et civils ont également été mis dans le même «panier» par le procureur, qui a requis contre eux la peine de mort par contumace. Il s’agit d’autres chefs présumés qui sont toujours en fuite et également du conseiller du président Blaise Compaoré, Mustapha ould Limam Chavi, accusé d’avoir acheté des armes pour le compte des putschistes mauritaniens, et de les avoir aidés matériellement et financièrement pendant leur séjour au Burkina Faso.

Le procureur a requis également 49 peines de travaux forcés à perpétuité dont 11 par contumace, 65 peines de travaux forcés entre 10 et 20 ans, 22 peines de 10 ans de prison, notamment à l’encontre d’Ely ould Sneiba, porte-parole de l’Alliance patriotique, un mouvement d’opposition civile créé en juin dernier à l’étranger et qui avait apporté son soutien aux putschistes en fuite. 18 peines de 5 ans de prison ont également été requises. Parmi les accusés concernés figurent trois leaders de l’opposition, Ahmed ould Daddah, président du Rassemblement des forces démocratiques, Mohamed Khouna ould Haidalla, ancien chef de l’Etat et Cheikh ould Horma, président du Parti de la convergence démocratique interdit par les autorités. Ils sont accusés d’avoir financés les militaires mais ont toujours nié toute implication dans ce dossier.

Un réquisitoire «sévère et incohérent»

La défense dénonce un réquisitoire sévère et incohérent. «Le parquet n’a pas apporté de preuves, le procureur s’est contenté de lire les procès verbaux contestés par les détenus parce qu’obtenus sous la torture. Il n’y a même pas eu de demande de relaxe alors que 195 personnes sont jugées dans cette affaire», s’est indigné Maître Brahim ould Ebetty.

Le procureur a versé plusieurs éléments au dossier en guise de preuves, notamment une cassette vidéo des cavaliers du changement, le mouvement armé formé par les putschistes en fuite, et un discours de leur leader Saleh ould Hannena, destiné à être lu à la radio, retrouvé avec lui lors son arrestation début octobre. Sa lecture, demandée par les avocats, a provoqué les applaudissements des prisonniers dans leur box. Les détenus ont d’ailleurs montré ces derniers jours qu’ils étaient proches des instigateurs du coup d’état manqué. Ils ont ovationné leurs leaders, lorsqu’ils se sont retrouvés pour la première fois tous ensemble dans le box des accusés, pour l’annonce du réquisitoire. Saleh ould Hannena a dirigé les premières prières, le jour de leurs retrouvailles. 

Selon une stratégie bien établie, tous les accusés ont pourtant nié en bloc avoir été putschistes, sauf leurs deux leaders qui ont assuré avoir œuvré pour «sauver la Mauritanie». Corruption, discrimination contre les négro africains, tribalisme, l’ancien commandant radié de l’armée en 2000 Ould Hannena à énuméré toutes les raisons qui l’ont conduit au 8 juin 2003. Le capitaine Ould Mini, a lui passé en revue les dysfonctionnements de l’armée, évoquant les épurations des militaires bassistes, en 88, le massacre des militaires négro-mauritaniens en 90-91 et la mauvaise gestion quotidienne. «Le militaire redoute la fin du mois, a-t-il expliqué, car il n’a pas de quoi payer ses dettes vu le maigre salaire qu’il reçoit, en moyenne 20 000 ouguiyas, soit environ 50 euros.»

Les interrogatoires n’ont pas permis d’élucider la mort du chef d’état-major de l’armée. Qui l’a tué et comment, personne n’a clairement posé la question aux accusés. Affirmant qu’il n’avait aucune intention de tuer quiconque, Saleh ould Hannena a parlé d’une « liquidation organisée par le régime ». Dans son réquisitoire, le procureur a fait porter la responsabilité de ce décès aux putschistes, assurant que l’un de leurs blindés avait tiré un obus de 100 mm à une distance de 25m, tuant le chef d’état-major de manière « barbare ».

Plus de 50 avocats doivent plaider à partir de lundi.

par Marie-Pierre  Olphand

Article publié le 06/01/2005 Dernière mise à jour le 06/01/2005 à 18:28 TU