Iran
Un geste vers Washington
(Photo : AFP)
De notre correspondant à Téhéran
« L'Iran accepte la demande de notre frère (le chef du principal parti chiite irakien Abdel Aziz) Hakim pour parler avec les Américains dans le but de régler les problèmes et questions irakiennes et aider à créer un gouvernement indépendant », a déclaré Ali Larijani, secrétaire du Conseil suprême de la sécurité nationale, en charge des questions sécuritaires, notamment du dossier nucléaire. « Nous allons prochainement présenter ceux qui seront chargés de mener ces discussions », a-t-il ajouté. C'est la première fois depuis cinq que l'Iran accepte de parler avec les Etats-Unis. A l'époque, les deux pays avaient mené des discussions indirectes dans le cadre de l'Onu à propos de l'Afghanistan.
L'ayatollah Hakim, qui dirige le principal groupe chiite irakien, le Conseil suprême de la révolution islamique en Irak (CSRII), est un proche allié de l'Iran. Il avait demandé mercredi « à la direction sage de la République islamique (d'Iran) d'ouvrir un dialogue avec les Etats-Unis » et d'examiner les divergences sur l'Irak. Le pays est confronté à une vague de violence interconfessionnelle opposant des chiites à des sunnites, faisant craindre qu'il ne bascule dans une guerre civile susceptible de provoquer son éclatement.
En plein crise nucléaire
Selon M. Larijani, dans le passé l'ayatollah Hakim avait demandé à plusieurs reprises que Téhéran et Washington acceptent de se parler pour régler les questions de sécurité en Irak, mais ces demandes n'avaient « pas été rendues publiques ». L'Iran est comme l'Irak majoritairement chiite. Le CSRII a été créé à Téhéran en 1982, et ses dirigeants irakiens ont longtemps trouvé refuge dans la république islamique pour échapper aux persécutions du régime de Saddam Hussein. Les chiites irakiens, qui ont remporté les récentes élections, sont des proches alliés du régime iranien. La déclaration de M. Hakim faisait suite à celle vendredi de l'ambassadeur des Etats-Unis en Irak, Zalmay Khalilzad, qui a affirmé que les Etats-Unis étaient « prêts à discuter avec l'Iran » des différends sur l'Irak.
L'acceptation de Téhéran de négocier avec les Américains intervient en pleine crise nucléaire. Les Etats-Unis et les pays européens tentent de faire adopter une résolution forte par le Conseil de sécurité pour demander à l'Iran de suspendre toutes ses activités nucléaires sensibles, notamment l'enrichissement d'uranium qui sert à fabriquer du combustible pour les centrales nucléaires civiles mais peut être utilisé pour la fabrication de l'arme atomique. Washington voudrait même imposer des sanctions économiques contre l'Iran. Dans ces conditions, la déclaration d'Ali Larijani est perçue comme un geste d'apaisement. Et ce, d'autant plus que le président américain George W. Bush a accusé lundi la République islamique d'Iran d'aider les milices chiites irakiennes à fabriquer des engins explosifs visant les forces américaines.
«Nous n'excluons pas l'usage de la force»
Ali Larijani a affirmé que les négociations seraient « limitées à l'Irak ». Il n'empêche. Il y a un peu plus de deux semaines, dans une interview à l'hebdomadaire américain Time, M. Larijani avait déclaré que l'Iran était prêt à parler avec les Etats-Unis à propos du nucléaire et des questions concernant le monde islamique.
Reste que les dirigeants américains devraient difficilement accepter un tel dialogue. La Maison Blanche a en effet rendu public jeudi le document de stratégie pour la sécurité nationale, affirmant que l'Iran constituait le « plus grand défi » pour les Etats-Unis. « Avec l'Iran, nous sommes peut-être confrontés au plus grand défi que nous pose un pays », dit le document, qui accuse l'Iran de chercher à se procurer l'arme atomique. Il affirme que « le régime iranien soutient le terrorisme, menace Israël, essaie de contrecarrer la paix au Moyen-Orient; et dénie à son peuple ses aspirations à la liberté. » Le président américain George W. Bush a toujours refusé d'exclure l'option militaire contre l'Iran même si, pour l'instant, l'heure est à la diplomatie. « Si nécessaire (...) nous n'excluons pas l'usage de la force avant qu'une attaque ne se produise, même si l'incertitude demeure sur la date et le lieu de l'attaque de l'ennemi », dit le document de stratégie pour la sécurité nationale de la Maison Blanche.
par Siavosh Ghazi
Article publié le 16/03/2006 Dernière mise à jour le 16/03/2006 à 18:00 TU