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Mauritanie

Elections sur fond de détente politique

Les Mauritaniens choisissent leurs députés et leurs conseillers municipaux, ce vendredi, à l'occasion des élections les plus ouvertes, depuis l'introduction du multipartisme. Abandonnant sa stratégie de boycott l'opposition a, en effet, choisi d'y participer, après avoir obtenu des concessions du pouvoir.
Un peu plus d'un million d'électeurs mauritaniens se rendent aux urnes, ce vendredi, pour des législatives et municipales test pour le pouvoir comme pour l'opposition. Après avoir boycotté la plupart des échéances électorales qui ont suivi la présidentielle de 1992, les principaux adversaires du parti au pouvoir ont, en effet, décidé d'entrer dans la course.

Par certains côtés, ce changement de stratégie est historique. Face à la rigidité du camp du président Ould Taya peu enclin à céder aux exigences de transparence électorale, l'opposition dite «radicale» campait sur ses positions. Et la dissolution de l'Union des forces démocratiques (UFD)-Ere nouvelle, de l'opposant historique Ahmed Ould Dada, en octobre 2000, pour «incitation à la violence», comme l'arrestation du leader du Front populaire (FP), écroué depuis avril 2001, ne semblaient guère propice à un apaisement.

Détente politique

Des négociations, menées notamment par le truchement de l'Union des forces du progrès (UFP), un petit parti né d'une scission avec l'UFD, ont permis toutefois d'aboutir à un compromis. Si elle n'a pas eu gain de cause sur sa vielle revendication en faveur d'une Commission nationale électorale indépendante (CENI), l'opposition à obtenu des concessions, notamment sur l'obtention des procès verbaux des résultats dans le bureaux de vote et la publication des listes électorales, consultables depuis peu sur Internet. Le gouvernement a également créé une carte d'identité infalsifiable. «Les autorités ont par ailleurs accepté que le vote des militaires ne se fasse plus dans les casernes. Avant c'était le cas et personne ne savait ce qui s'y passait», nous a expliqué Gourmo Lô, délégué extérieur de l'UFP.

Le climat semble donc à une certaine détente. Durant la campagne, la télévision et la radio, étroitement contrôlées par l'Etat, ont fait une place plus large qu'à l'habitude aux représentants de l'opposition et à des questions taboues comme celles de l'esclavage, officiellement aboli mais dont les défenseurs des droits de l'homme dénoncent la persistance. Le leader d'Action pour le changement (AC), Messaoud Ould Boulkheir, qui défend la cause des harratines (négro-mauritaniens) parle ainsi d'un «exercice sur la voie de la pratique démocratique».

L'opposition n'entend pas pour autant offrir un blanc-seing au pouvoir. D'autant que le ministère de l'Intérieur conserve toujours la haute main sur l'organisation du vote. «Nous allons vérifier la sincérité du pouvoir à assurer une élection libre et transparente», a déclaré Ahmed Ould Daddah lors d'un meeting du Rassemblement des forces du progrès (RFD), un nouveau parti créé après l'interdiction de l'UFD-Ere nouvelle).

Les deux scrutins de ce vendredi sont une première occasion de mesurer le poids réel de chacun. Au PRDS, qui domine jusqu'ici outrageusement la vie politique, on table déjà sur une victoire «éclatante», en mettant notamment en avant la bonne tenue de la croissance économique, qui a atteint 5,5% cette année. L'opposition compte, quant elle, au moins sur une percée, même si elle espère parvenir à l'alternance qu'elle a toujours réclamée. Elle entend convaincre les laissés pour comptes des réformes économiques menées sous l'égide du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale.

Les adversaires du régime ont, en outre, trouvé un argument de choix, avec le soutien inconditionnel du régime aux frappes américaines contre l'Afghanistan. Dans une république islamique dont la population est très sensible aux soubresauts du Proche-Orient et du monde musulman en général, les opposants n'ont pas manqué de dénoncer l'attitude du président Ould Taya, dont ils avaient déjà fustigé la décision récente de nouer des relations diplomatiques avec Israël. Les Mauritaniens en tiendront-ils effectivement compte comme l'assure Groumo Lô ? En tous cas, la poursuite de la détente politique amorcée dépendra largement du bon déroulement de ces législatives et municipales.



par Christophe  Champin

Article publié le 18/10/2001