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République démocratique du Congo

Rétablir la sécurité d'abord

Le Conseil de sécurité de l'ONU a prolongé  le mandat des Casques bleus au Congo (Monuc). (Photo: ONU)
Le Conseil de sécurité de l'ONU a prolongé le mandat des Casques bleus au Congo (Monuc).
(Photo: ONU)
Le 28 octobre dernier, le Conseil de sécurité a prolongé à nouveau (jusqu’en septembre 2006) le mandat de la Mission des Nations unies au Congo (Monuc). C’est dire que nul ne croit la transition en voie d’organiser les élections promises d’ici décembre. Le scrutin a déjà été reporté de six mois, en juin dernier, mais de toute évidence il sera nécessaire de le repousser d’un semestre supplémentaire au moins. Il faut en effet d’abord sécuriser les quelque 28 millions d’électeurs prévisibles, éparpillés sur quelque 2 345 000 kilomètres carrés. Et cela alors que plusieurs milliers de rebelles rwandais en armes s’incrustent, en particulier dans les deux Kivu, à l’Est du pays, sans oublier les retards pris dans la démobilisation des anciens combattants congolais et l’intégration, dans l’armée nationale, d’une foultitude de factions.

Privé des décennies durant d’un Etat qui fonctionne et donc des infrastructures de communication qui font les bonnes armées, mais aussi faute de budgétiser la discipline, en payant régulièrement les soldes militaires, le Congo Kinshasa a vu, en octobre 1996, son armée transformée en fourmilière affolée. Les guerres suivantes faisant le reste, il en paie le prix aujourd’hui. En effet, lorsque l'Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo (l’AFDL appuyée par le Rwanda, l’Ouganda, l’Angola, le Zimbabwe, et la Namibie) est entrée au Kivu, à l’est du pays, elle a rapidement provoqué la débandade des Forces armées zaïroises (FAZ) du maréchal Mobutu, lui-même déposé, à Kinshasa, par Laurent-Désiré Kabila, le 17 mai 1997. En l’absence de communication et, à fortiori, de moyens adéquats ou même souvent de commandement, les soldats «défazés» (selon eux-mêmes et leurs compatriotes) n’ont souvent eu d’autre choix que de mettre leurs fusils au service de leur propre survie. A défaut de pouvoir rallier la très lointaine Kinshasa ou de franchir une frontière, ils ont dû s’adapter au microcosme où la guerre les avait trouvés.

Alliances tactiques ou mésalliances obligées, certains «défazés» de 1996 ont plus ou moins rapidement fait cause commune avec les nouveaux arrivés de l’AFDL ou, au contraire, avec ses adversaires. Le désarroi des troupes de feu Mobutu était tout particulièrement aigu au Kivu, où des kyrielles de familles sont restées piégées dans les camps militaires abandonnés, leurs hommes morts au combat ou entraînés très loin par quelque mouvement de troupes. Dans cette même région, certains «défazés» ont poursuivi l’aventure, dans les rangs du RCD-Goma par exemple, après la deuxième guerre, celle de 1998, ouverte par la querelle en souveraineté entre Laurent-DésiréKabila et ses anciens alliés rwandais. Mais d’autres soldats perdus ont passé une frontière, côté centrafricain, par exemple, ou bien au Congo Brazzaville où «913 personnes, des militaires et leurs familles», devaient prendre le bac pour Kinshasa, mardi, selon le ministre congolais de la Communication, Alain Akouala.

Trois cent cinquante de ces «défazés» de Brazzaville campaient autour du port fluvial de la capitale congolaise depuis 1997, à portée de vue de Kinshasa, qui retardait leur retour en invoquant des problèmes de recensement et d’identification. Entre-temps, certains militaires «zaïrois» ont monnayé leur ration quotidienne en faisant le coup de feu avec les forces de répression du régime Sassou Nguesso. Et cela, souvent, aux côtés de combattants de l’ancien régime rwandais, eux aussi repliés au Congo-Brazzaville, où certains nationalistes maï maï du Kivu avaient également installé un quartier général. On se rappelle qu’entre 1998 et décembre 2002 (date de la signature par les belligérants congolais de l’Accord global et «inclusif» de Sun City, en Afrique du Sud), l’armée gouvernementale congolaise, les Maï Maï congolais et les rebelles rwandais se battaient ensemble, au Kivu, contre le RCD et ses alliés rwandais. Depuis lors, des changements de stratégie sont intervenus. Mais le Kivu reste un enjeu de pouvoir à Kinshasa.

La quadrature du cercle électoral congolais

D’une créativité extrême, jusque dans le malheur ou la colère, les Congolais sont de plus en plus nombreux à jouer sur les mots transition-trahison pour critiquer les jeux de pouvoir qui occupent l’attelage «4+1» (la présidence dévolue à Joseph Kabila et les quatre vice-présidences allouées à sa mouvance, aux deux principales rébellions et à un petit parti censé représenter l’opposition non armée). Ce dernier est chargé de conduire aux élections. Mais, de report en renvoi, ce qui se joue à Kinshasa s’avère tout particulièrement mortel, pour les civils. Et cela, notamment, dans le riche Kivu séparé du Nord Rwanda par la chaînes volcaniques des Virunga. C’est là que, depuis lundi, quelque 800 militaires congolais et 500 Casques bleus de la Monuc ont été engagés dans une vaste opération de ratissage. Le «bilan de cette opération fait état de 15 hommes armés capturés et de cinq camps de rebelles hutus rwandais détruits dans les villages de Busesa et Mazindanga», indique le porte-parole militaire de la Monuc, le lieutenant-colonel Thierry Provendier.

