Mauritanie
Le pouvoir donne le coup de grâce aux baasistes
Le Parti du renouveau national a été la cible la semaine dernière d’une vague d’arrestation qui a frappé ses principaux dirigeants. Le siège du parti à Nouakchott a également été fermé. Les autorités mauritaniennes accusent cette formation, qui défend les thèses du nationalisme arabe, d’«activités politiques illégales». Ces arrestations interviennent à quelques mois de l’élection présidentielle prévue le 7 novembre prochain. Elles sont surtout un gage donné aux Etats-Unis de l’alignement du régime sur la diplomatie américaine. Nouakchott, qui avait pourtant soutenu le régime de Saddam Hussein durant la guerre du Golfe de 1991, a brusquement changé son fusil d’épaule. La Mauritanie, qui a ouvert une ambassade à Tel Aviv en octobre 1999, a en effet rompu le jour même ses relations diplomatique avec l’Irak.
Les militants baasistes mauritaniens ne représentent plus depuis belle lurette un quelconque danger pour le régime du général Maaouya Sid Ahmed Ould Taya. Pourtant la vague d’arrestations qui a frappé les membres du Parti du renouveau national (PNR), une formation proche du parti Baas irakien, aurait pu le laisser penser. En quarante-huit heures, quinze de ses principaux militants, dont son secrétaire général, ont en effet été interpellés. Les locaux du parti à Nouakchott ont également été définitivement fermés par la police samedi matin. Officiellement le pouvoir mauritanien accuse le PRN d’«activités politiques illégales en violation de la Constitution et de la loi sur les partis politiques». Les militants arrêtés risquent, dans ce contexte, entre deux et trois ans de prison. Le PRN a violemment rejeté les accusations portées contre ces militants, les qualifiant de mensongères. Selon un responsable de ce parti créé en août 2001 après que l’ancienne formation baasiste, le Parti de l’avant-garde nationale, eût été dissoute en 1999, le PRN est «bel et bien légal puisqu’il possède une personnalité morale et juridique et qu’il exerce depuis près de deux ans ses activités». «Nous avions toujours informé, comme le stipule la loi, les autorités des activités de notre parti et tenu publiquement deux congrès», a-t-il également précisé.
Ces arrestations de militants baasistes, qui interviennent à six mois de l’élection présidentielle, sont à la fois importantes et anecdotiques, estiment de nombreux observateurs. Elle sont importantes car elle frappent les principaux dirigeants de cette formation politique qui ont été interpellés sans mandat et maintenus dans un isolement complet. A cet égard, elles constituent donc une énième violation des droits de l’homme en Mauritanie. Elles sont également anecdotiques dans la mesure où le PNR est un parti politique qui ne représente pas de danger réel pour le pouvoir en place. Et dans ce contexte, l’interpellation de ces militants apparaît plus comme un message de soutien fort aux Etats-Unis, qui viennent contre l’avis de la communauté internationale de mener une guerre contre l’Irak. Le PNR, qui défend les thèses du nationalisme arabe et dont certains militants n’ont jamais caché s’inspirer du parti Baas irakien, était à ce titre une cible privilégiée du régime mauritanien. Certains de ces membres ont certes nié «toute connivence et toute relation politique ou juridique» avec le régime déchu de Saddam Hussein. Mais le pouvoir mauritanien ne semble pas vouloir abandonner une occasion rêvée de se débarrasser d’une formation politique très critique sur notamment les liens privilégiés qu’entretient Nouakchott avec l’Etat israélien.
