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Justice internationale

La mort de Milosevic fait taire le tribunal

Juillet 2001. Première apparition de Slobodan Milosevic, sur écran géant à la Haye, lors d'une conférence de presse internationale.(Photo : AFP)
Juillet 2001. Première apparition de Slobodan Milosevic, sur écran géant à la Haye, lors d'une conférence de presse internationale.
(Photo : AFP)
La mort en détention, constatée samedi 11 mars, de Slobodan Milosevic constitue un revers cinglant pour le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY). Au-delà de la polémique sur les circonstances de sa mort, la clôture brutale de l’affaire fait perdre au tribunal une partie de sa crédibilité.

De notre correspondante à La Haye

La justice restera muette. Il n’y aura ni condamnation, ni sentence à l’encontre de Slobodan Milosevic. L’ancien président de la Serbie puis de la Yougoslavie refusait la légitimité de ce tribunal qu’il qualifiait d’«illégal». Un tribunal soupçonné d’être dirigé par des puissances obscures dans le cadre d’un complot ourdi au siècle passé. La thèse du complot ressurgit avec le décès de l’ex président. Ses conseillers juridiques parlent d’empoisonnement et ont demandé que l’autopsie soit conduite à Moscou. Peine perdue. Les examens post-mortem restent aux mains des autorités néerlandaises, et le tribunal a ouvert une commission d’enquête, dont les résultats seront connus dans les jours à venir.

Une semaine plus tôt, l’ennemi juré de Slobodan Milosevic, l’ancien président des Serbes de Croatie, Milan Babic, se pendait dans sa cellule. Et depuis l’automne dernier, une bataille juridico-médicale avait surgi en arrière plan du procès de l’ex homme fort de Belgrade, sur fond de guerres entre spécialistes. Slobodan Milosevic voulait être soigné à Moscou. Le 23 février, sa demande était rejetée. Le ministère russe des Affaires étrangères avait exprimé vertement ses regrets. Et dimanche, au lendemain de la disparition de Milosevic, tandis qu’à La Haye, la procureure Carla del Ponte appelait de nouveau à l’arrestation des chefs de guerre bosno-serbe, Ratko Mladic et Radovan Karadzic, Belgrade demandait au tribunal de lui remettre les conclusions de l’enquête.

Un sentiment d’inachevé

Juridiquement, l’affaire Milosevic est définitivement close. Aucune sentence, aucun jugement ne découlera des 466 jours d’audience, des milliers de pièces à conviction enregistrées, et de la comparution de quelques 350 témoins à la barre du tribunal. Le décès de l’ancien président constitue un curieux revers pour le tribunal international. Un sentiment d’inachevé, d’amertume, plane dans les couloirs de la juridiction à La Haye. Au cours d’une conférence de presse, dimanche midi, Carla del Ponte a cependant rappelé que «d’autres responsables sont accusés pour les mêmes crimes que Slobodan Milosevic». Depuis 13 ans, le tribunal international a dressé 161 actes d’accusation et prononcé 40 condamnations.

Mais comme si le destin rendait impossible la condamnation judiciaire des chefs d’Etat, aucun des trois «seigneurs de la guerre» des Balkans ne sera donc jamais jugé. Les noms de Slobodan Milosevic et de son homologue croate Franjo Tudjman, émaillent cependant les procès. Le nationaliste de Zagreb figure comme responsable au premier chef des crimes reprochés à ses anciens acolytes, chefs politiques et militaires, par le tribunal de La Haye. Décédé en décembre 1999, le président croate n’a jamais été inculpé. L’enquête conduite par le tribunal n’était pas encore bouclée. Restait l’ancien président de Bosnie-Herzégovine, Alija Izetbegovic, dont une possible inculpation faisait l’objet de controverses. Une courte enquête avait été conduite puis immédiatement refermée, avec son décès en septembre 2004.

La juridiction ne fermera pas ses portes avec la clôture de l’affaire Milosevic, malgré l’impatience répétée de la communauté internationale. Si le tribunal n’a pu juger les trois chefs d’Etats, les accusés incarcérés ne sont pas des seconds couteaux. Les hommes qui prennent place dans le box des accusés sont tous liés. Les crimes contre l’humanité commis en ex-Yougoslavie ont été orchestrés par un réseau d’individus liés par leurs intérêts personnels, leurs petits arrangements de circonstance, les solidarités de guerre, leur folie nationaliste et leur haine réciproque. Les inculpations dressées par le procureur forment un organigramme précis de leurs rapports hiérarchiques, officiels ou obscurs.

Le tableau reste cependant incomplet et quelques figures clés ont échappé aux inculpations, faute de moyens, de temps et de preuves. Le procès Milosevic compte cependant des milliers de preuves, vidéos, photo-satellites, témoignages. La justice n’est pas passée. Il restera l’histoire.


par Stéphanie  Maupas

Article publié le 12/03/2006 Dernière mise à jour le 12/03/2006 à 18:24 TU