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Balkans

Milosevic mort pour échapper au tribunal ?

Les nationalistes serbes réclament des funérailles d’Etat pour Slobodan Milosevic.(Photo : AFP)
Les nationalistes serbes réclament des funérailles d’Etat pour Slobodan Milosevic.
(Photo : AFP)
Ce ne serait ni un suicide, ni un empoisonnement. Selon un toxicologue néerlandais ayant analysé son sang récemment, l’ex-président yougoslave, mort samedi dans sa cellule, a pris délibérément un médicament contre-indiqué. Ce geste aurait visé à justifier son transfert médical à Moscou, où vivent ses proches, et à se soustraire ainsi à la justice internationale. Sa famille et les nationalistes de Serbie réclament des funérailles d’Etat à Belgrade, ce que refusent les autorités serbes.

Depuis la mort, samedi, de Slobodan Milosevic dans sa prison de La Haye, aux Pays-Bas, où il était jugé depuis 4 ans pour génocide, les conjectures et les rumeurs se sont multipliées sur les causes du décès. « Quelle est la cause de cet infarctus du myocarde? », s'interrogeait lundi le quotidien néerlandais De Telegraaf. Suicide ? Empoisonnement ? Mort naturelle ? Les premières conclusions du rapport d'autopsie, publiées dimanche, n'écartaient aucune de ces hypothèses. Dimanche soir, le tribunal pénal international s’était montré très prudent : « Il est trop tôt pour tirer la moindre conclusion. Les médecins doivent encore rédiger leur rapport final », attendu dans quelques jours.

Lundi, le dossier a connu un tournant avec les déclarations à la presse d'un toxicologue néerlandais, Ronald Uges. Celui-ci, mandaté par le tribunal pénal international de La Haye (TPIY), a analysé le sang de l’ancien président yougoslave il y a deux semaines. « Il a pris (un médicament contenant) de la rifampicine, une substance qui annule l'effet » des traitements contre l'hypertension qui lui étaient prescrits, a expliqué le spécialiste. Selon le toxicologue, qui admet néanmoins ne pouvoir fournir aucune preuve, Milosevic aurait délibérément pris ce médicament pour démontrer que les soins qu'il recevait à La Haye n'étaient pas adéquats et que son transfert médical à Moscou était nécessaire. « Je suis plus que certain qu'il ne s'agit pas d'un meurtre, a ajouté Donald Uges. Je ne pense pas non plus qu'il a pris ces médicaments pour se suicider. Il s'agissait simplement de son transfert à Moscou. Une fois à Moscou, il aurait été libre, c'est là que se trouvent ses amis et sa famille. Je pense que c'était sa dernière possibilité d'échapper au tribunal. »

Le SPS réclame des funérailles d’Etat à Belgrade

Milosevic avait effectivement demandé, fin décembre 2005, à se faire soigner en Russie, pays allié de longue date de la Serbie. Cette requête avait été rejetée, les juges estimant qu'il bénéficiait d'un suivi médical suffisant aux Pays-Bas et qu'il risquait de ne pas revenir se présenter à son procès s'il partait à Moscou. Les garanties présentées par la Russie, notamment, leur semblaient insuffisantes. En réplique, le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov, a déclaré lundi « avoir le droit de ne pas faire confiance » à l'autopsie de Milosevic et a annoncé l'envoi de médecins russes à La Haye, « au moins pour prendre connaissance des résultats de l’autopsie. »

A la polémique sur les causes de la mort de Milosevic vient s’ajouter, à Belgrade, la délicate question des obsèques. Le procureur néerlandais a décidé d'autoriser dès lundi la remise du corps à la famille Milosevic, les médecins ayant achevé leurs investigations. « Mais rien n'est fixé sur sa destination », a indiqué l'ambassade de Serbie à La Haye. Le fils de Slobodan Milosevic, Marko, a obtenu lundi soir un visa de trois jours à l'ambassade des Pays-Bas à Moscou pour venir chercher la dépouille de son père. La femme de Milosevic, Mira Markovic, souhaite un enterrement en Serbie, dans « son pays », de l'ancien homme fort de Belgrade. Cependant, elle y est, tout comme son fils, sous le coup d'un mandat d'arrêt, ce qui complique l'organisation des funérailles. Son avocat a toutefois demandé le retrait du mandat d'arrêt dont elle fait l'objet.

Le président de Serbie, le pro-européen Boris Tadic, a exclu, dès dimanche, des obsèques nationales, estimant qu’elles « seraient inconvenantes en raison du rôle que Milosevic a joué dans l'histoire récente de la Serbie ». Une telle cérémonie hypothèquerait en outre tout rapprochement avec l’Union européenne, ligne politique majeure de Boris Tadic. Ce dernier était pourtant toujours soumis, lundi, à d'insistantes pressions des milieux nationalistes. Le Parti socialiste (SPS) de Milosevic, dont le soutien au Parlement est vital pour l’actuelle coalition, réclame des funérailles d’Etat dans « l'Allée des Grands » du cimetière principal de Belgrade. Le SPS va jusqu’à menacer explicitement de faire tomber le gouvernement de Vojislav Kostunica si l'ancien président n'est pas enterré à Belgrade.


par Philippe  Quillerier

Article publié le 13/03/2006 Dernière mise à jour le 13/03/2006 à 18:10 TU