L’opération «Virunga Clearance» n’a pas pour objectif «de tuer les combattants des Forces démocratiques pour la libération du Rwanda (FDLR) et les Maï Maï qui se trouvent dans cette zone», précise le lieutenant-colonel Provendier. Il précise que «le but de cette opération est d'exercer une pression sur les premiers, afin qu'ils adhèrent au processus de désarmement et de rapatriement, et sur les seconds, pour qu'ils se rendent dans des centres d'orientation», afin d’être démobilisés et réintégrés dans la vie civile ou dans les Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC). Telle est en effet la quadrature du cercle électoral congolais et la mission, jamais accomplie, confiée à l’Onu, par l’Accord de Lusaka, signé en juillet 1999, concernant les rebelles rwandais et depuis Sun City, en décembre 2002, concernant les ex-combattants, toutes factions et nationalités confondues.

Ces derniers mois, différents rapports et déclarations ont fait remonter dans la conscience internationale les noyautages de villages entiers et les exactions en tous genres qui ont largement caractérisé la présence au Congo des artisans du génocide rwandais de 1994 et de leurs descendants, du moins ceux qui ont survécu et n’ont pas rallié Kigali. Assez largement regroupés sous l’étiquette récente de FDLR, ces «rebelles» rwandais ont promis en mars dernier (aux médiateurs de la communauté catholique italienne de San’Egidio) de songer à désarmer. Force est de constater qu’ils le font plus souvent de manière individuelle que collective. D’ailleurs, selon ceux d’entre eux qui se sont accommodés du dispositif frontalier installé par Kigali à cet effet, il n’est guère prudent de s’ouvrir au FDLR d’un quelconque désir de rentrer au pays. Le FDLR se veut une plate-forme politique, mais aussi un bouclier pour ses membres toujours passibles de la justice internationale d’Arusha.

Finalement, face aux difficultés qui hypothèquent la faisabilité d’un désarmement de force des rebelles rwandais, l’Onu a estimé que le règlement de la question ressortait de l’administration militaire congolaise. Les actions en cours ont donc principalement vocation à servir de séances d’entraînement en vraie grandeur. Reste la brûlante démobilisation des quelque 300 000 «anciens-combattants» de l’armée gouvernementale, des milices maï maï et des ex-forces rebelles, avant intégration dans l’armée nationale de 120 000 d’entre eux. Or ces groupes armés ont une capacité de scissiparité inextinguible. Des factions et des sous-factions se signalent en permanence à l’attention (de préférence sonnante et trébuchante) de Kinshasa où chacune des composantes de la transition disputent aux autres des fauteuils et des portefeuilles, calculette électorale en main. Le clan katangais de Joseph Kabila, par exemple, lorgne tout particulièrement sur les électeurs kivutiens du RCD-Goma.

En dix jours d’une campagne de démobilisation renforcée, la Monuc a convaincu  quelque 120 Maï Maï, ou présumés tels, de quitter la forêt pour rejoindre un camp de cantonnement du Nord-Kivu. Le pécule de démobilisation n’est pas sans attrait, surtout pour ceux qui ne disposent même plus d’une cartouchière. Quoi qu’il en soit, après la démobilisation sonne l’heure des intrigues entre chefs de factions. Bref, la liste des difficultés est sans fin. Pour sa part, le ministre britannique de la Coopération internationale, Hilary Benn, s’inquiétait lundi de la destination des huit millions de dollars déboursés chaque mois par la Banque centrale du Congo pour la solde des militaires. Le recensement aurait déjà permis l’élimination de soldats fantômes. Mais Hilary Benne redoute visiblement qu’il en apparaisse de nouveaux. Et cela, au détriment des militaires déjà effectivement enregistrés. Il est tout à fait remarquable d’avoir réussi à inscrire sur les listes plus de 19,2 millions d'électeurs, depuis le 20 juin dernier, dit en substance le diplomate britannique. Mais, observe-t-il, «si les soldats ne sont pas nourris et pas payés, cela sera mauvais pour la sécurité et pour le processus électoral».


par Monique  Mas

Article publié le 01/11/2005 Dernière mise à jour le 01/11/2005 à 16:44 TU

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Raymond Ramazani Baya

Ministre des Affaires étrangères du Congo Kinshasa

«Le processus électoral peut être menacé par les Forces démocratiques pour la libération du Rwanda (FDLR), les ex-Forces armées rwandaises (ex-Far), encore présentes en RDC, qui se composent de 12 000 hommes, qui pillent, qui volent et qui sont armés.»

Aldo Ajello

Envoyé spécial de l'Union européenne pour la région des Grands lacs.

«Pour la première fois, il y a vraiment des avancements importants»

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