Mauritanie
Procès Haidalla : du flagrant délit au procès politique
Coup de théâtre à Nouakchott. Sans raison officielle, le procès de Mohamed Khouna Haidalla a été suspendu pour deux jours et demi alors que le procureur s’apprêtait à donner son réquisitoire. Depuis le 1er décembre, Haidalla, ancien chef de l’Etat mauritanien au pouvoir de 80 à 84 et candidat à la présidentielle du 7 novembre est jugé par la cour criminelle de Nouakchott pour «tentative de coup d’Etat» et «atteinte aux intérêts stratégiques du pays». Le candidat, principal challenger du président ould Taya dans la course au pouvoir a été arrêté la veille du scrutin, relâché, puis de nouveau arrêté deux jours plus tard. Il comparaît avec 14 co-inculpés dont un de ses fils, son directeur de campagne et son porte-parole. Ils risquent jusqu’à 20 ans de travaux forcés.
De notre correspondante à Nouakchott.
«Où est le fragrant délit ? C’est la première fois que je rencontre une procédure de flagrant délit où des faits n’ont pas été commis. Nous estimons que nous sommes dans un délire total de procédure et nous avons bon espoir que la cour criminelle ne suive pas le parquet dans ses récriminations». Comme ses trois autres confrères venus du Sénégal et du Mali, Aïssata Tall, avocate sénégalaise, ne cache pas sa colère devant les vices de procédure et les entorses au code de procédure pénale constatés depuis l’ouverture du procès Haidalla lundi 1er décembre.
A force de revendications, les avocats du collectif chargé de la défense des détenus ont obtenu le départ de la vingtaine de policiers qui siégeaient derrière la cour et «exerçaient une pression inacceptable sur le déroulement de débats» et la traduction des débats en français, malgré l’opposition du procureur de la République. Ils n’ont pas obtenu en revanche la présence de tous les détenus dans la salle d’audience afin qu’ils suivent les débats, ni le départ du procureur général, installé au perchoir au-dessus de la cour, qui dicte ses consignes au procureur de la République. Pourtant selon la défense, «le parquet doit être représenté par une seule personne, or dans les faits, ici, ils sont deux».
Après deux jours de bataille acharnée, la quasi-exclusion d’un avocat, de nombreuses suspensions de séances, chacun a trouvé sa place. La défense s’acharne toujours à faire durer les débats, puisqu’il s’agit dit-elle d’une affaire politique alors que le parquet fait tout pour classer le dossier rapidement et a visiblement renoncé à l’affrontement direct, le procureur se laissant même aller à quelques sourires et poignées de mains échangées avec les avocats. Peu de questions ont été posées par le parquet aux accusés et celles qui ont été formulées n’ont pas réussi à les déstabiliser. Seules preuves concrètes dévoilées par l’accusation, un pot de vernis retrouvé chez un des détenus qui aurait servi à faire des graffitis et un fax non authentifié attestant d’appels téléphoniques en Libye.
L’audition des témoins a été rocambolesque
A la barre, les détenus ont nié toutes les accusations avec détermination ; aucun n’a reconnu avoir entendu parler d’argent libyen pour financer un éventuel coup d’Etat, et personne n’a reconnu la paternité du fameux plan de déstabilisation baptisé Grab 1, attribué au camp Haidalla mais qui ne porte aucune authentification et dont la provenance reste toujours un mystère. Les détenus ont trouvé à la barre une tribune politique pour faire le procès du pouvoir. Même si la plupart des questions posées par leurs avocats étaient rejetées, notamment celles qui tournaient autour de la relation entre les détenus et le président Maaouya Ould Taya, ils ont saisi le moindre temps de parole qui leur était offert pour dénoncer la fraude électorale, les préférences tribales du gouvernement ou encore le délabrement du service public. Les détenus ont également réfuté l’accusation de flagrant délit, demandant pourquoi les présumés putschistes du 8 juin dernier n’étaient toujours pas jugés alors qu’ils avaient été pris sur le fait. «Nos clients ont maintenu le débat à un haut niveau politique et ne sont pas rentrés dans des considérations personnelles ; ils ont fait le procès d’un système», se félicite un avocat.
L’audition des témoins a été rocambolesque et a provoqué une certaine agitation dans le public. Les premiers amenés par l’accusation ont refusé de répondre à la plupart des questions des avocats, et deux d’entre eux ont disparu à la pause, avant la fin de l’interrogatoire, ce qui annule de fait leur témoignage. La défense a dû batailler pour faire entendre 5 de ses témoins. La cour visiblement tendue et pressée a expédié les témoignages arrêtant parfois les intéressés avant qu’ils n’aient fini leur déclaration. Une manière de faire inadmissible pour les avocats qui crient à la censure.
