Népal
Les élections municipales tournent au fiasco

(Photo : AFP)
Les Népalais n’avaient pourtant pas voté depuis sept ans. Mais les municipales du 8 février ressemblent plus à un « fiasco » qu’à autre chose. 27 000 votants sur plus de 300 000 inscrits… qui n’ont pu voter que dans 36 municipalités, au lieu des 58 initialement prévues… Les élections se révèlent un échec majeur pour le roi Gyanendra du Népal qui les avaient voulues, mais un succès pour les partis de l’opposition et la rébellion maoïste, qui avaient appelé au boycott.
Selon la Télévision du Népal, la participation à Katmandou était inférieure à 10%, une heure avant la fermeture du scrutin. Même taux de participation, 10%, à Biratnagar, située à l’est du pays. Même désertion dans les autres bureaux de vote du pays. Seul point positif : « Il n’y a eu aucun trouble », a déclaré Ravi Kayastha, scrutateur dans le bureau de vote de Machendrabahal, au centre de Katmandou, où seuls 94 des 1 274 ont déposé un bulletin. « Tout s’est déroulé normalement », a indiqué le porte-parole de la Commission électorale, Tejmuni Bajracharya. Tout était «normal», sauf les menaces de mort sur les candidats, l’assassinat de deux d’entre eux en janvier, par les maoïstes et les sanctions du gouvernement contre certains candidats, comme les huit morts la veille du scrutin (sept membres des forces de sécurité et un maoïste) ou la mort d’un manifestant tué par l’armée mercredi. Conséquence de ce climat : participation minimale dans les bureaux de vote de 36 municipalités, élection de candidats par forfait dans les 22 autres mairies… Les résultats définitifs du scrutin ne sont attendus que jeudi dans la matinée.
Un an de monarchie
Ce fiasco électoral pressenti fait entrer le petit royaume de la cordillère himalayenne dans une crise politique majeure. Il engendrera une reconfiguration du jeu politique. Les maoïstes pourraient asseoir leur influence. « Asseyons-nous autour d’une table », a déjà proposé au roi Gyanendra le chef maoïste Prachanda. « Puis, si [le roi] évoque des élections libres et honnêtes en vue de la formation d’une assemblée constituante, alors nous serons prêts à y prendre part », a concédé le rebelle. Cela fait un an que le monarque Gyanendra a pris les rênes du pouvoir, - depuis son coup d’Etat du 1er février 2005 qu’il a commis pour rompre avec 10 ans de guerre civile et l’effroyable bilan de 12 000 morts. Cette « Guerre du peuple » avait été entretenue par les maoïstes qui entendaient abolir la monarchie. Dans ses rêves de grandeur, et désormais au pouvoir, le roi Gyanendra a désiré proclamer l’avènement de la démocratie et des libertés publiques, mais un an après, tout a tourné au désastre. Ses débuts politiques étaient certes prometteurs, Gyanendra avait même l’appui de la communauté internationale. Mais c’est avec le soutien des militaires que le monarque a choisi de museler la presse, de mettre en prison les opposants politiques et de mater toute manifestation. Résultat : après une trêve de quatre mois, faite du rapprochement entre opposants politiques et maoïstes, les maoïstes ont décidé de reprendre la lutte sanglante contre le souverain.
Très nombreuses arrestations
Aujourd’hui, les Népalais sont bien obligés de se rendre compte que rien n’a changé. Attaques et manifestations se multiplient dans le petit royaume du Népal. La situation empire de jour en jour. Leaders politiques et militants des droits de l’homme sont toujours emprisonnés. Les autorités indiquent que ces « mesures de sécurité » resteront en place tant qu’elles seront « utiles ». Si bien que les Nations unies ne peuvent pas faire grand chose.
Il est bel et bien question de liberté et de démocratie dans le petit royaume himalayen. Mais le monarque semble n’en faire aucun cas. Contrairement à ce qu’il avait affirmé, le régime de Gyanendra ne tranche pas avec les dix années sanglantes de guerre civile, preuves en sont ces élections et leurs conditions politiques. Les Népalais devront attendre 2007 avant de pouvoir voter à nouveau : Gyanendra a effet prévu d’organiser à cette date des législatives. La question est de savoir dans quel contexte démocratique ces élections, si elles ont lieu, pourront se dérouler.
par Gaëtane de Lansalut
Article publié le 08/02/2006 Dernière mise à jour le 08/02/2006 à 17:41 TU