Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Mauritanie

Haidalla en course pour la présidence

A trois mois des élections présidentielles les partis d’opposition peinent à s’organiser autour d’une stratégie commune. L’annonce de la candidature de l’ancien colonel et chef de l’Etat Mohamed Khouna ould Haidalla laisse penser qu’il y aura multiplication des candidats face au président sortant Maaouya ould Taya.
De notre correspondante à Nouakchott

«La classe politique bousculée». La Une du quotidien indépendant Nouakchott Info du 4 août résume bien l’effet produit par l’annonce le 1er août de la candidature de Mohamed Khouna ould Haidalla. Toutes les discussions tournent désormais autour de cette nouvelle donne qui secoue l’opposition égarée dans des discussions sans fin. L’ancien chef de l’Etat mauritanien demandait un ralliement de l’opposition à sa candidature. Faute de réaction rapide, il a décidé de prendre les devants, et de se présentant sans étiquette. Mais non sans passé. Il est connu de tous puisqu’il a été à la tête d’un régime militaire autoritaire de 1980 à 1984, avant d’être renversé lors d’un coup d’Etat mené par l’actuel président Maaouya ould Taya.

L’homme peut-il changer et la population peut-elle oublier ? La question est fondamentale. Et l’ancien colonel y répond à sa manière par un mea culpa. «Les malheurs politiques économiques, humains culturels et sociaux de la Mauritanie ont toujours été la conséquence de l’exercice solitaire du pouvoir du chef de l’Etat lors qu’il concentre entre ses mains par divers artifices tous les pouvoirs (…) Une pratique du pouvoir à laquelle je suis désormais fermement opposé». L’ancien chef de l’Etat se veut porteur d’un projet démocratique, et promet, par un changement de constitution, la séparation totale des pouvoirs du président de la république et du premier ministre, la suppression complète de la censure, et la réduction du mandat présidentiel à cinq ans renouvelable une seule fois. Il assure qu’il n’exercera personnellement qu’un seul mandat afin de «laisser s’établir une saine compétition politique entre les diverses formations». Il n’a pour l’instant le soutien d’aucun parti mais ses proches annoncent d’ores et déjà le ralliement de personnalités proches du pouvoir à sa cause. Pour le Rassemblement des Forces Démocratiques, grand parti d’opposition, sa candidature pourrait effectivement permettre d’arracher des voix au président sortant Ould Taya.

Le Front Uni de l’Opposition (FUO) paraît divisé.

«Un candidat unique à condition que ce soit moi!». Tel était jusque-là le discours à peine voilé des responsables des partis d’opposition. Avec l’entrée en scène d’un des ténors politiques, l’opposition se retrouve désormais acculée à une décision rapide. Le Front Uni de l’Opposition (FUO) créé à l’automne dernier, et qui regroupe cinq partis dont le RFD, l’APP, et le FP, paraît à lui seul divisé. Deux personnalités ne cachent pas leur volonté d’être candidates : Ahmed ould Daddah, président du Rassemblement des forces démocratiques (RFD), frère de l’ancien président Moktar ould Daddah et candidat malheureux de l’opposition en 92, et Messaoud ould Boulkheir, ancien président du parti dissous AC, aujourd’hui affilié à l’Alliance Populaire Progressiste (APP) comme simple membre, et surtout porte-parole de la cause des haratines, les descendants d’esclaves. L’autre candidature attendue est celle de Mohamed ould Maouloud, responsable de l’UFP, l’Union des forces du Progrès. Parti d’opposition qui fait cavalier seul depuis la création du FUO, l’UFP est critiqué pour sa politique de dialogue avec le pouvoir. Le parti de Ould Maouloud se donne jusqu’au 15 août, date à laquelle se tiendra son conseil national, pour obtenir un consensus sur un candidat commun. Dans la négative, l’UFP présentera son président.
Quelle que soit la stratégie décidée, les sept députés d’opposition du FUO tentent de mettre de l’ordre et se veulent rassurant. Pour Kane Hamidou Baba, député du RFD, ce n’est pas la bonne volonté qui manque. «Nous avons un objectif commun car nous souhaitons tous qu’il y ait une alternance pacifique. Les moyens pour y arriver peuvent être différents mais que nous ayons un candidat ou plusieurs, vous verrez que l’opposition va marquer des actes forts et montrer qu’elle est unie à travers la campagne et après».

Ce qui est sûr c’est que la campagne sera cette année unique. Troisième scrutin présidentiel depuis l’instauration du multipartisme en juillet 1991, les élections se dérouleront pendant le ramadan mais surtout après la tentative de putsch du 8 juin. Depuis cette date le pouvoir du président est fragilisé et vit sous la menace de nouveaux troubles. D'anciens militaires mauritaniens, réunis au sein du Front national de libération - un mouvement créé en juillet et qui aurait le soutien de 2300 soldats - ont notamment menacé de destituer Ould Taya s’il se présentait aux élections. Le président ne s’est pour l’instant pas déclaré personnellement mais il a reçu l’investiture de son parti au mois de mai pour les élections. Son entrée dans la course ne fait guère de doutes.



par Marie-Pierre  Olphand

Article publié le 06/08/2003