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Le SMIC marin universel n’est pas pour demain

90 % du transport mondial de marchandises s'effectue par voie maritime.(Photo : AFP)
90 % du transport mondial de marchandises s'effectue par voie maritime.
(Photo : AFP)
Les 178 pays membres du Bureau international du travail ont signé jeudi une nouvelle convention dont le but est d’améliorer les conditions de travail des marins. Le texte doit permettre d’atténuer les différences entre marins venant de pays pauvres et les autres.

La convention adoptée à Genève par les pays membres du Bureau international du travail (BIT) est en fait un toilettage de textes plus anciens. Les négociations ont duré cinq ans avant d’aboutir à ce nouveau texte. Son but est de simplifier la réglementation. Sur un plan politique, avec ce nouveau traité, les Etats n’ont plus à s’engager sur une multitude de textes internationaux concernant la vie à bord, les responsabilités du capitaine, la réglementation sur les cargaisons, l’équipage et les ports, les différences de réglementation, selon que l’on navigue dans des eaux internationales ou territoriales.

La mise à jour concerne une soixantaine d’instruments juridiques adoptés au cours des 80 dernières années. Cette simplification est si bienvenue que les représentants des gouvernements, des travailleurs et des armateurs, présents à Genève, ont voté presque à l’unanimité ce nouvel ensemble réglementaire. Approuvé par 314 voix, personne n’a voté contre. Il y a eu 4 abstentions. Le directeur général du BIT, Juan Somavia, a parlé d’avancée « historique » grâce à ce texte qui, selon lui, crée un « plancher socio-économique » face à la concurrence entre les transporteurs maritimes. « Nous avons adopté une convention qui couvre les continents et les océans, donnant une charte du travail exhaustive à plus de 1,2 million de marins », s’est encore félicité le directeur de l’organisation internationale.

Les chiffres concernant le transport maritime de marchandises varient dans une fourchette allant de 75% à 90% du total du commerce mondial. Le secteur est florissant, son bon fonctionnement décisif pour des économies aux quatre coins de la planète. Mondialisation oblige, ce secteur a beaucoup changé. Le transport maritime s’est internationalisé, la concurrence a fait son œuvre pour aller plus vite, plus loin et moins cher. Les équipages ont souvent fait les frais de cette transformation avec un recours accru à des marins venant de pays pauvres, moins payés et aux exigences réduites sur les conditions de travail à bord.

Qui veut encore faire ce métier de marin ?

Les flottes de commerce les plus importantes sont enregistrées au Panama, au Liberia, en Grèce, à Chypre, aux Bahamas, en Norvège, au Japon, à Malte, en Chine, en Russie, à Singapour et aux Etats-Unis. Ces pays totalisent l’enregistrement des 86 000 bateaux au tonnage le plus gros.

Les registres montrent que les deux tiers des marins naviguant sur ces bateaux sont originaires d’Asie, zone où les salaires sont beaucoup plus bas qu’en Europe. Quand ils embarquent, les marins philippins, chinois ou coréens sont moins bien protégés socialement que leurs collèges européens par exemple. Des Russes, des Polonais, s’inscrivent fréquemment pour naviguer, eux aussi, sur des bateaux qui ne sont pas immatriculés dans leur pays.

La nouvelle convention aidera-t-elle ces ressortissants à faire valoir leurs droits ? Sur le papier, oui, puisque le nouveau traité permet à un marin de porter plainte, dans un pays où son navire fait escale, à propos de ses conditions de travail. Le texte donne également le droit à n’importe quel pays d’inspecter un navire lorsqu’il fait étape dans l’un de ses ports. Il devient même possible de saisir un navire si les conditions de travail ne sont pas bonnes à bord ; et cela, même si le bateau en question bat pavillon d’un pays n’ayant pas ratifié le nouveau traité.

« La convention contribuera à mettre fin aux situations scandaleuses que nous observons trop souvent », a souligné le commissaire européen aux Transports présent à Genève pour le vote de ce texte. Jacques Barrot a également fait le vœu que la convention protège les marins « contre la concurrence sauvage ». La convention prévoit également l’instauration, pays par pays, d’un salaire minimum. Mais l’OIT n’a pas eu l’audace de prévoir la création d’un salaire minimum mondial.

Le texte couvre les secteurs de la santé des marins, de leur sécurité à bord. Il indique quel est l’âge minimum pour travailler, comment recruter. La convention parle également horaires de travail et alimentation des travailleurs des mers. Reste maintenant à appliquer ce texte, dans cet univers du transport maritime, le plus mondialisé qui soit. Les inégalités entre marins venant de mondes différents et se retrouvant sur le même bateau, ont rendu nécessaire cette remise à plat de la législation. Les marées noires de ces dernières années ont montré qu’il fallait réformer, la sécurité d’un navire étant liée à l’équipage. Les collisions récentes entre navires de commerce et bateaux de pêche ont montré ensuite que la mer peut être un monde impitoyable. Et avec les conditions de travail parmi les plus dures qui soient.

« Tout ça, c’est du papier », indique le porte-parole CGT des marins. « Ce n’est pas parce que c’est inscrit dans un texte qu’un marin peut se défendre », commente encore Jean-Paul Hellequin. Son constat : le transport maritime a augmenté de 430% en trente ans. Son coût social a baissé de 30%. Et l’armateur d’un navire n’a plus aucun lien avec son équipage.


par Colette  Thomas

Article publié le 23/02/2006 Dernière mise à jour le 23/02/2006 à 17:05 TU