Les témoins devaient laisser la place au réquisitoire du procureur mais de façon inattendue, la cour a décidé de suspendre le procès pour deux jours et demi, jusqu’à jeudi matin. Le procureur a-t-il eu des états d’âme et décidé de revenir sur son réquisitoire à la dernière minute ? Veut-on empêcher les avocats étrangers de plaider en leur imposant une longue pause qui va les inciter à rentrer chez eux ? Ou veut-on tout simplement freiner une défense trop vigoureuse ? Impossible de savoir mais manifestement un événement a bousculé le cours du procès.
«Où est le fragrant délit ? C’est la première fois que je rencontre une procédure de flagrant délit où des faits n’ont pas été commis. Nous estimons que nous sommes dans un délire total de procédure et nous avons bon espoir que la cour criminelle ne suive pas le parquet dans ses récriminations». Comme ses trois autres confrères venus du Sénégal et du Mali, Aïssata Tall, avocate sénégalaise, ne cache pas sa colère devant les vices de procédure et les entorses au code de procédure pénale constatés depuis l’ouverture du procès Haidalla lundi 1er décembre.
A force de revendications, les avocats du collectif chargé de la défense des détenus ont obtenu le départ de la vingtaine de policiers qui siégeaient derrière la cour et «exerçaient une pression inacceptable sur le déroulement de débats» et la traduction des débats en français, malgré l’opposition du procureur de la République. Ils n’ont pas obtenu en revanche la présence de tous les détenus dans la salle d’audience afin qu’ils suivent les débats, ni le départ du procureur général, installé au perchoir au-dessus de la cour, qui dicte ses consignes au procureur de la République. Pourtant selon la défense, «le parquet doit être représenté par une seule personne, or dans les faits, ici, ils sont deux».
Après deux jours de bataille acharnée, la quasi-exclusion d’un avocat, de nombreuses suspensions de séances, chacun a trouvé sa place. La défense s’acharne toujours à faire durer les débats, puisqu’il s’agit dit-elle d’une affaire politique alors que le parquet fait tout pour classer le dossier rapidement et a visiblement renoncé à l’affrontement direct, le procureur se laissant même aller à quelques sourires et poignées de mains échangées avec les avocats. Peu de questions ont été posées par le parquet aux accusés et celles qui ont été formulées n’ont pas réussi à les déstabiliser. Seules preuves concrètes dévoilées par l’accusation, un pot de vernis retrouvé chez un des détenus qui aurait servi à faire des graffitis et un fax non authentifié attestant d’appels téléphoniques en Libye.
L’audition des témoins a été rocambolesque
A la barre, les détenus ont nié toutes les accusations avec détermination ; aucun n’a reconnu avoir entendu parler d’argent libyen pour financer un éventuel coup d’Etat, et personne n’a reconnu la paternité du fameux plan de déstabilisation baptisé Grab 1, attribué au camp Haidalla mais qui ne porte aucune authentification et dont la provenance reste toujours un mystère. Les détenus ont trouvé à la barre une tribune politique pour faire le procès du pouvoir. Même si la plupart des questions posées par leurs avocats étaient rejetées, notamment celles qui tournaient autour de la relation entre les détenus et le président Maaouya Ould Taya, ils ont saisi le moindre temps de parole qui leur était offert pour dénoncer la fraude électorale, les préférences tribales du gouvernement ou encore le délabrement du service public. Les détenus ont également réfuté l’accusation de flagrant délit, demandant pourquoi les présumés putschistes du 8 juin dernier n’étaient toujours pas jugés alors qu’ils avaient été pris sur le fait. «Nos clients ont maintenu le débat à un haut niveau politique et ne sont pas rentrés dans des considérations personnelles ; ils ont fait le procès d’un système», se félicite un avocat.
L’audition des témoins a été rocambolesque et a provoqué une certaine agitation dans le public. Les premiers amenés par l’accusation ont refusé de répondre à la plupart des questions des avocats, et deux d’entre eux ont disparu à la pause, avant la fin de l’interrogatoire, ce qui annule de fait leur témoignage. La défense a dû batailler pour faire entendre 5 de ses témoins. La cour visiblement tendue et pressée a expédié les témoignages arrêtant parfois les intéressés avant qu’ils n’aient fini leur déclaration. Une manière de faire inadmissible pour les avocats qui crient à la censure.
Les témoins devaient laisser la place au réquisitoire du procureur mais de façon inattendue, la cour a décidé de suspendre le procès pour deux jours et demi, jusqu’à jeudi matin. Le procureur a-t-il eu des états d’âme et décidé de revenir sur son réquisitoire à la dernière minute ? Veut-on empêcher les avocats étrangers de plaider en leur imposant une longue pause qui va les inciter à rentrer chez eux ? Ou veut-on tout simplement freiner une défense trop vigoureuse ? Impossible de savoir mais manifestement un événement a bousculé le cours du procès.
par Marie-Pierre Olphand
Article publié le 09/12/2003