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Terrorisme

Moussaoui devant la justice américaine

Portrait de Zacarias Moussaoui au tribunal d'Alexandria, Etats-Unis, le 16 février 2006.(Photo : AFP)
Portrait de Zacarias Moussaoui au tribunal d'Alexandria, Etats-Unis, le 16 février 2006.
(Photo : AFP)
Après plusieurs mois de procédures correspondant à la première phase de son procès, Zacarias Moussaoui comparaît à partir de ce lundi devant la cour d’Alexandria, en Virginie. Cette cour a la réputation d’être sévère mais c’est d’abord parce qu’elle se trouve dans le même Etat que le Pentagone, l’un des sites américains attaqués par les terroristes le 11 septembre 2001, que cette juridiction a été choisie.

Le procès de Zacarias Moussaoui est le premier à faire surgir devant la justice civile américaine les attentats du 11 septembre 2001. Si le Français est reconnu coupable de complicité dans ces actes terroristes, il risque la peine de mort. Sinon, il sera emprisonné à vie. Pour Zacarias Moussaoui, c’est la phase de sentence qui vient de s’ouvrir devant la cour d’Alexandria. La phase de culpabilité s’est déroulée il y a plusieurs mois déjà. Cette phase a été très courte, le Français ayant décidé, contre l’avis de ses avocats américains, de plaider coupable. C’était en avril 2005. Zacarias Moussaoui va donc être jugé pour complicité avec les auteurs des attentats du 11-Septembre.

Ce lundi, la défense et l’accusation terminent la sélection du jury. Ses 12 membres ou leurs suppléants (6) décideront du sort du Français. Son rôle est à démontrer car au moment des attentats du 11-septembre, Zacharias Moussaoui était déjà en prison. Il avait été arrêté peu de temps auparavant, le 16 août. Ses formateurs, dans une école américaine de pilotage, avaient trouvé étranges certaines demandes de l’élève concernant l’évolution d’un avion en vol. Le Français voulait notamment savoir « si l’on pouvait débrancher l’oxygène en vol », ou déconnecter le transpondeur qui permet de signaler la position de l’avion. Ces formateurs avaient prévenu la police fédérale (FBI). Le Français, dont le visa était périmé, était alors arrêté.

L’accusation de complicité repose sur un document que Zacarias Moussaoui a signé. Dans ce document, le Français reconnaît qu’il « connaissait le projet d’Al-Qaïda – projeter des avions contre des immeubles de prestige aux Etats-Unis – et a accepté de voyager aux Etats-Unis pour participer à cette opération ». Cependant, lorsqu’il a été arrêté pour visa périmé, « Moussaoui a menti aux agents fédéraux pour permettre à ses frères d’Al-Qaïda de mener à bien l’opération (qui s’est déroulée quelques jours plus tard) », indique encore ce document. « Il a faussement nié appartenir à une organisation terroriste et prendre des cours (de pilotage) en vue de tuer des Américains ».

Le procureur américain va chercher à prouver que si Moussaoui avait dit la vérité au moment de son arrestation, les attentats auraient pu être évités. La défense du Français va au contraire essayer de démontrer que l’administration américaine en savait beaucoup plus que cet homme de 37 ans sur le risque d’attentats, à l’époque, aux Etats-Unis. Autre argument de la défense : même si Moussaoui avait dit tout ce qu’il savait sur Al-Qaïda, il aurait été impossible de toute façon d’éviter les attaques contre le World Trade Center et contre le Pentagone, le quartier général militaire américain.

La complicité, élément décisif

Les débats vont durer plusieurs semaines. Puis le jury devra décider si Zacarias Moussaoui est « éligible », ou non, à la peine de mort. Si la réponse du jury est négative, le procès s’arrêtera. Moussaoui sera emprisonné à vie pour son projet de faire tomber un avion sur la Maison Blanche. Si la réponse est positive, une nouvelle phase du procès commencera alors. Les « circonstances aggravantes » de sa complicité dans les attentats du 11-Septembre, comme par exemple l’impact de ces actes sur les proches des victimes, seront examinées. La cour examinera également les « circonstances atténuantes » pour l’accusé : la justice américaine connaît son enfance difficile, en France, dans une famille marocaine instable.

Zacarias Moussaoui, qui revendique son appartenance à Al-Qaïda, plaide donc coupable pour « actes de terrorisme, piraterie aérienne, destruction d’avions, utilisation d’armes de destruction massive, assassinat de fonctionnaires américains et destruction de propriété ». Pourtant, plusieurs leaders de l’organisation terroriste minimisent son rôle dans les préparatifs du 11-Septembre. C’est le cas notamment du « cerveau » des attentats de 2001, Khalid Sheikh Mohammed. Capturé au Pakistan en mars 2003 et livré aux Américains, il estime que le rôle de Moussaoui  était peu défini dans ces opérations. L’homme, mi-pakistanais, mi-koweitien, est une figure d’al-Qaïda. Dès 1996, il donne l’idée de ces attentats contre ces cibles américaines à Oussama ben Laden. Les spécialistes du terrorisme international, qui l’ont surnommé « KSM », savent qu’il a également supervisé le recrutement des kamikazes et organisé leur entraînement.

Interrogé par la justice américaine dans sa prison, Khalid Sheikh Mohammed ne viendra pas témoigner au procès de Moussaoui. Il est tenu au secret, par la CIA, l’agence centrale du renseignement américain. Un autre acteur du réseau al-Qaïda, le Yéménite Ramzi ben al-Shaiba, pourrait lui aussi témoigner de l’importance, ou non, de Moussaoui dans les préparatifs de septembre 2001. Mais lui aussi est tenu au secret et ne comparaîtra pas au procès du Français. Après avoir interrogé les deux hommes, la justice a compris que Moussaoui n’a pas eu le rôle de 20e homme qu’il prétend, le prisonnier yéménite ayant même expliqué que Moussaoui n’était pas assez fiable pour participer aux attentats du 11-Septembre.

Au nom de la sécurité nationale, le gouvernement américain n’a pas voulu que ces deux terroristes témoignent devant la cour d’Alexandria. Ces témoignages auraient minimisé le rôle du Français, ce qu’il ne semble pas vouloir puisqu’il plaide coupable. La raison d’Etat lui permettra peut-être de sauver sa tête car en 2003, la juge Leonie Brinkema avait averti : refuser ces comparutions empêchera, juridiquement parlant, de faire le lien entre Zacarias Moussaoui et le 11-Septembre. Les débats des jours prochains devraient donner une première idée du sort qui attend Zacarias Moussaoui, la première personne à être jugée pour les attentats de 2001.


par Colette  Thomas

Article publié le 06/03/2006 Dernière mise à jour le 06/03/2006 à 17:24 TU

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Anne Toulouse

Envoyée spéciale permanente de RFI aux Etats-Unis

«Le procès Moussaoui se tient à Alexandria parce que c'est la juridiction la plus proche du Pentagone.»

[06/03/2006]

François Roux

Un des avocats de Zacarias Moussaoui

«Dans cette première phase du procès, le procureur doit essayer de prouver que les renseignements que possède Moussaoui auraient permis d'éviter le 11-Septembre.»

[06/03/2006]

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