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Côte d'Ivoire

Feuille de route internationale

Le président de l'Assemblée nationale, Mamadou Coulibaly, convoque une session extraordinaire.(Photo : AFP)
Le président de l'Assemblée nationale, Mamadou Coulibaly, convoque une session extraordinaire.
(Photo : AFP)
Nul doute que la montée des Eléphants ivoiriens en finale de Coupe d’Afrique des Nations donne aux joueurs politiques sanctionnés de l’Onu le temps de retrouver leur souffle sinon le temps de la réflexion. Reste que chacun des protagonistes ivoiriens a compris qu’en la matière, le match n’est pas vraiment nul et que pour s’être joué, en quelque sorte, en seconde zone, il n’en constitue pas moins un carton jaune adressé au président Gbagbo. L’avertissement tombe à mi-temps, entre l’arbitrage international déjà rendu sur l’Assemblée nationale et celui que le Haut représentant de l'Onu pour les élections en Côte d'Ivoire, Antonio Monteiro, entend imposer au bureau de la Commission électorale indépendante (CEI). Il s’agit en effet d’appliquer au plus vite la feuille de route internationale confiée au Premier ministre Charles Konan Banny.

Officiellement, le Premier ministre, Charles Konan Banny n’a toujours pas démenti le président Laurent Gbagbo qui s’est prévalu de son consentement tacite, le 27 janvier dernier, pour annoncer que l’Assemblée nationale ivoirienne reste «en fonction avec tous ses pouvoirs». Et cela, contre les avis comminatoires du Groupe de travail international (GTI) et du secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan. Ceux-ci ont vu, le week-end dernier, le président du Conseil économique et social ivoirien, Laurent Dona Fologo, monter au créneau de la souveraineté ivoirienne. «La Côte d'Ivoire n'est pas pour le moment gouvernée par Kofi Annan. Ce n'est pas lui qui a élu les députés de Côte d'Ivoire et ce n'est pas lui qui doit mettre fin à leurs fonctions», est-il allé dire à Brazzaville, au nouveau président de l’Union africaine (UA), Denis Sassou Nguesso. Pendant ce temps, à Abidjan, le président de l’Assemblée nationale ivoirienne, Mamadou Coulibaly organisait une riposte en forme de test, en convoquant une session extraordinaire ce 9 février.

Session parlementaire extraordinaire

Mamadou Coulibaly se réclame de «cent douze députés», sur 223 au total, pour justifier une session extraordinaire «consacrée à la prolongation du mandat des maires et des conseillers généraux» mais aussi à la rédaction d’une «correspondance au Premier ministre pour lui demander de venir à l'Assemblée nationale» présenter son programme et «dire aux Ivoiriens ce qu'il compte faire de leur argent». D’après le président de l’Assemblée nationale, la session devrait durer «près d'une semaine», le temps en réalité de compter les présents, les trois groupes de l’opposition parlementaire ayant décliné l’invitation.

Le Parti démocratique de Côte d'Ivoire du président déchu Henri Konan Bédié (PDCI, 96 députés), l'Union pour la démocratie et la paix en Côte d'Ivoire du défunt général-président Robert Gueï (UDPCI, 14 députés) et Solidarités ont dénoncé par avance «les décisions qui seront prises à l'issue» de cette session par la majorité présidentielle du Front patriotique ivoirien (FPI, 98 députés), ses alliés habituels voire quelques députés dissidents. Cinq membres du PDCI et quatre de l’UDPCI ont en effet d’ores et déjà déclaré qu’ils se rangeraient derrière la décision du président Gbagbo. Mais la liste des 112 reste à confirmer et quoi qu’il en soit, la bataille parlementaire pourrait bien se voir éclipser par celle qui concerne la présidence du bureau de la Commission électorale indépendante (CEI). Mardi, Antonio Monteiro était d’ailleurs de retour à Abidjan, pour en parler avec le président Gbagbo et avec le Premier ministre Konan Banny.

