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Mauritanie

L’ancien président Ould Haidalla devant la cour criminelle

La veille du scrutin présidentiel du 7 novembre derniers, l’ancien président, candidat au retour, Mohamed Ould Haidalla avait été brièvement interpellé. Son concurrent-président en titre, Maaouiya Ould Taya, l’accusait de «préparer un coup d’Etat en cachette». Finalement, les électeurs mauritaniens lui auraient accordé 18,7% de leurs suffrages, l’opposition dénonçant toutefois ces résultats qui ont maintenu Maaouiya Ould Taya à la magistrature suprême, avec 67% des voix, dès le premier tour. Officiellement, Ould Haidalla s’est en tout cas placé en deuxième position, loin devant les autres concurrents. En décembre 1984, il avait dû céder manu militari le fauteuil présidentiel, qu’il occupait depuis 1980, à l’actuel chef de l’Etat Maaouiya Ould Taya. Depuis le 9 novembre, il est sous les verrous. Avec lui, six membres de son directoire de campagne, deux de ses fils et six jeunes sympathisants doivent comparaître lundi matin devant la cour criminelle.
Mohamed Ould Haidalla et 14 co-inculpés seront jugés par la cour criminelle de Nouakchott pour «attentat tendant à détruire ou renverser le régime constitutionnel». Ils sont en outre accusés «d’intelligence avec une puissance étrangère». Le tout sur la base d’une procédure de flagrant délit, invoquée par le parquet. Les inculpés encourent des peines de prison de dix ou vingt ans, voire la perpétuité. Le dossier d’accusation rassemble des pièces censées constituer un «plan de coup d’Etat», bizarrement étiqueté «GRAB» et des documents concernant un million de dollars en provenance de Tripoli. Mais «on ne sait pas encore s’il s’agit de l’Etat libyen ou d’une autre source de financement», explique la défense qui a pu consulter le dossier. Les fonds, qui auraient fait l’objet de «deux transferts», auraient transité par «un des fils avec un pays étranger», indique un membre du collectif d’avocats de Mohamed Ould Haidalla qui nie tout en bloc.

Extensions libyennes

La Libye a immédiatement réagi pour dénier toute implication dans un quelconque projet Haidalla et, a fortiori , dans un transfert de fonds à son intention. «Il s’agit d’un montage grossier qui ne repose sur aucun élément de preuve, sinon sur de simples déclaration de prévenus» (dont deux avaient été libérés le 18 novembre par la police), assure un membre du collectif des avocats de la défense. Un autre s’inquiète au nom de se confrères de «la connivence entre le judiciaire et l’exécutif». De leur côté, quatre associations des droits de l’Homme africaines ont annoncé vendredi «la création d’un comité international pour la libération des détenus politiques en Mauritanie».

Amnesty International, qui suit de près et de longue date les affaires mauritaniennes, a publié ce 27 novembre un communiqué soulignant que «depuis le début de ces arrestations, aucune règle de droit n’a été respectée, certains détenus ont subi de mauvais traitements, tous ont été maintenu au secret jusqu’à lundi dernier», sans avoir accès ni à leurs familles, ni à leurs médecins, ni à leurs avocats. L’un des avocats du directeur de campagne présidentielle d’Ould Haidalla avait même été molesté par la police qui l’avait «légèrement blessé au bras», dit-il, au moment de l’arrestation de son client, le député Ismaël Ould Omar. Le 13 novembre dernier, pour protester contre la levée de l'immunité parlementaire d'Ould Omar, les 11 députés de l’opposition avaient quant à eux claqué la porte de l’Assemblée nationale (70 députés), en dénonçant «le caractère illégal de la procédure» en l’absence d’un ordre du jour adopté en plénière.

Dès le 8 novembre, l’opposition avait décidé d’introduire un recours en justice contre les résultats du scrutin présidentiel. L’arrestation d’Ould Haidalla l’a «physiquement empêché de donner procuration à cet effet», expliquent ses proches. A la mi-novembre, cinq partis et un courant d’opposition se sont donc organisés en «Forum pour le salut démocratique et pour la libération du candidat Mohamed Ould Haidalla et de ses co-détenus». Dans les allées du pouvoir, commentant le faible score aux présidentielles des deux autres importants candidats de l’opposition -Ahmed Ould Daddah (6,85%) et Messaoud Ould Boulkheir (leader des Haratines descendants d’esclaves : 4,98%)-, le secrétaire général du parti du président, Boullah Ould Mogueya estime que «leur électorat s’était détourné d’eux en faveur du candidat indépendant (Ould Haidalla) qui incarnait à ses yeux le véritable changement…refusant leur plan de déstabilisation des institutions de la République». Une manière peut-être de ranger l’opposition tout entière dans le camp des comploteurs tout en exonérant ses 30% d’électeurs dont Ould Mogueya croit savoir qu’ils «ont cherché le changement et non la violence».

Après avoir quelque peu tergiversé sur le moment opportun de faire arrêter Ould Haidalla et fils ainsi que leurs équipiers, après avoir enrichi d'extensions libyennes les charges à leur imputer, le ministère mauritanien de la Justice promet d’apporter «toutes les garanties d’un procès équitable». Pour sa part, le président Ould Taya n’a pas pris de gants pour se prononcer sur la culpabilité des accusés, avant même que jugement soit rendu par une cour autorisée. Dans un discours post-électoral, il vient de remercier ses compatriotes d’avoir «fait face avec détermination… à un lâche complot criminel» concocté, selon lui, plusieurs mois avant les présidentielles.



par Monique  Mas

Article publié le 30/11/2003