Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Mauritanie

Ould Taya accuse Compaoré et Kadhafi

Après le coup d'Etat raté de juin 2003 des soldats loyalistes gardent la radio nationale à Nouakchott. 

		(Photo : AFP)
Après le coup d'Etat raté de juin 2003 des soldats loyalistes gardent la radio nationale à Nouakchott.
(Photo : AFP)
Le ministre mauritanien de l'Intérieur, Mohamed Ghali Ould Chérif Ahmed a déclaré mardi que «les services de sécurité et de renseignement ont réussi à mettre en échec un vaste plan de déstabilisation et de sabotage» prévoyant la «destruction de la présidence, des états-majors, des centres de communications, de l'aéroport et des centrales électriques» pour une tentative de «prise du pouvoir» dans laquelle les autorités mauritaniennes voient la main du Burkina Faso. Le ministre de l’Intérieur accuse en particulier le conseiller spécial du président Blaise Compaoré, Moustapha Limam Chafi, d'avoir «préparé et financé ces actes criminels» avec le concours financier de la Libye.

Le régime Ould Taya avait déjà lancé de semblables accusations contre le Burkina et la Libye, le 26 août dernier, en demandant à Ouagadougou de lui livrer neuf ressortissants mauritaniens dont «trois officiers supérieurs». Selon Nouakchott, ces derniers se seraient réfugiés au Burkina via le Mali et le Niger après avoir participé à une tentative de coup d’Etat dénoncée en Mauritanie le 9 août dernier et présentée comme la réédition d’un putsch raté en juin 2003. Leur cerveau présumé, le capitaine Abderahmane Ould Mini, aurait été arrêté le 25 septembre à Nouakchott, en même temps que plusieurs commanditaires supposés, parmi lesquels trois autres officiers. Selon les autorités policières mauritaniennes, Ould Mini serait revenu en Mauritanie avec de faux documents maliens, en compagnie d’un complice, le commandant Saleh Ould Hanena. Mais ce dernier aurait échappé au coup de filet des services de sécurité qui revendiquent la saisie d’un stock d’armes important rassemblant des fusils d'assaut, des lance-roquettes et des munitions. Ces armes seraient d’origine soviétique pour la plupart. Elles auraient été «cachées dans une maison à Toujounine, dans la banlieue Est de Nouakchott et dans un camion malien transportant des marchandises».

«Les cavaliers du changement»

Selon Nouakchott, Ould Mini serait passé aux aveux. Certains de ses complices appartiendraient à un mouvement armé créé à l’étranger en septembre 2003 et baptisé «les cavaliers du changement». Le ministre de l’Intérieur mauritanien affirme que «les enquêtes ont pu démontrer que ce groupe était arrivé du Burkina Faso avec un appui matériel important de la Libye». Il relance la charge donnée le 25 septembre par son collègue porte-parole du gouvernement, Hamoud Ould Abdi, qui accusait le Burkina d’abriter deux camps d’entraînement où se seraient préparées des «opérations de sabotage et de terrorisme». Un groupe d’opposants mauritaniens serait basé dans la région de Pô, à quelque 150 kilomètres au sud de Ouagadougou. Un autre peloton de candidats-putschistes serait dans un camp accueillant toutes sortes de nationalités à Diebougou, à environ trois cents kilomètres au sud-ouest de la capitale du Burkina. Le ministre mauritanien évoque même l’existence d’une base d’entraînement dans la région de Bouaké, le fief de l’ancienne rébellion ivoirienne reconvertie en Forces nouvelles. Il accuse directement le président Compaoré, soulignant que «le régime du Burkina continue de nier son implication dans le complot subversif de déstabilisation de la Mauritanie malgré la présence sur son sol des putschistes qui ont fui la justice de leur pays».

En août, le Burkina et la Libye avaient déjà démenti toutes ces accusations. Cette fois, le ministre burkinabé de la Sécurité, Djibril Bassolé, dénonce une «grossière machination», motivée selon lui par «une volonté de nuire de la part de certaines puissances étrangères hostiles au Burkina Faso». Mais il ajoute aussi que ces malveillances «bénéficient du concours d'illustres Burkinabé». Il accuse nommément Me Hermann Yaméogo, figure historique de l’opposition au président Blaise Compaoré, qui serait allé «vendre des informations sur de prétendus camps d'entraînements de putschistes étrangers… à Nouakchott où il a été reçu le mercredi 22 septembre à la présidence». Hermann Yaméogo dément tout en bloc et s’insurge contre les tracas policiers dont lui-même et ses proches sont l’objet.

La presse nationale du Burkina renchérit en qualifiant le régime Ould Taya de «contesté, raciste et esclavagiste», plaidant en même temps le désintéressement humaniste de l’asile accordé de longue date par Ouagadougou aux réfugiés politiques de Mauritanie, parmi lesquels Moustapha Ould Limam Chaffi. De leur côté, les autorités du Burkina renvoient la balle de la polémique dans le camp de l’Union africaine (UA). Le ministre en charge de la sécurité au Burkina explique que son pays ne répondra plus aux accusations mauritaniennes et qu’il a saisi l’UA en lui demandant de créer une commission d’enquête ad hoc. Celle-ci pourrait également examiner les plaintes du Togo, qui reproche au Burkina d’abriter certains opposants, mais aussi celles de la Côte d’Ivoire où les soupçons de collusion entre le président burkinabé et les auteurs de la tentative de putsch de septembre 2002 restent entier. A l’instar du pouvoir mauritanien, la mouvance présidentielle ivoirienne dénonce en effet à nouveau aujourd’hui un complot du président burkinabé contre deux voisins qui entretiendraient de trop bonnes relations à son goût.



par Monique  Mas

Article publié le 29/09/2004 Dernière mise à jour le 08/10/2004 à 14:47 TU