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Mauritanie

Le général Ould Taya fait le ménage

Aucune thèse n’a été officiellement avancée sur les tenants et les aboutissants de la tentative de coup d’Etat militaire des 7 et 8 juin dernier. Son cerveau présumé, le commandant déchu Salah Ould Hanana, s’est évaporé. Restent les pistes que paraissent désigner les limogeages entrepris par le président Maaouya Ould Taya. Elles conduisent principalement vers le clan Ould Hanana et surtout vers l’armée. Au passage, le tohu bohu putschiste a contrarié les investisseurs pétroliers qui se préparaient à tirer leurs premiers barils d’or noir mauritanien.
«Il ne s’agit pas d’une action contre une tribu ou une famille donnée, mais de ramifications profondes du putsch qui pourraient logiquement toucher d’autres gens en plus du cercle familial des mutins», glisse-t-on dans les allées du pourvoir Ould Taya, pour expliquer officieusement le limogeage, le 15 juin, du président de la Cour suprême, Mahfoud Ould Lemrabott et de la secrétaire d’Etat chargée de la Condition féminine, Mintate Mind Hedeid, mais aussi celui, le 18 juin, du wali (gouverneur) de la capitale économique, Nouadhibou au nord-ouest du pays, Mohamed Ould R’Zeizimu. Tous trois sont apparentés au chef présumé du putsch raté et leur interrogatoire serait en cours. D’autres fonctionnaires subalternes sont inquiétés. Mais c’est surtout dans les rangs de l’armée que des relèves en forme de représailles signalent les inquiétudes de fond du pouvoir.

Comme les hauts-fonctionnaires civils, c’est sur décret présidentiel que le chef d’état-major de la Garde nationale, le colonel Wellad Ould Haimdoun a reçu un «poste de confiance» au Bureau des études et de la documentation (renseignements généraux) pour être remplacé, le 15 juin, par le colonel Aïnana Ould Eyih, un «pays» du président Ould Taya – ils sont tous deux des Nordistes de l’Adrar – qui dirigeait jusque là ses services de renseignement. Il pourra désormais remplir les mêmes fonctions, mais de manière plus rapprochée encore. Pour sa part, l’aide de camp présidentiel s’éloigne, à la tête de la troisième région militaire. En revanche, c’est clairement pour leur «inefficacité» que le chef d’état-major de la Gendarmerie nationale ou le directeur de la Marine nationale ont été évincés. Mais globalement, c’est à pas feutrés que le régime Ould Taya avance de nouveaux pions militaires dans le lacis clanique dont il est lui-même issu.

La piste du complot militaire est loin d’être épuisée. Celle de la menace islamiste non plus. 32 personnes inculpées de «complot contre l’ordre constitutionnel» attendent leur jugement. Le baasisme aussi est désormais non grata en Mauritanie qui a opté pour un parapluie aux couleurs des Etats-Unis et d’Israël. Pour sa part, l’Institut saoudien des études islamiques de Nouakchott avait été fermé la semaine de la tentative de putsch. Celui-ci a permis à quelques uns des quinze professeurs de l’établissement wahabite de s’échapper. Les autres pourront rejoindre l’Education nationale, selon le ministre de tutelle. Il promet aussi de recaser les 1200 élèves de l’Institut, loin de ce wahabisme de très mauvais aloi pour Nouakchott, bon élève de la lutte contre le terrorisme international. La campagne de «pacification» (selon la terminologie locale)progresse dans la République islamique de Mauritanie. L’émir du Qatar, Hamad Ben Khalifa Al-Thani, a fait tout spécialement le déplacement à Nouakchott le 17 juin pour exprimer son «soutien à ce pays frère face à tout ce qui peut porter atteinte à sa sécurité et à sa stabilité, qui font partie de la sécurité et de la stabilité du monde arabe tout entier». Il est vrai que l’un des professeur de l’Institut, l’ancien maire d’une commune de Nouakchott, Arafat, s’est exprimé clandestinement sur le putsch, à la télévision qatariote Al-Jazira.

Le pétrole de Chinguetti

En toute logique légaliste, le concert des Nations africaines et européennes a applaudi l’échec du putsch. Le président sénégalais Abdoulaye Wade a été l’un des plus chaleureux avec son voisin mauritanien. Et si l’on en croit la presse sénégalaise, plus que quiconque, Dakar a très concrètement manifesté son amitié retrouvée avec Nouakchott, après le Maroc d’où était sorti le nom du putschiste présumé au moment même où les événements battaient leur plein. Un «mutin» égaré au Sénégal aurait été extradé. Certains amis de longue date sont également venus en personne. Le 13 juin, la ministre espagnole des Affaires étrangères s’est rendue auprès du président Ould Taya pour l’assurer de la «solidarité» de Madrid et lui rappeler qu’il est attendu en Espagne à la fin du mois. Le 17 juin, le chef de la diplomatie française, Dominique de Villepin a fait à son tour le voyage de Nouakchott pour, selon le Quai d’Orsay, «renforcer encore des relations anciennes et une coopération active» avec un pays qui «occupe une place particulière à la charnière du Maghreb arabe et de l’Afrique de l’Ouest». Une implantation stratégique qui n’est pas indifférente à la question pendante du Sahara occidental, mais aussi à d’autres sur l’échiquier international bousculé par le conflit du Moyen-Orient. Le président Ould Taya est également appelé à jouer un rôle dans le dialogue euro-méditerranéen.

L’Allemagne pour sa part a mis la main à la poche en signant le 17 juin un «accord de coopération financière» de 7,25 millions d’euros en faveur de l’agriculture et de la pêche. 4 millions d’euros sont destinés à la réhabilitation de petits barrages au sud-est du pays où les problèmes d’irrigation chassent la population. Le reste servira à des expertises maritimes mais surtout à la surveillance des ressources halieutiques de la Mauritanie. Sa longue côte atlantique est un réservoir inépuisable pour les pêcheurs du monde entier, une passoire pour les finances publiques et la pêche nationale. Outre cette ressource naturelle, la Mauritanie pourrait prochainement voir sortir les premiers barils de pétrole d’un gisement offshore découvert dans la région de Chinguetti en 2001. L’opérateur est une compagnie de production de gaz et de pétrole australienne, Woodside Petroleum Ltd. Selon ses premières estimations, le champ pétrolier de Chinguetti recèlerait plus de 140 millions de barils d’or noir. Un joint venture, entre Woodside et des compagnies américaine, italienne et indonésienne notamment, pourrait lancer une production de quelque 75 000 barils jours d’ici fin 2005, début 2006.

Les pétroliers ne sont pas encore certains que la production couvrira leur investissement de un milliard de dollars. La décision était attendue ce mois ci. La tentative de coup d’Etat l’aura peut-être bousculée. En tout cas, l’espace d’une journée, elle a fait plonger le cours en bourse des actions Woodside.



par Monique  Mas

Article publié le 19/06/2003 Dernière mise à jour le 18/06/2003 à 22:00 TU