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Mauritanie

Silence dans les rangs

Le président colonel Maaouiya Ould Taya ne fait pas de commentaire. 

		(Photo : AFP)
Le président colonel Maaouiya Ould Taya ne fait pas de commentaire.
(Photo : AFP)
Les autorités mauritaniennes restaient muettes mardi après que des «sources militaires» ont fait état, la veille, d’arrestations dans les rangs de l’armée, en réclamant l’anonymat, notamment auprès de l’agence France Presse (AFP). D’autres sources concordantes, contactées par RFI, évoquent aussi, les unes, un coup de filet du régime Ould Taya dans des milieux proches de l’opposition en exil, les autres une purge liée à la tentative de putsch avortée de juin 2003.

20 ou 27 personnes (selon les sources), essentiellement des militaires parmi lesquels des officiers, auraient été arrêtées lundi à Nouakchott, la capitale d’où le colonel président Maaouiya Ould Taya doit s’absenter en fin de semaine pour venir commémorer le débarquement allié du 15 août 1944, au large des côtes françaises de Provence. A-t-il voulu faire le ménage avant de s’éloigner ? Une «connexion intérieure» des putschistes manqués du 8 juin 2003 avait-elle effectivement préparé «un massacre tous azimuts dans la capitale afin de créer une anarchie généralisée pour ensuite prendre le pouvoir», comme l’assure aujourd’hui une source militaire anonyme de l’AFP ? Les autorités se refusent à tout commentaire. Mais elles ne démentent rien non plus. Et il est douteux que les «gorges profondes» issues de la grande muette mauritanienne parlent dans leur dos sans couverture. Elles distillent en tout cas beaucoup de détails pour justifier les présumées arrestations.

Parmi les détenus, qui seraient en cours d’interrogatoire dans un site militaire, reviennent les noms des colonels Mesgharou Ould Ghoueizi et Mohamed Ould Babahmed. Ils appartiendraient à la garde nationale et seraient apparentés aux hommes du 8 juin. Autres officiers cités : les commandants Dia Abderrahmane et Sidi Mohamed Ould Hamady de retour d'un stage en Espagne. «Ils espéraient mener à bien leur plan de déstabilisation, mais il a avorté au dernier moment», explique une voix off tandis qu’un deuxième classe affirme que l’armée a été consignée dans les casernes. Pour le reste, aucun remue-ménage particulier ne signale le moindre trouble sécuritaire, ni aux alentours de la présidence, ni ailleurs dans la capitale où les rues ne témoignaient pas plus mardi que lundi d’une agitation particulière. Reste le cousinage d’au moins un des présumés coupables avec ceux qui, en juin dernier, avaient, trente-six heures durant, tenu tête aux partisans du colonel Ould Taya.

Une affaire de famille entre clans

Depuis l’année dernière, 120 accusés croupissent sans jugement dans les prisons mauritaniennes où militaires et partisans d’un islam politique servent de repoussoir au régime pro-occidental et ami d’Israël du président Ould Taya. Lui-même est arrivé au pouvoir à la faveur d’un coup d’Etat, en décembre 1984. Depuis, d’annonces jamais vérifiées en échange de tirs dans les rues, il s’est souvent targué d’avoir balayé nombre de candidats putschistes, avant même qu’ils ne passent à l’acte. Cette fois, c’est une réunion prévue au quartier général lundi matin qui devait être l’occasion de prendre d’assaut la présidence. Du moins si l’on en croit les fameuses sources occultes qui évoquent aussi une sourde grogne provoquée par la très longue attente du procès des accusés du 8 juin 2003. Cette année là, le «cercle familial des mutins» avait déjà connu des limogeages dans la haute fonction publique et des «relèves» dans l’armée, touchant en particulier le clan de Salah Ould Hanana, cerveau présumé du coup d’Etat raté.

La présidentielle du 7 novembre 2003 avait, elle aussi, été l’occasion pour le président sortant, Maaouya Ould Taya, de régler quelques comptes avec son ancien prédécesseur, Mohamed Khouna Ould Haidalla, sorti de l’ombre où il l’avait relégué pour concourir à la magistrature suprême contre lui. Interpellé pour complicité dans une tentative de coup d’Etat à la veille de la réélection triomphale d’Ould Taya (66,69% des voix au premier tour), Haidalla avait finalement été condamné en décembre 2003 à une peine de 5 ans de prison avec sursis, 400 000 ouguiyas d’amende (environ 1 200 euros) et à 5 ans de privation de ses droits civiques et civiles. Le verdict, présenté comme «clément» avait des allures de mise en garde dans ce pays où le pouvoir est une affaire de famille qui se dispute entre clans.

Les dernières évocations de tentative de putsch s’inscrivent dans le prolongement de ce mode de gouvernement, à la fois feutré et musclé. Elles reprennent en tout cas les ingrédients militaires ou islamistes qui entrent dans la cuisine purgative en vigueur au palais de Nouakchott.



par Monique  Mas

Article publié le 10/08/2004 Dernière mise à jour le 10/08/2004 à 13:18 TU