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Mauritanie

Le Burkina Faso mis en cause par Nouakchott

Via leur site internet, les putschistes menacent toujours « d’anéantir » le pouvoir du président Ould Taya. 

		(Photo : AFP)
Via leur site internet, les putschistes menacent toujours « d’anéantir » le pouvoir du président Ould Taya.
(Photo : AFP)
Au cours d’une conférence de presse exceptionnelle donnée par le chef d’état-major de la gendarmerie nationale à Nouakchott, les autorités ont accusé le Burkina de prêter assistance aux organisateurs d’un récent complot. Le 10 août le ministre de la défense mauritanien avait annoncé avoir déjoué une préparation de coup d’État qui devait avoir lieu pendant le séjour en France -finalement annulé- du président Ould Taya invité à l’occasion des cérémonies du 60ème anniversaire du débarquement en Provence. Les autorités mauritaniennes accusent aussi la Libye d’être derrière cette tentative qui aurait été menée par les auteurs, en fuite, du coup d’État manqué du 8 juin 2003

De notre correspondante à Nouakchott

Aucune équivoque dans les conclusions de l’enquête menée par la gendarmerie : des putschistes mauritaniens ont élu domicile au Burkina Faso. Selon le chef d’état-major de la gendarmerie, Saleh ould Hannena et Mohamed ould Cheikhna, deux des neuf organisateurs du putsch manqué du 8 juin 2003, toujours en fuite, auraient trouvé refuge au Burkina Faso. Et c’est de là qu’ils auraient préparé un nouveau complot. Le ministre de la Défense mauritanien Baba ould Sidi vient d’ailleurs de remettre à Blaise Compaoré, le président burkinabé, un message relatif à cette affaire. Rien n’a été dit sur son contenu ni sur la réaction des autorités de Ouagadougou, mais c’est à son retour que les mauritaniens ont décidé de tenir une conférence de presse et de communiquer dans les menus détails.

Officiellement, les conditions matérielles et financières, les équipements, les armes et les munitions nécessaires à l’exécution de cette opération ont été obtenus grâce à l’aide et l’encadrement du Burkina Faso. Une autre puissance étrangère serait aussi impliquée. D’après Nouakchott, deux commandos putschistes devaient arriver dans le pays, l’un en provenance du Burkina, et l’autre de Libye, pays déjà accusé d’avoir financé un complot prévu lors des présidentielles de novembre dernier. Composés de Mauritaniens et d’Azawadis, touaregs originaires de la sous-région, ces commandos avaient prévus, selon la même source, de débarquer entre le 16 et le 20 août pendant l’absence du chef de l’Etat Maaouya ould Taya.

En prenant bien soin de ne pas impliquer ni accuser le Sénégal, les autorités ont ajouté que les présumés putschistes utilisaient le réseau téléphonique voisin, passant leurs appels à quelques kilomètres de la frontière, vers Rosso, munis d’une puce sénégalaise. Le courrier électronique aurait été la méthode principale de communication entre les principaux membres qui auraient fréquenté trois cyber-cafés de Nouakchott. Voulant faire preuve de transparence, l’état-major de la gendarmerie est allé jusqu’à dévoiler la liste de 11 adresses emails. Il s’est aussi étendu sur la stratégie des « conspirateurs ». Ils auraient selon lui fait usage de méthodes d’intoxication et de manipulation à l’encontre des forces armées. La méthode privilégiée étant de « tâter le pouls » de l’officier visé afin de savoir s’il adhérait au projet et jusqu’à quel point, avant de le contacter directement.

Obtenir la livraison des putschistes

Toutes ces révélations ont été appuyées par les aveux de deux militaires à la télévision nationale. Habillés de tenues sportives et visiblement bien portants, les deux hommes ont tour à tour confirmé qu’ils avaient été contactés par les putschistes en fuite mettant en avant l’implication du Burkina et de la Libye. Les noms des 31 militaires arrêtés et interrogés dans cette affaire ont également été divulgués, mettant fin aux fausses listes que chacun tentait de constituer de son côté par recoupement d’informations avec les familles.

Depuis plusieurs jours l’opposition mauritanienne dénonçait un montage visant à faire le ménage dans les rangs de l’armée. Une majorité de militaires arrêtés sont en effet issus de la même région –l’Est du pays– que ceux qui ont tenté de déstabiliser le pouvoir l’année dernière. Rien ne dit qu’en rendant public autant d’informations ce jeudi soir, l’état-major de la gendarmerie ait réussi cette fois-ci à convaincre.

Pour certains observateurs l’objectif de Nouakchott est surtout de faire pression sur Ouagadougou afin d’obtenir la livraison des putschistes qui seraient cachés au Burkina Faso. La priorité des autorités mauritaniennes est en effet de mettre la main sur les fuyards du 8 juin 2003. Via leur site internet, ces militaires menacent toujours « d’anéantir » le pouvoir du président Ould Taya. Dans ce dossier 131 militaires sont emprisonnés depuis 14 mois, accusés de dévastation et d’atteinte à la sûreté de l’État. Leur procès devrait être imminent.

par Marie-Pierre  Olphand

Article publié le 27/08/2004 Dernière mise à jour le 27/08/2004 à 12:52 TU