Bataille à la tête de la CEI

Chargée d’organiser et de superviser les scrutins programmés d’ici le 31 octobre, la CEI est une priorité onusienne, inscrite de manière détaillée dans les accords inter-ivoiriens signés à Pretoria en avril 2005. Ces derniers prévoient que la Commission centrale de la CEI compte «deux représentants nommément désignés par chaque partie signataire de l'Accord de Linas-Marcoussis dont six pour les Forces nouvelles… les représentants des parties signataires de l'Accord de Linas-Marcoussis ainsi que le représentant du président de la République et celui du président de l'Assemblée nationale» ayant voix délibératives.

Les protagonistes de la crise ivoirienne ont convenu à Pretoria que «le bureau de la Commission centrale comprend douze membres», à savoir «un représentant de chaque partie signataire de l'Accord de Linas- Marcoussis soit un total de dix membres ; un représentant du président de la République ; un représentant du président de l'Assemblée nationale». Mais le bel arrangement n’a pas produit le président et le bureau consensuel espéré. La CEI est paralysée depuis que le 25 novembre 2005, sur plainte du FPI, la Cour suprême a jugé «nulle» l’élection de Robert Mambé Beugré à la présidence du bureau de sa Commission et celle de «son bureau composé en majorité des membres de l’opposition civile et armée».

En se prononçant sur l’Assemblée nationale, le 15 janvier dernier, le GTI avait également donné carte blanche à Antonio Monteiro, pour qu’il trouve «une solution politique» avant le 17 février, date de la prochaine réunion du GTI. Selon la presse ivoirienne, Monteiro envisagerait de maintenir Robert Beugré à la présidence de la CEI et de confier une des deux vice-présidences au FPI. Il est vraisemblable que l’opposition ivoirienne se rende aux arguments du représentant de l’Onu, après avoir expliqué haut et fort qu’elle s’en remettait désormais au GTI et au Premier ministre «dont la mission est l'application intégrale de la résolution 1633» du Conseil de sécurité. Mais rien n’est certain du côté présidentiel qui pourrait lancer une nouvelle querelle en souveraineté, autour de la Cour suprême cette fois.

Questions de souveraineté

Dans ce contexte «les sanctions ne sont pas un problème particulier, d'autant plus qu'elles sont limitées et ne concernent qu'un nombre très limité de personnes», estime Laurent Dona Fologo. Pour l’ancien dignitaire du PDCI, l’essentiel «est que la Côte d'Ivoire retrouve sa souveraineté». «La Côte d'Ivoire n'est pas sous tutelle», plaide-t-il. Pour autant, nulle voix n’est venue contrarier Paris au Conseil de sécurité pour empêcher l’application des premières sanctions personnalisées entrées en vigueur ce 8 février contre deux partisans du président Gbagbo et un chef rebelle.

L’Onu «cautionne ainsi les jeunes qui ont pris les armes contre leur pays pour renverser les institutions en place» en septembre 2002, lance pour sa part l’un des deux chefs de file des «Patriotes» frappés par les sanctions, Eugène Djué, qui les trouve, bien sûr, «injustes et inefficaces». Mais visiblement, l’heure n’était pas au combat de rues. Le match de foot aura sans doute contribué à éponger leur nationalisme, le temps d’un rêve de coupe. De leur côté, le gouvernement ivoirien, les bailleurs de fonds et le représentant spécial du secrétaire général de l'Onu en Côte d'Ivoire, Pierre Schori, doivent se retrouver vendredi à Yamoussoukro pour relire ensemble la fameuse feuille de route qui prévoit aussi le désarmement des anciens rebelles des Forces nouvelles.

Charles Konan Banny revient de sa première visite en fief rebelle, à Bouaké, au cœur du pays fracturé. En arrivant à Abidjan, il s’est déclaré «comblé et satisfait par tout ce [qu’il a] vu». En tout cas, il a dû faire lui-même le déplacement de Bouaké pour faire officiellement connaissance avec Guillaume Soro, son ministre de la Reconstruction et numéro deux du gouvernement, qui s’est mis jusqu’à présent aux abonnés absents du conseil des ministres. Il risque de lui déplaire lorsque la question du désarmement reviendra sur le tapis. En attendant, c’est la CEI qui occupe l’espace politique.


par Monique  Mas

Article publié le 08/02/2006 Dernière mise à jour le 08/02/2006 à 18:48 TU

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