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Guyane

Une inconnue nommée chikungunya

Selon les autorités de santé, le chikungunya devrait aussi être confirmé pour la patiente en quarantaine à l'Hôpital de Saint-Laurent du Maroni.(Photo : F.Farine / RFI)
Selon les autorités de santé, le chikungunya devrait aussi être confirmé pour la patiente en quarantaine à l'Hôpital de Saint-Laurent du Maroni.
(Photo : F.Farine / RFI)
Deux sœurs rentrées en Guyane le 7 mars, après un séjour à Madagascar, présentaient depuis plusieurs jours les symptômes du chikungunya. Mercredi 15 mars, la Direction de la santé (DSDS) a annoncé que l’Institut Pasteur de Cayenne avait diagnostiqué le chikungunya pour l’une d’elles, résidant à Matoury. La même pathologie devrait probablement, selon la DSDS, être confirmée pour la sœur, hospitalisée en quarantaine à Saint-Laurent du Maroni, à la frontière du Surinam. Le chikungunya s’invite en Guyane alors que le département est en proie à une épidémie de dengue.

De notre correspondant en Guyane

« Il ne manquait plus que le chikungunya », a-t-on soupiré en Guyane en apprenant la nouvelle. Car ce département est déjà affecté par un certain nombre de calamités : il est le plus touché par la virus du sida (plus de 1,5% de la population est infectée). Il voit sévir la dengue, le paludisme, la leishmaniose. Il a connu depuis 2001, plusieurs épidémies de coqueluche, imputables au déficit de vaccination. La tuberculose et les hépatites B et C prospèrent. Enfin, la collecte de sang y est définitivement arrêtée, a annoncé le 14 février, Patrick Hervé, le président de l’Etablissement français du sang en raison du risque, longtemps négligé, de contamination transfusionnelle par la maladie de Chagas, faute de dépistage homologué. On pourrait ajouter au tableau : des cas de typhoïde, la fièvre Q, le virus HTLV1, et diverses maladies émergentes favorisées par le biotope équatorial où les animaux sont des réservoirs.

« En Guyane, plus on veille, plus on trouve, plus on doit agir. J’ai l’impression d’éclater », s’était émue Françoise Ravachol, médecin inspecteur à la DSDS, auprès du ministre de la Santé Xavier Bertrand, lors d’une réunion à l’Institut Pasteur de Cayenne, le 6 mars dernier. Ironie du sort, le lendemain, mardi 7 mars, deux sœurs descendent de l’avion d’Air France en provenance de Paris qu’elles ont rejoint depuis Madagascar. L’une d’elles, habitante de Matoury, à quelques kilomètres de l’aéroport de Rochambeau, a les symptômes du chikungunya depuis le 3 mars. Le mercredi 8 mars, elle est au téléphone avec la DSDS qui décide de lui faire un prélèvement sanguin. « Nous travaillons de concert avec la police de l’air et des frontières qui répertorie à l’aéroport les gens en provenance de l’Océan indien : vingt, depuis le 16 février. On appelle alors ces personnes et on conseille des analyses au moindre symptôme », explique Jacques Cartiaux, directeur de la DSDS. La sérologie révèle des anticorps du chikungunya dans l’après-midi du 14 mars à l’Institut Pasteur de Cayenne. La personne, en arrêt de travail, est confinée à son domicile de Matoury qui a été démoustiqué, comme les alentours, par les services du Conseil général. Car en Guyane, le moustique aedes aegypti peut véhiculer le chikungunya durant environ 3 semaines après avoir piqué une personne qui a le virus.

«Le chikungunya est très médiatique»

Entre-temps, la sœur, du désormais «premier cas de chikungunya guyanais», a rejoint son domicile de Saint-Laurent du Maroni à 260 km, le 7 mars, dès sa descente d’avion. Durant la nuit, elle ressent les premières fièvres. « Le mercredi 8 mars au matin nous l’avons hospitalisée et immédiatement isolée dans une chambre sous moustiquaire », indique Valéry Nasser praticien hospitalier à Saint-Laurent, et « elle restera à l’hôpital, jusqu’à la fin de son virus, si un chikungunya ou une dengue de type 1 se confirment. Ces deux maladies sévissent actuellement à Tamatave dans l’île de Madagascar où les deux sœurs ont séjourné. La dengue de type 1, comme le chikungunya, serait embêtante car les deux sont inconnus en Guyane (où les dengues sont de type 2, 3 ou 4) ». Là encore, les services du Conseil général ont démoustiqué les alentours de l’hôpital. En revanche, le sang de la patiente de Saint-Laurent n’a pas révélé d’anticorps du chikungunya. « Logique, indique Jacques Morvan médecin biologiste, directeur de l’Institut Pasteur. Elle devait être au jour zéro de sa maladie au moment du prélèvement donc sans anticorps ».

Pour affiner la recherche du chikungunya, l’Institut Pasteur a reçu mardi 14 mars, en provenance de l’Hexagone, des réactifs pour une technique qui permet de détecter le virus par biologie moléculaire. Le nouveau test, effectué mercredi 15 mars, prend 24 heures. Il révèlera donc ce jeudi « probablement un second cas de chikungunya, les 2 sœurs présentant les mêmes tableaux » confie la DSDS. Et pourtant, c’est une épidémie de dengue qui semble susciter les plus vives inquiétudes des autorités. « Le chikungunya est très médiatique, avance Jacques Cartiaux, mais nous en sommes à plus de 40 nouveaux cas de dengue par semaine ce qui, pour 200 000 habitants, constitue une épidémie. Surtout, on n’a aucun moyen prospectif pour savoir où va s’arrêter la phase ascendante de l’épidémie ». La dengue est, elle aussi, transmise par l’aedes aegypti.

Cinq dengues hémorragiques enregistrées en janvier et février

En février, 203 dengues ont été diagnostiquées par Pasteur, soit le double du chiffre de janvier. Pour les deux premiers mois de l’année, Pasteur ajoute 1 103 cas suspects ayant présenté les symptômes de la dengue, selon leur médecin. De plus, selon les spécialistes, cette dengue de type 2 est dangereuse. Elle provoque des malaises, des fortes baisses de plaquettes, des complications. Cinq dengues hémorragiques ont été relevées pour janvier et février, mais aucun décès. Pour Jacques Cartiaux, « le chikungunya, n’est vraiment pas ce qui m’inquiète le plus. En Martinique, il y a eu trois cas, et la maladie ne s’est pas disséminée ». Jacques Morvan est plus précis : « A Pasteur, nous avons diagnostiqué deux des trois cas martiniquais. En tout état de cause, il s’agissait de trois personnes présentant des anticorps en n’ayant plus le virus dans le sang. Donc, même piquées par un moustique, il n’y avait plus de risque de contamination. En Guyane, c’est différent : ces personnes sont au tout début de la maladie, donc elles ont le virus dans le sang. Et ce n’est que le lendemain de leur arrivée qu’elles ont été prises en charge et leur voisinage démoustiqué. Il n’y a donc pas de risque zéro ».


par Frédéric  Farine

Article publié le 16/03/2006 Dernière mise à jour le 16/03/2006 à 09:08 TU