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Mauritanie

Le coup d’Etat finalement bien accueilli

Sidi Mohamed Ould Bakar, le Premier ministre mauritanien.Photo : AFP
Sidi Mohamed Ould Bakar, le Premier ministre mauritanien.
Photo : AFP
Ça y est ! La Mauritanie est redevenue fréquentable en l’espace d’une semaine après avoir été mise au banc des accusés. La révolution de palais qui a renversé Maaouiya ould Taya, sans effusion de sang, contrairement aux précédentes tentatives, avait été diversement appréciée dans les instances internationales et panafricaines. La première réaction avait été un communiqué de la Commission africaine dans lequel son président Alpha Oumar Konaré rappelait les principes «d’attachement au respect de l’ordre constitutionnel». Mais la condamnation ferme allait tomber le lendemain, cette fois par le Conseil de paix et de sécurité (CPS) qui a tenu sa 36ème réunion à Addis-Abeba.

Après avoir rappelé sa ferme condamnation du coup d’Etat, le CPS avait décidé de «suspendre la participation de la Mauritanie aux activités de l’Union africaine (UA) jusqu’au retour à l’ordre constitutionnel dans ce pays». Mais pour contourner le caractère définitif de sa propre décision, le Conseil s’est offert une porte de sortie en dépêchant en Mauritanie «une délégation ministérielle en vue de réitérer aux auteurs du coup d’Etat la position de l’UA et les engager sur les modalités d’un retour rapide à l’ordre institutionnel». En langage diplomatique décodé cela laisse entendre «qu’on avisera et qu’on jugera sur pièces», c’est-à-dire que l’équipe en place devra faire des propositions que les hautes institutions entérineront.

C’est exactement ce qui s’est passé avec l’envoi d’une mission de l’UA à Nouakchott, le 9 août. Elle était conduite par le ministre nigérian des Affaires étrangères, Oluyemi Adeniji, dont le pays assure la présidence de l’Union africaine. Après avoir rencontré les nouvelles autorités mauritaniennes, la délégation africaine a aussi fait le tour des partis politiques et des syndicats afin «d’écouter toutes les sensibilités politiques et toutes les forces vives concernées par le changement», rapporte à l’AFP une source diplomatique mauritanienne.

Dans les différentes chancelleries, on laisse entendre également que la personnalité du nouveau Premier ministre, Sidi Mohamed Ould Bakar, ancien ambassadeur de son pays à Paris, a beaucoup pesé dans le crédit accordé a priori au nouveau pouvoir qui s’installe à Nouakchott. Sidi Mohamed Ould Bakar avant de prendre ses nouvelles fonctions avait démissionné du Parti républicain démocratique et social (PRDS), parti du président déchu Maouiya Ould Taya, dont il était un éminent cadre. Dès le 7 août, le PRDS avait d’ailleurs déclaré son soutien au programme des réformes de la junte, le Conseil militaire pour la justice et la démocratie (CMJD) qui a annoncé une série de réformes et une transition de moins de deux ans pour un retour à une démocratie stable.

Un nouvel ordre constitutionnel est admis

«Nous sommes rassurés parce qu’il y a un consensus sur la nécessité du changement», a déclaré le chef de la délégation de l’UA après avoir rencontré le président de l’exécutif mauritanien, Ely Ould Mohamed Vall. La délégation africaine rendra compte du climat «de paix et de l’unanimité autour du changement» aux instances panafricaines mais qui ne lèveront pas pour autant les sanctions de «suspension provisoire» aux activités de l’UA. Sauf contre ordre.

Côté américain, les réactions étaient très fermes. L’administration Bush exigeait le retour au pouvoir de Maaouiya Ould Taya qu’elle présente comme un allié indéfectible pour la lutte contre le terrorisme dans la région. Mais très vite aussi les Etats-Unis se sont rangés derrière la ligne de l’UA et n’exigent plus le retour du président déchu. C’est le ton clairement affiché par l’Union de Maghreb arabe (UMA) qui regroupe le Maroc, l’Algérie, la Tunisie, la Libye et la Mauritanie, dont une délégation s’est rendue à Nouakchott et déclare «ne pas pouvoir s’opposer au choix volontaire du peuple mauritanien». Autrement dit le changement est accepté.

Maaouiya ou Etaya, le président déchu, certainement indigné par ce concert d’unanimité à l’avantage du CMJD a appelé à un sursaut des forces loyalistes pour un «retour à la légalité constitutionnelle», qu’il croit être le seul à incarner. Il s’est rendu en Gambie, se rapprochant de son pays dans l’intention de mettre une pression supplémentaire sur l’actuel pouvoir. Le choix de la Gambie a dû être au fait au détriment du Sénégal, dont le président Abdoulaye Wade a clairement apporté son soutien à la nouvelle équipe dirigeante, selon l’Agence  mauritanienne d’information. La seule note en faveur de Maaouiya Ould Taya vient du «Congrès pour le rétablissement de la démocratie en Mauritanie (CRDM)» qui exige le retour du président déchu au pouvoir, comme le rapporte, dans une longue interview, Afrik.com.


par Didier  Samson

Article publié le 10/08/2005 Dernière mise à jour le 10/08/2005 à 19:14 TU