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Mauritanie

La junte veut faire valider sa transition

Le président de la junte, le colonel Vall : «<EM>Une nouvelle ère pour la Mauritanie !</EM>»(Photo : AFP)
Le président de la junte, le colonel Vall : «Une nouvelle ère pour la Mauritanie !»
(Photo : AFP)

Depuis la déposition du président Maaouiya Ould Taya, le 3 août dernier, le Conseil militaire pour la justice et la démocratie (CMJD), présidé par le colonel Ely Ould Mohamed Vall, s’efforce de faire valider la transition militaire qu’il a instaurée pour «une période n’excédant pas deux ans». Peu après une prise de pouvoir en forme de révolution de palais, la junte a commandé des rapports sur le «processus de transition démocratique, la justice et la bonne gouvernance». Finalisés au pas de charge à la mi-octobre par «trois comités interministériels», ces volumineux documents sont soumis à l’approbation des représentants des partis politiques et de la société civile, depuis mardi dernier. La junte en attend une légitimité nationale et internationale.


Depuis mardi, quelque 500 chefs de file politiques, syndicalistes, hommes d'affaires, magistrats et autres personnalités d’influence participent à trois «ateliers de concertation». Le 18 octobre dernier, en annonçant cette entreprise de «consolidation du consensus national autour des objectifs de la transition» militaire, la junte invitait les partis politiques et la société civile à lui donner rapidement une issue positive, expliquant que l’exercice visait à «tout mettre en œuvre pour achever dans les délais les plus courts le processus électoral». La conditionnalité est implicite. Et si la junte suggère un référendum constitutionnel et des élections municipales, législatives, sénatoriales et présidentielle entre juin 2006 et juin 2007, c’est un calendrier de réformes administratives et socio-économiques extrêmement étoffé qu’elle soumet à l’approbation de ses administrés.

Responsabiliser les Mauritaniens

Dans son discours d’ouverture, le colonel Ely Ould Mohamed Vall a présenté ce remue-méninges national comme une occasion de «responsabiliser» les Mauritaniens réduits au silence politique depuis 45 ans et de «leur remettre ce qui leur appartient de droit». Ce faisant, il a prophétisé «une nouvelle ère pour la Mauritanie», grâce à «La transition de tous les espoirs» très longuement développée sur le site internet gouvernemental. Dans ce texte en forme de plaidoirie, la junte se prévaut en effet de «l’engouement et de l’adhésion de tous les partis politiques (de la majorité et de l’opposition), de la société civile et de l’écrasante majorité du peuple», mais aussi d’une très large bienveillance internationale. Le CMJD explique cet enthousiasme par son engagement «à observer une neutralité totale par rapport à la compétition politique». Il en veut pour preuve l’ordonnance qu’il a prise pour empêcher ses membres «de se porter candidat à un poste électif tout au long de la période transitoire». La junte estime aussi avoir donné, le 2 septembre dernier, un signal «d’ouverture» fort, tant à ses administrés qu’à l’opinion internationale, en «accordant une amnistie générale, pleine et entière, à tous les Mauritaniens condamnés pour crimes et délits politique».

Le chef de la junte, le colonel Vall a effectivement pris soin de recevoir un à un la plupart des chefs de partis et des personnes d’influence, quelques semaines après sa prise de pouvoir. Les observations de ces derniers sont d’ailleurs précieusement consignées sur le site gouvernemental, le président du Rassemblement des forces démocratiques (RFD), Ahmed Ould Daddah déclarant par exemple par avance «faire confiance à ce programme» de transition, ou celui du Front populaire (FP), Mohamed Ould Cheikh Melainin, se disant «très content du changement opéré et optimiste» pour la suite. Les mêmes, et beaucoup d’autres, sont appelés depuis mardi à entériner concrètement la feuille de route qui leur est présentée. Au passage, certains observateurs relèvent l’absence du Parti pour la convergence démocratique (PCD), une formation islamiste interdite. Le PCD n’a pas été convié à avancer dans le sens du «consensus national». Mais la junte n’a guère à craindre de volée de bois vert internationale pour cette entorse à la concertation et à l’amnistie.

Calendrier de réformes

Une nouvelle Commission nationale électorale indépendante (CNEI) ainsi que les questions de listes électorales ou même de financement des partis politiques sont au menu de ces assises pour lesquelles les participants ont demandé des prolongations. Elles devaient en effet s’achever jeudi, mais les rapports réalisés sous la houlette de la junte sont, non seulement très volumineux, mais aussi extrêmement détaillés. Celui qui concerne la bonne gouvernance économique constitue d’ailleurs un véritable cahier des charges. Secteur par secteur, des rafales de réformes sont inscrites dans un calendrier qui court jusqu’à 2007. Tous les sujets sont abordés, de la corruption dans les marchés publics au suivi des denrées de consommation courante jusqu’au niveau local, en passant par la gestion du pétrole, la bonne santé du secteur privé ou le chômage.

Dans les discussions sur les questions de justice, certains participants demandent que la dissolution des partis politiques soit désormais du ressort des tribunaux et que la loi sur la presse soit assouplie. A ce sujet, la junte a promis de former, dans «les plus brefs délais, une commission nationale chargée de réfléchir sur une réforme de la presse». Interdite en octobre 2000 par le régime Ould Taya, «RFI recommencera immédiatement à émettre», promet le secrétaire général du CMJD, Habib Ould Hemett, sans indiquer de date. Reste que la junte semble disposée à donner des gages internationaux de bonne volonté. En revanche, au plan intérieur, l’absence de radio privée indépendante interroge, même si le même Habib Ould Hemett assure que «toutes les parties que nous avons rencontrées sont unanimes à dire que les choses dans le domaine des médias sont en train de bouger dans le bon sens depuis le 3 août».

Pour sa part, le président de la Commission de l’Union africaine, Alpha Oumar Konaré, assure qu’il jugera sur pièces. Il ne saurait, dit-il, voir des putschistes s’éterniser au pouvoir. Il martèle aussi qu’il «n’existe pas de bon coup d’Etat, car c’est toujours une preuve d’échec politique». L’UA s’apprête à dépêcher «un envoyé spécial en Mauritanie pour surveiller l'évolution du processus» politique. Il faut, dit-il, que les auteurs du coup d’Etat partent d’ici deux ans, comme ils l’ont promis, «sinon, nous aurons à prendre des décisions que nous n'avons encore jamais eu à prendre.»

  

par Monique  Mas

Article publié le 28/10/2005 Dernière mise à jour le 28/10/2005 à 17:56 TU