Un tournant décisif en 1991
Le paysage politique mauritanien a, bien avant l’indépendance, été traversé par des courants nationalistes arabes, parmi lesquels un mouvement nassérien et un mouvement baasiste. Ce dernier a longtemps tiré son principal soutien financier du régime de Saddam Hussein. Ces militants sont pour la plupart issus de la communauté des Maures blancs ou Beidanes. Ils se distinguent par un discours socialiste, nationaliste arabe et laïc et à ce titre prônent une arabisation totale et l’assimilation des communautés négro-africaines de Mauritanie. Lors des émeutes raciales de 1989, ils ont largement apporté leur soutien au pouvoir qui a réprimé aveuglément les populations noires. Mais si les différents pouvoirs militaires qui se sont succédé de 1978 à 1991 se sont largement appuyés sur les baasistes mauritaniens, ils n’ont pas hésité à les réprimer lorsque leur ascendant devenait un peu trop important à leurs yeux. Ainsi en 1986, deux ans après son arrivée au pouvoir avec le concours des baasistes, le président Ould Taya ordonne une vague d’arrestations et de répressions au sein du Parti de l’avant-garde nationale (Attalya). Les militants baasistes sont à cette occasion expulsés de l’armée qui subit une purge importante. En 1989 et alors que les nationalistes arabes lui apportaient leur soutien lors des graves émeutes raciales, le président mauritanien lance également une nouvelle vague de répressions contre les militants baasistes.
Ces relations pour le moins conflictuelles entre le pouvoir et les nationalistes arabes n’empêcheront pas le gouvernement mauritanien de soutenir fermement le régime de Saddam Hussein lors de la guerre du Golfe de 1991. Une position qu’il regrettera amèrement avant de changer d’avis et de devenir un ardent détracteur du pouvoir irakien. La défaite du régime de Bagdad en 1991 donnera également un coup fatal aux baasistes mauritaniens puisque le soutien financier sur lequel ils ont compté des années durant va se tarir. Lassés par les différentes vagues de répressions dont ils ont été victimes, les militants vont peu à peu quitter le parti. Mais le coup de grâce interviendra en 1999 lorsque le pouvoir dissout le Parti de l’avant-garde nationale, le jour même où il rompt ses relations avec l’Irak qu’il accuse d’une prétendue tentative de coup d’Etat pour laquelle personne n’a jamais été arrêté. Durant la même période, la Mauritanie devient le troisième pays de la Ligue arabe, après l’Egypte et la Jordanie, à normaliser ses relations avec l’Etat d’Israël.
A six mois de l’élection présidentielle, cette nouvelle vague d’arrestations qui frappe des militants baasistes regroupés au sein du Parti du renouveau national apparaît donc comme un gage de soutien à la politique américaine au Proche-Orient. Le président Ould Taya qui a choisi depuis 1991 de se rapprocher de l’axe Washington-Tel Aviv espère en échange l’appui des Américains lors de ce rendez-vous électoral. La Mauritanie faisait déjà parti de ses pays qui ont appuyé discrètement les Etats-Unis dans leur détermination à renverser le régime de Saddam Hussein. Nouakchott avait ainsi symboliquement envoyé auprès des troupes américaines dans le Golfe tous ses officiers de transmission qui avaient été formés en Irak. En ordonnant aujourd’hui l’interdiction du PRN, les autorités mauritaniennes donnent non seulement le coup de grâce aux baasistes mais se placent dans les petits papiers de Washington.
Ces arrestations de militants baasistes, qui interviennent à six mois de l’élection présidentielle, sont à la fois importantes et anecdotiques, estiment de nombreux observateurs. Elle sont importantes car elle frappent les principaux dirigeants de cette formation politique qui ont été interpellés sans mandat et maintenus dans un isolement complet. A cet égard, elles constituent donc une énième violation des droits de l’homme en Mauritanie. Elles sont également anecdotiques dans la mesure où le PNR est un parti politique qui ne représente pas de danger réel pour le pouvoir en place. Et dans ce contexte, l’interpellation de ces militants apparaît plus comme un message de soutien fort aux Etats-Unis, qui viennent contre l’avis de la communauté internationale de mener une guerre contre l’Irak. Le PNR, qui défend les thèses du nationalisme arabe et dont certains militants n’ont jamais caché s’inspirer du parti Baas irakien, était à ce titre une cible privilégiée du régime mauritanien. Certains de ces membres ont certes nié «toute connivence et toute relation politique ou juridique» avec le régime déchu de Saddam Hussein. Mais le pouvoir mauritanien ne semble pas vouloir abandonner une occasion rêvée de se débarrasser d’une formation politique très critique sur notamment les liens privilégiés qu’entretient Nouakchott avec l’Etat israélien.
