République démocratique du Congo
Le Plan d’action humanitaire ne fait pas recette
(Source : OCHA)
A Bruxelles étaient présents pas moins de quarante pays donateurs pour écouter le plaidoyer en faveur de la République démocratique du Congo qui traverse, selon les organisateurs de l’événement, une crise humanitaire majeure. Les Organisations non gouvernementales ne sont pas les seules à tirer la sonnette d’alarme. Elles sont fortement appuyées par l’Office pour la coordination des affaires humanitaires des Nations unies (OCHA), qui, en collaboration avec l’Union européenne a validé le travail des ONG à travers 330 projets censés soulager de manière concrète et immédiate les souffrances des populations congolaises. Ces projets évalués à 680 millions de dollars ont été regroupés dans un Plan d’action humanitaire défendu par Jan Egeland, secrétaire général-adjoint chargé des affaires humanitaires de l’ONU.
Stefaan Declercq, de l’ONG Oxfam international, lors de son intervention, a insisté sur l’état de délabrement de l’économie congolaise et le dénuement total dans lequel vivent près de 42 millions de personnes. Selon de récentes estimations, près 4 millions de personnes auraient trouvé la mort dans le conflit qui dure depuis 1998. Le nombre de personnes déplacées s’élève à plus d’un million et demi et elles ont un accès limité aux denrées alimentaires. Quotidiennement soumises aux assauts de pathologies diverses, ces populations sont extrêmement vulnérables. «La RDC détient un triste record mondial quant aux taux de mortalité maternelle et infantile, avec 1 289 décès pour 100 000 naissances vivantes, ce qui représente une perte chaque année de 585 000 enfants… L’espérance de vie à la naissance en RDC est de 42 ans», rapporte Médecins sans frontières.
«Le Congo-Kinshasa a été négligé ces dix dernières années»
Le Plan d’action humanitaire est un cadre global qui prend également en compte autant de la lutte contre le trafic d’armes, la lutte contre les maladies (paludisme, sida…), que l’accès à l’eau, aux soins, l’assainissement du cadre der vie, l’école, la formation, la réinsertion sociale, etc. Les régions où la guerre sévit encore ne sont pas plus prioritaires que celles qui accueillent les populations. Cette vision globale de reconstruction est, pour les organisations humanitaires, une approche nouvelle dans la résolution d’une crise. Elles insistent auprès des bailleurs fonds et des Etats donateurs pour que les contributions au processus électoral ne soient pas une priorité au détriment de l’assistance aux populations en détresse. «Les ambitions de la communauté internationale ne devraient pas se borner à assurer le succès des élections de 2006, mais devraient aider des millions de gens qui ont besoin de l’appui des services de base pour rentrer chez eux (…). Les donateurs devraient s’efforcer de contribuer de telle façon à ce que les gens pris dans l’étau des affrontements ne meurent pas abandonnés», souhaite Oxfam dans une note d’information distribuée aux participants à la conférence des donateurs le 13 février à Bruxelles. Jan Egeland, le coordinateur des affaires humanitaires de l’ONU qui partage ce point de vue, évoque même «une tache sur la conscience internationale» car précise-t-il «le Congo-Kinshasa a été négligé ces dix dernières années».
Tous les plaidoyers en faveur de ce vaste et riche pays d’Afrique, livré aux pillages de toutes sortes, n’ont rien changé aux réserves des bailleurs de fonds. Sur la quarantaine de participants au lancement du Plan d’action humanitaire et à la conférence des bailleurs, seules la Belgique, la Grande-Bretagne et l’Union européenne ont manifesté leur intention de mettre la main à la poche. La Grande-Bretagne a promis de donner 100 millions de dollars, la Belgique 11,9 millions de dollars, et la Commission de l’Union européenne 45,2 millions de dollars. Pour Jan Egeland ces promesses devraient se traduire en espèces sonnantes et trébuchantes, et il espère par ailleurs que d’autres bailleurs se manifesteront pour qu’un minimum de 200 millions de dollars soient rassemblés afin de répondre aux besoins prioritaires pour la tenue des premières élections en avril prochain.
Du côté des ONG la déception est grande. Elles s’étonnent que le chiffre de 1 200 personnes qui meurent chaque jour en RDC n’émeuve pas davantage les bailleurs de fonds. En collaboration avec les agences onusiennes elles projettent de tenir une prochaine réunion le 1er mars afin de refaire le point. Mais on sait déjà que nombre de bailleurs de fonds traînent le pas parce qu’ils ne souhaitent pas contribuer à la campagne électorale en cours et risquer le soupçon de soutenir des groupes politiques qui ne manqueront de mettre à leur actif certaines réalisations. Récupération, manipulation et détournement dans une période de grande instabilité sont les arguments avancés par certains contributeurs qui attendent, avant tout, le respect du calendrier électoral.
par Didier Samson
Article publié le 16/02/2006 Dernière mise à jour le 16/02/2006 à 18:11 TU