Mauritanie
Un verdict mi-figue, mi-raisin
L’ancien chef de l’Etat Mohamed Khouna ould Haidalla a été condamné dimanche soir à 5 ans de prison avec sursis, 400 000 ouguiyas d’amende (environ 1200 euros) et à 5 ans de privation de ses droits civiques et civiles. Même sentence pour quatre de ses co-accusés: son porte-parole, son directeur de campagne, un de ses fils, et un homme d’affaires. Quatre autres détenus écopent de deux ans avec sursis et 200 000 ouguiyas d’amende, tandis que les six derniers accusés sont acquittés. Les 15 personnes libérées avaient été arrêtées au moment des élections présidentielles du 7 novembre et accusées d’avoir préparé une tentative de coup d’Etat. Au terme d’un procès épique d’un mois, en présence de 53 avocats, ce verdict de clémence illusoire est loin de satisfaire les intéressés.
De notre correspondante à Nouakchott.
Dans le vacarme et face à un public très dissipé il aura fallu plus d’une demi-heure au président de la cour pour rendre son verdict. Très entouré par la police, venue en renfort à la dernière minute, le public redoutait une lourde condamnation. Les avocats aussi se passaient le mot et préparaient les familles. Pour eux la longueur des délibérés, plus de cinq heures, n’augurait rien de bon. Alors à peine le mot «sursis» entendu, la foule a explosé de joie. Juchées sur les bancs, les femmes cachées derrière leurs voiles colorés ont fait résonner leurs youyous alors que les hommes, rassemblés dans une autre partie de la salle, agitaient leur bras en hurlant «Haidalla, Haidalla !».
Dans la cacophonie, les avocats massés autour des accusés à la barre ou encore debout sur des tables, ont tenté de suivre d’une oreille la fin du verdict mais en vain. La salle s’est vidée sans que la plupart des gens n’aient pu entendre la décision exacte du tribunal. La seule joie exprimée par les accusés montés à leur tour sur des chaises agitant leur turban devant la foule a suffi à libérer les familles, usées par un long procès de près d’un mois. Plus inattendu, des hommes en uniforme, probablement des militaires, n’ont pas retenu leurs cris de victoire, une fois montés à bord du bus blanc venu les récupérer à l’intérieur du tribunal.
Très vite pourtant, des petits groupes se sont formés dans la cour du palais de justice pour contester ce que certains appellent déjà une fausse clémence. Pour neuf des accusés effectivement, il y a condamnation avec sursis et pour cinq d’entre eux, Mohamed Khouna Haidalla, un de ses fils, son porte-parole, son directeur de campagne et un homme d’affaires, la peine est assortie d’une privation de leurs droits civiques et civiles durant cinq ans.
«Il faut un verdict clair, précis, on ne condamne pas à cinq ans avec sursis quelqu’un qui est accusé de tentative de coup d’Etat, ça n’a pas de sens», s’insurge Marième Mint Haba, fille d’un des hommes d’affaires libérés ce dimanche soir. Le médecin personnel du candidat Haidalla, est lui aussi déboussolé. «Je suis partagé entre l’amertume et la joie. Amertume parce que je vais dormir ce soir avec la certitude que je vis dans un pays où il n’y a pas de droit, pas de justice, parce que ces gens ont été condamnés. Même s’il y a un sursis, le mal est fait. La joie parce que j’aime beaucoup ces gens, et je ne voulais pas qu’ils passent une nuit supplémentaire en prison».
Aucune preuve convaincante
Du côté de la défense, le ton est le même. «C’est une sentence qui reflète davantage la situation politique de notre pays que le débat judiciaire. Le débat était très clair: ce dossier est vide, sa sanction devait être l’acquittement», déclare maître Diabira Maroufa, président du collectif d’avocats. Plus virulent, maître Brahim ould Ebetty, n’accepte pas cette décision. «Je suis foncièrement triste pour la justice de mon pays, on condamne sans fondement, sans preuve, c’est un règlement de comptes entre deux candidats, le président Maaouya ould Taya et Mohamed Khouna ould Haidalla. Il faut qu’on cesse avec ce genre de pratiques et avec l’instrumentalisation de la justice». En décalage avec les confrères qu’il encadrait, le bâtonnier Melainine ould Khalifa, exprime sa totale satisfaction. «C’est un procès équitable, il s’est déroulé dans de très bonnes conditions. Avec la nature de l’accusation, le nombre de prévenus, le nombre de confrères, son rythme a été tout a fait normal. Il montre que nous sommes dans un Etat de droit».
Comme le bâtonnier, certains font valoir que le verdict est beaucoup moins sévère que le réquisitoire du procureur qui demandait entre 10 et 20 ans de travaux forcés pour tous, mais la plupart répètent sans discontinuer, qu’aucune preuve n’a été fournie au cours du procès et qu’il s’agit d’une pure machination du pouvoir. Au cours de ce procès politique, devenu très vite le procès de la démocratie, aucune preuve tangible n’a été en tout cas été apportée par le parquet, si ce n’est un pot de peinture qui aurait servi à faire des graffitis, et quelques documents non authentifiés, qualifiés de tracts par la défense. La comparution de trois témoins de l’accusation, appelés «témoins de la rumeur» par les avocats, n’a pas permis d’attester d’une quelconque implication d’un des accusés dans une tentative présumée de coup d’Etat.