Un tournant décisif en 1991
Le paysage politique mauritanien a, bien avant l’indépendance, été traversé par des courants nationalistes arabes, parmi lesquels un mouvement nassérien et un mouvement baasiste. Ce dernier a longtemps tiré son principal soutien financier du régime de Saddam Hussein. Ces militants sont pour la plupart issus de la communauté des Maures blancs ou Beidanes. Ils se distinguent par un discours socialiste, nationaliste arabe et laïc et à ce titre prônent une arabisation totale et l’assimilation des communautés négro-africaines de Mauritanie. Lors des émeutes raciales de 1989, ils ont largement apporté leur soutien au pouvoir qui a réprimé aveuglément les populations noires. Mais si les différents pouvoirs militaires qui se sont succédé de 1978 à 1991 se sont largement appuyés sur les baasistes mauritaniens, ils n’ont pas hésité à les réprimer lorsque leur ascendant devenait un peu trop important à leurs yeux. Ainsi en 1986, deux ans après son arrivée au pouvoir avec le concours des baasistes, le président Ould Taya ordonne une vague d’arrestations et de répressions au sein du Parti de l’avant-garde nationale (Attalya). Les militants baasistes sont à cette occasion expulsés de l’armée qui subit une purge importante. En 1989 et alors que les nationalistes arabes lui apportaient leur soutien lors des graves émeutes raciales, le président mauritanien lance également une nouvelle vague de répressions contre les militants baasistes.
Ces relations pour le moins conflictuelles entre le pouvoir et les nationalistes arabes n’empêcheront pas le gouvernement mauritanien de soutenir fermement le régime de Saddam Hussein lors de la guerre du Golfe de 1991. Une position qu’il regrettera amèrement avant de changer d’avis et de devenir un ardent détracteur du pouvoir irakien. La défaite du régime de Bagdad en 1991 donnera également un coup fatal aux baasistes mauritaniens puisque le soutien financier sur lequel ils ont compté des années durant va se tarir. Lassés par les différentes vagues de répressions dont ils ont été victimes, les militants vont peu à peu quitter le parti. Mais le coup de grâce interviendra en 1999 lorsque le pouvoir dissout le Parti de l’avant-garde nationale, le jour même où il rompt ses relations avec l’Irak qu’il accuse d’une prétendue tentative de coup d’Etat pour laquelle personne n’a jamais été arrêté. Durant la même période, la Mauritanie devient le troisième pays de la Ligue arabe, après l’Egypte et la Jordanie, à normaliser ses relations avec l’Etat d’Israël.
A six mois de l’élection présidentielle, cette nouvelle vague d’arrestations qui frappe des militants baasistes regroupés au sein du Parti du renouveau national apparaît donc comme un gage de soutien à la politique américaine au Proche-Orient. Le président Ould Taya qui a choisi depuis 1991 de se rapprocher de l’axe Washington-Tel Aviv espère en échange l’appui des Américains lors de ce rendez-vous électoral. La Mauritanie faisait déjà parti de ses pays qui ont appuyé discrètement les Etats-Unis dans leur détermination à renverser le régime de Saddam Hussein. Nouakchott avait ainsi symboliquement envoyé auprès des troupes américaines dans le Golfe tous ses officiers de transmission qui avaient été formés en Irak. En ordonnant aujourd’hui l’interdiction du PRN, les autorités mauritaniennes donnent non seulement le coup de grâce aux baasistes mais se placent dans les petits papiers de Washington.
par Mounia Daoudi
Article publié le 05/05/2003