Aujourd’hui Mohamed Khouna ould Haidalla se dit déçu même s’il affichait un grand sourire à sa libération. «Je considère que le jugement n’a pas reflété les débats des avocats, je m’attendais à une libération totale et je considère donc qu’il y a eu un défaut de justice», déclare-t-il. L’ancien chef de l’Etat, comme ses avocats, affirment leur intention de se pourvoir en cassation devant la cour suprême.
Dans le vacarme et face à un public très dissipé il aura fallu plus d’une demi-heure au président de la cour pour rendre son verdict. Très entouré par la police, venue en renfort à la dernière minute, le public redoutait une lourde condamnation. Les avocats aussi se passaient le mot et préparaient les familles. Pour eux la longueur des délibérés, plus de cinq heures, n’augurait rien de bon. Alors à peine le mot «sursis» entendu, la foule a explosé de joie. Juchées sur les bancs, les femmes cachées derrière leurs voiles colorés ont fait résonner leurs youyous alors que les hommes, rassemblés dans une autre partie de la salle, agitaient leur bras en hurlant «Haidalla, Haidalla !».
Dans la cacophonie, les avocats massés autour des accusés à la barre ou encore debout sur des tables, ont tenté de suivre d’une oreille la fin du verdict mais en vain. La salle s’est vidée sans que la plupart des gens n’aient pu entendre la décision exacte du tribunal. La seule joie exprimée par les accusés montés à leur tour sur des chaises agitant leur turban devant la foule a suffi à libérer les familles, usées par un long procès de près d’un mois. Plus inattendu, des hommes en uniforme, probablement des militaires, n’ont pas retenu leurs cris de victoire, une fois montés à bord du bus blanc venu les récupérer à l’intérieur du tribunal.
Très vite pourtant, des petits groupes se sont formés dans la cour du palais de justice pour contester ce que certains appellent déjà une fausse clémence. Pour neuf des accusés effectivement, il y a condamnation avec sursis et pour cinq d’entre eux, Mohamed Khouna Haidalla, un de ses fils, son porte-parole, son directeur de campagne et un homme d’affaires, la peine est assortie d’une privation de leurs droits civiques et civiles durant cinq ans.
«Il faut un verdict clair, précis, on ne condamne pas à cinq ans avec sursis quelqu’un qui est accusé de tentative de coup d’Etat, ça n’a pas de sens», s’insurge Marième Mint Haba, fille d’un des hommes d’affaires libérés ce dimanche soir. Le médecin personnel du candidat Haidalla, est lui aussi déboussolé. «Je suis partagé entre l’amertume et la joie. Amertume parce que je vais dormir ce soir avec la certitude que je vis dans un pays où il n’y a pas de droit, pas de justice, parce que ces gens ont été condamnés. Même s’il y a un sursis, le mal est fait. La joie parce que j’aime beaucoup ces gens, et je ne voulais pas qu’ils passent une nuit supplémentaire en prison».
Aucune preuve convaincante
Du côté de la défense, le ton est le même. «C’est une sentence qui reflète davantage la situation politique de notre pays que le débat judiciaire. Le débat était très clair: ce dossier est vide, sa sanction devait être l’acquittement», déclare maître Diabira Maroufa, président du collectif d’avocats. Plus virulent, maître Brahim ould Ebetty, n’accepte pas cette décision. «Je suis foncièrement triste pour la justice de mon pays, on condamne sans fondement, sans preuve, c’est un règlement de comptes entre deux candidats, le président Maaouya ould Taya et Mohamed Khouna ould Haidalla. Il faut qu’on cesse avec ce genre de pratiques et avec l’instrumentalisation de la justice». En décalage avec les confrères qu’il encadrait, le bâtonnier Melainine ould Khalifa, exprime sa totale satisfaction. «C’est un procès équitable, il s’est déroulé dans de très bonnes conditions. Avec la nature de l’accusation, le nombre de prévenus, le nombre de confrères, son rythme a été tout a fait normal. Il montre que nous sommes dans un Etat de droit».
Comme le bâtonnier, certains font valoir que le verdict est beaucoup moins sévère que le réquisitoire du procureur qui demandait entre 10 et 20 ans de travaux forcés pour tous, mais la plupart répètent sans discontinuer, qu’aucune preuve n’a été fournie au cours du procès et qu’il s’agit d’une pure machination du pouvoir. Au cours de ce procès politique, devenu très vite le procès de la démocratie, aucune preuve tangible n’a été en tout cas été apportée par le parquet, si ce n’est un pot de peinture qui aurait servi à faire des graffitis, et quelques documents non authentifiés, qualifiés de tracts par la défense. La comparution de trois témoins de l’accusation, appelés «témoins de la rumeur» par les avocats, n’a pas permis d’attester d’une quelconque implication d’un des accusés dans une tentative présumée de coup d’Etat.
Aujourd’hui Mohamed Khouna ould Haidalla se dit déçu même s’il affichait un grand sourire à sa libération. «Je considère que le jugement n’a pas reflété les débats des avocats, je m’attendais à une libération totale et je considère donc qu’il y a eu un défaut de justice», déclare-t-il. L’ancien chef de l’Etat, comme ses avocats, affirment leur intention de se pourvoir en cassation devant la cour suprême.
par Marie-Pierre Olphand
Article publié le 29/12/2003 Dernière mise à jour le 28/12/2003 à 23:00 TU